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Nos Lecteurs ont la Parole - Nay GHANEM

Antoine Ghanem, sept ans déjà !

Antoine Ghanem, sept ans se sont écoulés et nos sentiments sont encore indémêlables... Nous apprenons tous les jours à vivre sans toi, dignement et librement. Sans toi, nous apprenons à célébrer Noël, les mariages, les naissances et les anniversaires. Sans toi, nous apprenons à assumer, à gérer. Sans toi, nous apprenons à défier et apprivoiser les maladies. Sans toi, nous apprenons à dompter le mal et affronter le diable sans en pâtir. Sans toi, nous faisons de notre mieux et nous comptons les uns sur les autres ainsi que sur ton regard bienveillant. Sans toi, nous ressentons l'envie, et parfois le besoin, de partager avec toi.
Nous te parlons encore parce que nous sentons que tu nous écoutes, et le vent que tu souffles pour nous caresser les cheveux nous apaise. Nous assumons notre destin dans cet Orient ensanglanté, où la haine engendre la haine, où la paix semblerait être un conte de fées, même pas une possibilité. Avec toi, la vie était plus simple. Peut-être qu'avec toi, nous n'étions que des enfants ou nous regardions la vie avec un regard d'enfant. Aide-nous à regarder la vie avec tes yeux, toi qui aimais infiniment, qui donnais inconditionnellement et gratuitement, qui mettais tes talents au service des autres et des inconnus. Tu répondais au mal par le silence et des gestes sincères. Tu as eu raison, ceux qui se sont lavé les mains du sang de l'agneau ne pourront jamais arrêter le soleil de briller, ni contenir les vagues de l'océan.
Tu as compris très tôt que la liberté au Moyen-Orient s'achète malheureusement par le sang des justes. Enfant, on t'avait raconté l'histoire de ton oncle paternel Bahjat Ghanem, officier dans l'armée libanaise, occupant le poste d'interprète et traduisant les langues pour tenter d'instaurer la paix. L'amour que portait Bahjat Ghanem dans le cœur, sa fidélité à son pays, son courage et sa modération ne l'ont pas protégé aussi. Bahjat Ghanem est tombé à l'âge de 24 ans en martyr, tué sur le front en 1925, mais libre plus que jamais. Bahjat Ghanem est parmi les premiers martyrs de l'armée libanaise. Il n'a pas laissé de descendants, mais une des plus anciennes casernes de l'armée libanaise à Kobbé-Tripoli porte son nom et immortalise son souvenir.
Je vous remercie, toi, Bahjat Ghanem, et tes camarades, d'avoir fait le choix de mourir en martyrs. Je vous demande pardon de me poser parfois la question si ce pays vaut la peine. Ce pays vaut la peine que l'on y bâtisse un État parce que des hommes justes comme vous ont porté la croix et accepté le martyre pour nous et non pas par égoïsme parce qu'on leur a promis des vierges au paradis. Vous n'êtes pas partis mourir dans un pays étranger, mais vous êtes morts sur votre terre, en la protégeant et nous protégeant, comme vos aïeux. Vous avez vécu dans le danger, sans que la haine n'atteigne votre cœur.
Sans toi, je n'ai plus de repères et je suis dépassée par les événements régionaux et locaux, et cet ancien monde qui s'effondre. Tu n'aimais pas les révolutions, qui finissent par sombrer dans l'excès et l'anarchie. Tu n'appréciais pas les révolutionnaires et les politiciens avec une voix et un doigt qui menacent. L'agression verbale est une peste qui se propage et remplit les cœurs et les actions de haine. Face à l'excès de ce néoterrorisme, je me dis qu'heureusement tu n'es plus parmi nous pour ne pas être témoin. Choisir entre un terrorisme et un terrorisme n'est pas un choix ; et c'est le mal qui triomphe au prix de la dignité de l'homme et des peuples. Toute ta vie, tu as été un homme modéré, et la modération n'a jamais limité ton engagement. Au contraire, ta modération est une force qui donne une crédibilité et une légitimité à ta cause.
Qui sommes-nous pour ne pas pardonner, alors que nous croyons en un Dieu miséricordieux ? Mais un jour, et nous attendrons ce jour, la justice fera la vérité sur ton assassinat. Non pas par haine, ni par vengeance ni par rancune, mais par amour. Parce que la paix, le droit et la liberté ne peuvent exister sans la justice ; et il n y a pas de justice en dehors de l'amour.

Antoine Ghanem, sept ans se sont écoulés et nos sentiments sont encore indémêlables... Nous apprenons tous les jours à vivre sans toi, dignement et librement. Sans toi, nous apprenons à célébrer Noël, les mariages, les naissances et les anniversaires. Sans toi, nous apprenons à assumer, à gérer. Sans toi, nous apprenons à défier et apprivoiser les maladies. Sans toi, nous apprenons...

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