Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Philippe KHOURY

Des cheikhs sans provision

Boutros Harb, député et ministre, est un homme sensé et pondéré. Il a lui-même expliqué avec beaucoup de simplicité, pendant une émission-
portrait qui lui était consacrée, que son titre de cheikh n'était pas un titre de noblesse. Il a expliqué que le mot cheikh a deux significations quand il précède le nom de quelqu'un. Première signification : l'aïeul de cet homme était une référence pour la résolution des conflits dans un village et on l'appelait cheikh, c'est le cas de l'aïeul de Boutros Harb, et le pli qui a été pris d'appeler cheikh des descendants de cet aïeul n'est pas de mise, selon les explications du député lui-même.
Seconde signification : le mot cheikh, c'est en quelque sorte un titre de noblesse orientale que vous confère l'émir en vous envoyant une lettre où il vous appelle « Mon très cher frère ». Ce titre-là est, lui, héréditaire et se transmet du père à son fils aîné, qui le transmet lui-même à son fils.
Nous avons été gavés d'émissions-portrait sur les hommes politiques libanais qui ne manquaient pas une occasion de montrer des objets qui prouvaient l'ancienneté de leur famille. Mais ces hommes politiques, si prompts à exhiber toutes sortes de récits et d'objets attestant de l'ancienneté de leur clan, n'ont pas montré la lettre de l'émir (ou du sultan) qui faisait d'eux des cheikhs. Et pourtant ils ne froncent pas le sourcil quand on leur donne du « cheikh ».
Nous sommes d'ailleurs étonnés que Boutros Harb, qui a expliqué avec tant de modestie qu'il ne portait pas le titre de cheikh au sens de « titre de noblesse », n'ait pas demandé à l'animateur de l'appeler tout simplement Boutros Harb.
De manière plus générale, je pense que la vie politique au Liban serait assainie si on cessait d'appeler un ancien ministre ou un ancien député « Excellence » (surtout que du point de vue de l'excellence...). Même les ministres et députés en exercice ne devraient pas être appelés ainsi.
Dans les pays occidentaux dont nous regardons les programmes à la télé et dont nous lisons la presse, on appelle les ministres, députés et même le président de la République uniquement par leurs nom et prénom.
Cette coutume étrange de donner à quelqu'un un titre quand il a occupé un poste ne serait-ce qu'un mois (ainsi le regretté Amine el-Hafez, qui avait été chargé de former un gouvernement mais n'y était pas parvenu, avait quand même hérité du titre de président sa vie durant) contribue à l'appétence des hommes à convoiter des postes en vue, quitte à faire fi de l'intérêt public s'ils ne sont pas compétents pour occuper ledit poste.
En France, peu de gens se doutent que le président Valéry Giscard d'Estaing est un noble, les journalistes l'interpellent quand ils l'interviewent par un « Valéry Giscard d'Estaing, vous avec décidé ceci ou cela... », même quand il était en exercice. On va même jusqu'à l'appeler VGE dans la presse.
Qui se doute que la célèbre psychanalyste Marie Bonaparte est une petite-nièce de Napoléon et une princesse par son mariage avec le prince Georges de Grèce et du Danemark ?
On sait qu'elle est l'une des principales disciples de Freud et une des théoriciennes de la psychanalyse, et quand on la cite, on dit tout simplement «Marie Bonaparte a écrit que... » Qui se doute que le célèbre présentateur français François de Closets est un comte ? Seules ses manières distinguées peuvent nous mettre sur la piste. Lui n'en parle jamais.
Nous suggérons donc, car cela pourrait réduire l'incroyable arrivisme de beaucoup de citoyens à briguer des postes qui leur donneront pour la vie un titre flatteur qui précédera leur nom, qu'on supprime une fois pour toutes tous les titres, quels qu'ils soient, pour ne conserver, toute révérence gardée (car il ne s'agit pas d'être grossier, mais simplement d'assainir les ambitions politiques), que le nom de la personne interviewée ou dont on parle dans un article ou une analyse.

Boutros Harb, député et ministre, est un homme sensé et pondéré. Il a lui-même expliqué avec beaucoup de simplicité, pendant une émission-portrait qui lui était consacrée, que son titre de cheikh n'était pas un titre de noblesse. Il a expliqué que le mot cheikh a deux significations quand il précède le nom de quelqu'un. Première signification : l'aïeul de cet homme était une...

commentaires (1)

La classe, c'est inné... on l'a ou on l'a pas. On a beau s’attribuer des titres et s'affubler de « son excellence le président, ministre, député à vie « par ci et de émir-cheikh-pacha, par là … ca ne donnent ni rang, ni charisme, ni éducation et encore moins de prestance. Il est grand temps d’arrêter ses salam aleik… et d'évaluer les politiciens par ce qu'ils ont donné, donnent et espérons… donneront au Liban, qui a plus besoin que jamais d’actions positives, de dévouements et de sacrifices que de courbettes…

Nadine Naccache

12 h 14, le 19 septembre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • La classe, c'est inné... on l'a ou on l'a pas. On a beau s’attribuer des titres et s'affubler de « son excellence le président, ministre, député à vie « par ci et de émir-cheikh-pacha, par là … ca ne donnent ni rang, ni charisme, ni éducation et encore moins de prestance. Il est grand temps d’arrêter ses salam aleik… et d'évaluer les politiciens par ce qu'ils ont donné, donnent et espérons… donneront au Liban, qui a plus besoin que jamais d’actions positives, de dévouements et de sacrifices que de courbettes…

    Nadine Naccache

    12 h 14, le 19 septembre 2014

Retour en haut