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À La Une - Portrait

Tunisie: le président Marzouki, chantre de l'union entre islamistes et laïcs

Le président tunisien Moncef Marzouki. FETHI BELAID/AFP

Opposant historique à la dictature déchue puis président de la Tunisie grâce à une alliance avec les islamistes, Moncef Marzouki se pose en rassembleur, mais ses détracteurs, lui reprochant son ambition, vilipendent l'homme et son action.

Officiellement candidat à sa réélection le 23 novembre, M. Marzouki avait été élu fin 2011 par l'Assemblée constituante, couronnant l'engagement militant de cet homme de gauche qui a vécu de longues années d'exil en France pour échapper à la répression du régime de Zine El Abidine Ben Ali.

Né le 7 juillet 1945 à Grombalia, à 40 km au sud de Tunis, ce père de deux filles se décrit toujours comme un "enfant du peuple au service du peuple".
Loin du faste présidentiel auquel les Tunisiens étaient habitués sous Ben Ali, il refuse ainsi symboliquement de porter une cravate et apparaît régulièrement vêtu du traditionnel burnous plutôt que d'un costume. "C'est le premier à avoir défié Ben Ali, pour cette raison il a été emprisonné" en 1994, déclare samedi un de ses proches, Samir Ben Ammor, "il a donné une nouvelle image de la présidence, c'est le candidat du peuple".

Allié des islamistes

Si ce médecin neurologue formé à Strasbourg devenu militant des droits de l'Homme est entré à la présidence, c'est à la faveur d'une alliance de son mouvement, le Congrès pour la République (CPR) et d'un autre parti séculier avec les islamistes d'Ennahda, vainqueurs des élections d'octobre 2011.

Pour lui, cette coalition est sa plus grande réussite alors que la quasi-totalité des partis dits laïques dénoncent un accord "avec le diable" dans l'unique but de satisfaire une ambition présidentielle.
Moncef Marzouki a toujours défendu son choix, martelant qu'Ennahda et les forces dites "progressistes" devaient agir de concert pour assurer l'unité du pays, comparant le parti islamiste aux "chrétiens démocrates d'Europe".

Sur la scène internationale, le président se pose en VRP de l'expérience démocratique tunisienne, fort de son passé d'opposant à Ben Ali, d'ex-chef de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) et d'ancien exilé politique.

A Bruxelles, à Paris, devant l'ONU, en français, en arabe ou en anglais, il ne cesse de répéter la nécessité de soutenir la Tunisie afin qu'elle ne bascule pas dans le chaos ou la répression comme les autres pays du Printemps arabe. "Si la Tunisie échoue, vous pouvez dire au revoir à la démocratie dans le monde arabe pour un siècle", martèle-t-il en août à Washington.
Ces positions lui vaudront d'être classé en 2013 par TIME magazine parmi les 100 personnes les plus influentes au monde. Mais dans son pays, M. Marzouki est loin de faire l'unanimité. Dès 2012, il est confronté aux scissions dans son propre camp et aux démissions de proches agrémentées d'insultes.

Dérapages

Le député Tahar Hmila ira jusqu'à réclamer une "expertise psychiatrique" du chef de l'Etat et un ex-conseiller présidentiel, Ayoub Messaoudi, le traitera de "minable". L'opposition, elle, dénonce sa compromission avec les islamistes qu'il a soutenus coûte que coûte jusqu'à leur départ du pouvoir en début d'année, et notamment en 2013, lorsque des opposants laïques sont assassinés par des jihadistes, entraînant une grave crise politique.

Parfois le chef de l'Etat dérape comme lorsqu'il fustige "les extrémistes laïques" dont l'arrivée au pouvoir provoquerait, selon lui, "une révolution (islamiste) bien plus féroce".
Quelques mois plus tard, ulcéré par la presse qui relaye régulièrement des rumeurs peu flatteuses, la présidence publie un "livre noir" des médias tout en dressant un portait laudateur de M. Marzouki.

Attaqué de toute part, l'ouvrage est retiré et la justice interdit à la présidence l'accès à ses propres archives.
Des maladresses valent aussi régulièrement l'embarras au chef de l'Etat. Il est ainsi visé par une plainte en diffamation pour avoir moqué en juin 2014 lors d'une cérémonie publique "la profonde ignorance" des Tunisiens sur l'Afrique.

Et, toujours en juin, M. Marzouki s'est retrouvé devant les caméras dans l'incapacité de s'inscrire sur les listes électorales faute d'avoir pris sa carte d'identité. Ses épaisses lunettes, son front dégarni et un visage taillé à la serpe font aussi le bonheur des caricaturistes.


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