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Liban - Décryptage

Le temps ne joue pas en faveur du gouvernement

Ils ont beau vivre dans les grottes selon des règles à la limite de la barbarie, les combattants de l'EI et du Front al-Nosra postés dans le jurd de Ersal connaissent bien le moyen de frapper le Liban dans son flanc faible. Depuis qu'ils ont pris des militaires en otage, ils ne cessent de jouer sur les susceptibilités confessionnelles et sur la vieille animosité entre les sunnites et les chiites. Avec un art consommé de la mise en scène, ils ont tué le premier soldat, Ali Sayyed, croyant sans doute qu'il est chiite. Mais face à la position d'une grande dignité de la famille du sergent tué et à l'élan général de sympathie autour d'elle, les combattants ont tenté à nouveau leur chance en tuant un second soldat, chiite cette fois, Abbas Medlej, tout en menaçant de tuer un troisième, Ali Masri (chiite toujours) et en jouant avec les nerfs des familles des autres militaires otages, notamment les chrétiens, pour monter les Libanais les uns contre les autres.
Lundi, ils ont d'ailleurs failli atteindre leur objectif, tant la Békaa était en ébullition et tant la tension confessionnelle était à son comble. Mais les deux grandes formations chiites, Amal et le Hezbollah, ont aussitôt formé une cellule de crise laquelle a dépêché des émissaires auprès des notables des villages de la Békaa du Nord et du centre pour appeler au calme et à la retenue. De plus, Amal et le Hezbollah ont levé toute forme de protection contre ceux qui ont enlevé des habitants de Ersal et des réfugiés syriens dans une tentative de faire pression sur les ravisseurs des militaires. Ce qui a permis à l'armée d'effectuer des perquisitions à Brital et dans ses environs.


Les responsables sont d'ailleurs convaincus que l'heure est particulièrement grave et que, s'il n'y avait pas une réaction rapide, le Liban pourrait replonger dans une guerre civile encore plus féroce que la précédente. C'est dans cet esprit que le Premier ministre Tammam Salam et le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk ont multiplié les contacts au cours des dernières heures avec le Hezbollah, en particulier avec le conseiller politique de Hassan Nasrallah, Hussein Khalil, et avec le responsable de l'unité de coordination, Wafic Safa. Les deux parties sont convaincues qu'il faut tout faire pour éviter les dérapages, tant la tension est grande dans le pays à cause des manœuvres des ravisseurs qui alternent le chaud et le froid en jouant avec la vie de leurs otages.


Avec ses interlocuteurs, le Premier ministre est en train d'expliquer les démarches entreprises par le gouvernement pour tenter d'obtenir un déblocage dans ce dossier, sans avoir à procéder à un échange qui serait indigne pour l'État libanais, et terrible pour le moral de l'armée et celui des Libanais.
Selon des sources gouvernementales, l'action de la cellule de crise opère dans deux directions : l'action militaire sur le terrain et les négociations par le biais d'intermédiaires.
Sur le plan militaire, le gouvernement a donné (en principe) carte blanche à la troupe pour exécuter un plan qui permet de couper Ersal à la fois de son jurd et des camps de réfugiés syriens installés autour de la localité. D'ailleurs, l'armée a repris hier la colline d'al-Hosn qui commande la principale route qui relie Ersal à son jurd et par la même occasion aux camps de réfugiés syriens installés sur les collines. Ce n'est certes pas le seul passage possible, la région étant truffée de passages clandestins, mais c'est le seul facile d'accès. En prenant le contrôle de cette colline, l'armée est en train de resserrer l'étau autour des combattants installés dans le jurd qui ont un besoin vital de l'approvisionnement que représente Ersal, tout comme elle entrave leurs allées et venues vers les camps de réfugiés où certains d'entre eux ont leurs familles. C'est donc un moyen de pression sur les ravisseurs.


Le gouvernement en possède d'autres. Mais il a décidé pour l'instant d'utiliser les cartes l'une après l'autre, d'autant que les négociations se poursuivent. D'une part, la personnalité syrienne choisie par le Qatar, qui aurait une certaine influence sur l'État islamique et le Front al-Nosra dans le Qalamoun, n'a pas déclaré forfait et poursuit sa mission dans la plus grande discrétion. D'autre part, la cellule de crise gouvernementale souhaiterait envoyer le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, en Syrie pour sonder les autorités sur une éventuelle remise en liberté de certains détenus extrémistes en contrepartie de la libération des militaires libanais. Ce serait une sorte de réédition de l'échange qui a eu lieu dans l'affaire des pèlerins de Aazaz et des religieuses de Maaloula. Les mêmes sources gouvernementales reconnaissent qu'il est peut-être encore trop tôt pour envisager une concrétisation de cette démarche, mais il faut essayer toutes les pistes possibles pour savoir jusqu'où le Liban peut aller dans les négociations.


