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Nos Lecteurs ont la Parole - Ronald Barakat

Daech, un cadeau empoisonné pour Assad ?

Beaucoup d'observateurs et d'analystes voient dans l'émergence du phénomène ultraradical Daech/EI, ou quelle que soit son appellation, le « Deus ex machina » pour Assad qui s'était évertué à faire figure, depuis le début de la révolution syrienne, d'homme d'État laïc et modéré, ou du moins de dictateur « nécessaire », muni d'un tel profil, détenteur du vaccin antiterroriste, garant de la stabilité dans la région et d'un modus vivendi pérenne avec l'État hébreu.
Mais à y voir de plus près on serait porté à se demander si l'avènement de ce monstre intégriste ne serait pas plutôt pour le desservir au profit de la rébellion qui se révèle aux yeux de la communauté internationale véritablement modérée (chose qu'elle s'est toujours efforcée de démontrer) ou du moins un moindre mal que ce « mal absolu » qui vient trancher nettement avec ladite rébellion à force de trancher des têtes de toutes communautés et nationalités, toute tête qui ne lui ressemble pas point par point, à force de les brandir sadiquement comme des trophées, de commettre des exécutions sommaires, des massacres en série confinant à l'épuration ethnique, de semer la terreur aussi bien réelle que psychologique et médiatique.
Étant donné qu'entre les deux protagonistes déjà en place – rebelles/loyalistes – cet intrus hideux penche du côté le plus sanguinaire pour le dépasser, il devient moins évident que ce nouveau joueur fasse le jeu du régime syrien, puisqu'il vient jouer dans son propre camp.
Ainsi, après la relation meurtrière bipolaire classique qui mettait jusque-là aux prises les opposants syriens avec les forces gouvernementales, donnant l'impression que ces dernières combattaient les « terroristes » (stéréotype alimenté et véhiculé par la propagande baassiste), voici que le surgissement du monstre daéchiste des ténèbres a révélé au monde entier la vraie figure de la terreur, pour faire des rebelles des enfants de chœur et faire des loyalistes les émules des terroristes avérés, grâce à un palmarès d'atrocités communes aux méthodes différentes.
Force est ainsi de reconnaître que celui qui se posait en garant de la modération, de la (fausse) laïcité et de la stabilité, qui s'attribuait le rôle principal de protecteur des minorités qui sont plus que jamais persécutées et prises de panique, dont les chefs communautaires sonnent l'hallali, qui s'arrogeait le titre de seul défenseur des valeurs républicaines, du vivre-ensemble et de l'ordre face à la chienlit, est maintenant réduit à un rôle secondaire sur le champ de bataille dont le schéma, jusque-là bipolaire, est devenu triangulaire, composé de trois pôles qui s'entre-tuent : rébellion-Daech-régime (al-Nosra étant, dans ce schéma, assimilé à Daech et le Hezbollah au régime). D'autant plus que, et pour se faire l'écho de Jean-Pierre Filiu dans son entrevue à L'Orient-Le Jour : « Assad ne peut plus prétendre qu'il va plonger la région dans le chaos plutôt que se retirer, car la région est d'ores et déjà dans le chaos. »
Face à ce triangle infernal, les communautés internationale et régionale n'auront d'autre choix que de soutenir le pôle le moins pire, à leurs yeux, puisqu'elles sont prises entre la peste et le choléra, ne pouvant certes pas reconnaître ou renflouer un régime pestiféré, ni laisser faire un califat cholérique (et colérique), tous deux coupables de crimes abominables contre l'humanité.
C'est ainsi que les déclarations du président américain lors de son discours du 10 septembre (qui n'était jusque-là qu'un « résident américain » dans la tragédie syrienne), selon lesquelles les États-Unis ne coopéreront pas avec le régime syrien, même pour des frappes en Syrie, mais apporteront un soutien substantiel à l'opposition modérée, viennent s'inscrire dans cette trajectoire.
Tout indique donc que la coalition internationale, formée et dirigée par les États-Unis pour en finir avec l'État qui n'a rien d'islamique (islamiste étant plus approprié), sera, tout compte fait, au bénéfice des rebelles syriens, finalement perçus comme modérés, et au détriment des loyalistes immodérés. Les premiers indices avant-coureurs se mesurent par l'accueil favorable des uns à la stratégie d'Obama et mitigé des autres; par l'adhésion inconditionnelle des uns et conditionnée des autres... par le sourire des uns et le rictus des autres.

Ronald BARAKAT

Beaucoup d'observateurs et d'analystes voient dans l'émergence du phénomène ultraradical Daech/EI, ou quelle que soit son appellation, le « Deus ex machina » pour Assad qui s'était évertué à faire figure, depuis le début de la révolution syrienne, d'homme d'État laïc et modéré, ou du moins de dictateur « nécessaire », muni d'un tel profil, détenteur du vaccin...

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