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Un monde de solutions (II) - Développement

« Toumou’délices », des chenilles en conserve contre la malnutrition

Dès ce mois de septembre, sortiront des ateliers de Fasopro les premières conserves de chenilles au Burkina Faso, « Toumou'délices». C'est l'initiative d'un jeune ingénieur burkinabé, Kahitouo Hien. Le processus est en marche.

Les ramasseuses de chenilles de karité au pesage avec leur récolte. Par semaine, cette activité leur procure des revenus variant entre 20 000 et 40 000 F CFA.

À plus de 400 km de la capitale du Burkina Faso (Ouagadougou), dans une petite bourgade appelée Somousso, plus d'une centaine de femmes sont à pied d'œuvre sous les arbres de karité. Elles récoltent les chenilles de ces arbres fruitiers centenaires qui pullulent dans la région. Une activité courante dans cette partie du Burkina pendant la saison estivale où ces petites bêtes se consomment en grand nombre.
Ce que ces femmes ignorent, c'est que leur destin et celui de leurs familles sont sur le point de changer grâce à l'initiative d'un jeune ingénieur de l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement (2IE).
Kahitouo Hien a eu l'idée de mettre les chenilles en boîte. Une méthode de transformation et de conservation qui, en prolongeant la période de consommation, stabiliserait les prix et augmenterait la production.
Son objectif à terme : lutter contre la malnutrition infantile et la pauvreté en milieu rural. L'ingénieur entend créer ainsi la permanence d'une ressource nutritive contenant 63 % de protéines au-delà de la saison hivernale et la labellisation du produit local.

 

Un sac de Toumou'délice.

 

Les femmes, premières bénéficiaires du projet
Depuis deux ans, les ramasseuses de chenilles fraîches sont impliquées dans le projet Fasopro, né dans l'incubateur d'entreprises du 2IE. À partir de cette saison des pluies, la récolte des chenilles leur procurera des revenus supplémentaires sûrs. Pendant plus de trois mois, elles s'y consacreront. Les modalités de paiement ont été réglées par avance. Fasopro a promis d'acheter le fruit de la récolte au kilogramme et non à la boîte, modalité plus intéressante pour elles. Actuellement, sur le marché de Bobo-Dioulasso, la boîte qui sert de mesure (environ 3 kg) coûte entre 600 et 700 F CFA (700 F CFA correspondant à peu près à 1 euro, NDLR). Une fois ébouillantée et séchée, la boîte de mesure se négocie autour de 2 000 F CFA à cette période du mois de juillet.
Mme Ouédraogo Alima est l'une de ces femmes qui coordonnent le centre de collecte de Somousso regroupant cinq villages (Somousso, Bare, Piére, Yegueresso et Saré). Dans ses magasins, 1,3 tonne de chenilles prétraitées attendent d'être emportées pour conditionnement.


Madame Ouattara, propriétaire de la ferme agro écologique, Guiriko, coordonne l'union des associations féminines engagées dans cette activité. Leur mission : rassembler les 10 tonnes nécessaires au démarrage de la phase pilote. Pour cela, elles se sont regroupées en associations, formées pour trier les bonnes espèces et faire le préconditionnement selon les normes techniques fournies par le promoteur.
Le fruit de la collecte sera transporté à Ouaga puis conditionné dans les unités de Fasopro. Une activité lucrative qui réjouit Bintou Kawané. «Cela fait 10 ans que je suis dans cette activité, mais elle était informelle. Nous collections et revendions aux commerçantes venues de la ville. Cette année, nous sommes organisées en collectrices et sommes intégrées à la chaîne de transformation de Fasopro. C'est une nouvelle approche qui nous intéresse et nous gagnons plus d'argent avec cette nouvelle structure. Mes enfants et moi collectons ensemble et revendons à la structure. La semaine dernière, nous avons reçu 22 500 F CFA. Ce revenu nous permet de préparer la rentrée scolaire et d'acheter des intrants pour nos cultures maraîchères.»

 

Faire face aux imprévus
Le temps fort de cette activité se situe autour du 11 août, avec le début du conditionnement à l'usine. Kahitouo Hien, promoteur de Fasopro, attend ce moment avec impatience. Il lui manque encore 14000 euros dans son tour de table pour mener l'opération à bien, sur les 40000 attendus, mais l'homme reste serein. Les 36000 euros vont servir à l'achat des chenilles pour environ 10 millions de F CFA, le transport vers l'usine, le conditionnement et les emballages. 17000 échantillons en sortiront pour cette phase pilote. Des emballages de 500 g et de 1 kilo sont prévus pour être distribués dans les deux grandes villes du pays via les magasins d'alimentation et les supermarchés, sous le nom commercial de
«Toumou'délices».
Les vertus des chenilles sont connues. Ce sera alors l'aboutissement du rêve de ce jeune ingénieur qui s'est découvert les talents d'un entrepreneur social: mettre le «chitoumou» (nom local de la chenille) en boîte. C'est l'une des toutes premières tentatives de mettre cet insecte riche en protéines en conserve.
Malgré son calme olympien, le promoteur sait que son projet entre dans sa phase décisive.
«Tout ce qui est phase d'essai est achevé. Le premier produit est prêt. Ce qui nous reste à faire, c'est de réaliser la phase de commercialisation. Mobiliser 200000 euros pour lancer une entreprise, ce n'est pas évident. Les différents partenaires attendent de voir les résultats du test de commercialisation. C'est à cela que nous nous attelons maintenant.»
Le jeune promoteur fait déjà face aux réalités du terrain. Les emballages qui devaient lui être livrés au mois de juillet ont pris du retard. D'où le report du début de la campagne pilote.
Autre imprévu: le conditionnement du produit qui devait se faire dans la ville de Bobo-Dioulasso, région de collecte par excellence, se fera finalement à Ouagadougou dans la capitale. Cette opération occasionnera des coûts supplémentaires, certes, mais dans quelques semaines, promet M. Hien, les supermarchés et les alimentations des deux principales villes du pays accueilleront «Toumou'délices».
Le succès de cette phase déterminera la suite du projet qui comporte un second volet, celui de produire des compléments nutritionnels pour les nourrissons. Un volet important du projet quand on sait qu'au Burkina Faso, selon l'Unicef, «la malnutrition à elle seule est une cause directe ou associée de 35% des décès. La prévalence de la malnutrition aiguë globale chez les enfants âgés de moins de 5 ans est estimée à 10,2% en 2011 (Enquête nationale nutritionnelle, 2011). Ce complément nutritionnel, disponible à l'année, pourrait aider à réduire ce fléau.

 

 

 

 

 

À plus de 400 km de la capitale du Burkina Faso (Ouagadougou), dans une petite bourgade appelée Somousso, plus d'une centaine de femmes sont à pied d'œuvre sous les arbres de karité. Elles récoltent les chenilles de ces arbres fruitiers centenaires qui pullulent dans la région. Une activité courante dans cette partie du Burkina pendant la saison estivale où ces petites bêtes se...

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