En même temps, les mêmes sources relèvent le silence total des responsables turcs qui ont été contactés en vain par des personnalités libanaises. Pourtant, la Turquie pourrait avoir de l'influence sur les groupes extrémistes qui détiennent les militaires libanais. La grande crainte du Liban, c'est de voir l'affaire des militaires pris en otage devenir une plaie béante qui menace l'unité interne tout en dépendant de la conclusion de compromis régionaux. Le test de lundi a été concluant, le tissu interne libanais a montré une grande fragilité, même s'il a été possible de circonscrire la vague de violence. Le gouvernement sait donc que le temps ne joue pas en sa faveur ni en celle du Liban, c'est pourquoi il a décidé de monter d'un cran dans ses mesures pour obtenir la remise en liberté des militaires.

 

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commentaires (6)

Chere Mm haddad vous ecrivez: pour tenter d'obtenir un déblocage dans ce dossier, sans avoir à procéder à un échange qui serait indigne pour l'État libanais, et terrible pour le moral de l'armée et celui des Libanais. INDIGNE pour l'Etat , nous n'en sommes pas a une indignation pres vous le savez bien TERRIBLE pour le moral de l'armee: certainement moins que de recevoir ces otages dans des cercueils a Dieu ne plaise TERRIBLE pour le moral des Libanais: allons donc vous pensez serieusement qu'il y a encore quelque chose qui peut atteindre notre moral?? LA SEULE CHOSE QUI COMPTE EST DE LIBERER NOS OTAGES ET LES RENDRE A LEURS FAMILLES tout le reste est parole parole parole Qu'avons nous besoin de garder 7 ans sans jugements des terrorites qui de toute facon gerent leur terrorisme de leurs cellules?

LA VERITE

13 h 35, le 10 septembre 2014

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Commentaires (6)

  • Chere Mm haddad vous ecrivez: pour tenter d'obtenir un déblocage dans ce dossier, sans avoir à procéder à un échange qui serait indigne pour l'État libanais, et terrible pour le moral de l'armée et celui des Libanais. INDIGNE pour l'Etat , nous n'en sommes pas a une indignation pres vous le savez bien TERRIBLE pour le moral de l'armee: certainement moins que de recevoir ces otages dans des cercueils a Dieu ne plaise TERRIBLE pour le moral des Libanais: allons donc vous pensez serieusement qu'il y a encore quelque chose qui peut atteindre notre moral?? LA SEULE CHOSE QUI COMPTE EST DE LIBERER NOS OTAGES ET LES RENDRE A LEURS FAMILLES tout le reste est parole parole parole Qu'avons nous besoin de garder 7 ans sans jugements des terrorites qui de toute facon gerent leur terrorisme de leurs cellules?

    LA VERITE

    13 h 35, le 10 septembre 2014

  • "ils ont tué le premier soldat, Ali Sayyed, croyant sans doute qu'il est chiite", avons-nous un communiqué confirmant ces propos? Il convient de remercier le Hezbollah par ailleurs pour l'instauration de cellules de crises (enfin surtout de cellules) et pour son organisation rationnelle puisque ce magnifique parti dispose de tous le réseau nécessaire pour aider l'Etat libanais dans sa mission de reconquérir l'est

    Olivier Georges

    11 h 25, le 10 septembre 2014

  • C'est le Liban en entier contre qui le temps ne joue pas en sa faveur. La politique conduite par les partis du 8 Mars nous ont conduit a cette situation. Ils etaient au pouvoir pendant deux ans et tout ce qu'ils ont fait c'est conduire le pays aux abords de la guerre civile, de la catastrophe économique et de l'instabilité sociale. Ils méritent le Nobel de la performance la plus merdique dans l'histoire d'un pays pour cela!!! Réussir tout cela en moins de deux ans, Mabrouk!!!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 51, le 10 septembre 2014

  • C'est bien que le gouvernement ait enfin reagi en executant plusieurs plans a la fois. En effet, le risque d'une guerre civile est grand et il faut a tout prix l'eviter. Puisse l'effort du gouvernement mener a liberer les soldats libanais in fine. Les familles de ces derniers doivent etre dans tous leurs etats. Merci pour votre decryptage si clair et pertinent Scarlett!

    Michele Aoun

    09 h 29, le 10 septembre 2014

  • CELA DÉPEND ! DES "SOURCES", .... ÉVIDEMMENT !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 29, le 10 septembre 2014

  • ON NE PEUT ÉRADIQUER LE MAL SI ON NE TRAITE PAS LES CAUSES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    05 h 59, le 10 septembre 2014

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