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Liban - La situation

Seul le dossier des otages est propice à un dialogue

Le linceul du soldat Ali Sayyed porté à bout de bras par la foule qui crie sa douleur.

Le deuil indigné et épouvanté des Libanais recueillis hier aux abords des routes de Beyrouth jusqu'au Akkar, pour rendre un ultime hommage au soldat Ali Sayyed, est la métaphore d'un pays abandonné, « trahi », pour reprendre les termes de la famille du militaire, décapité par l'État islamique.
Le dossier des vingt-neuf militaires pris en otage est sans conteste la priorité nationale.
Mais jusque-là les médiations, suivies par un comité d'urgence présidé par le Premier ministre, se déroulent dans l'ombre. Les fuites médiatiques sur les revendications des groupes jihadistes détenant les otages ne seraient pas entièrement conformes à la réalité, selon des sources proches du dossier. Ce flou, propice aux surenchères politiques (comme l'a illustré dernièrement l'incident du drapeau de l'État islamique sur la place Sassine), est doublé d'un sentiment de frustration émanant de la distanciation officielle de principe par rapport à ce dossier.
Mais l'on doit s'attendre aujourd'hui à un début de revirement de la position du gouvernement, qui s'était refusé jusque-là toute négociation avec les terroristes. Il est prévu en effet que le Conseil des ministres, réuni aujourd'hui, soit tenu au courant des derniers développements sur le dossier des otages. Cela pourrait préluder à une prise en charge de ce dossier par le gouvernement réuni. D'ailleurs, les familles des soldats entament dès aujourd'hui un sit-in devant le Grand Sérail et menacent de recourir à l'escalade.


Certains observateurs interrogés par L'Orient-Le Jour émettent des réserves sur l'éventuelle gestion du dossier par le gouvernement. Ceci conduirait selon eux à ralentir les négociations. Néanmoins, le député Ahmad Fatfat, membre du bloc parlementaire du Futur, se montre très favorable à cette option. « C'est le cabinet qui doit assumer la responsabilité de la remise en liberté des soldats. Lui seul peut prendre la décision convenable », a-t-il soulevé, rappelant que « l'Iran avait accepté de mener des négociations avec l'Armée syrienne libre pour obtenir la libération des 40 otages iraniens ». « Pourquoi devrions-nous être les seuls à souscrire au principe de non-négociation avec des groupes non officiels ? Ou alors faudra-t-il attendre que les soldats soient assassinés l'un après l'autre ? » s'est-il interrogé.

 

(Lire aussi : Effroi et répulsion chez les musulmans face aux décapitations de l'EI)


La même interrogation s'appliquerait, du point de vue du 14 Mars, sur l'enjeu de déployer l'armée aux frontières est et nord, avec l'assistance de la Finul, en vertu de la résolution 1701 (clause 14). En effet, les milieux du 14 Mars reviennent sur « le ferme refus qui avait été opposé par le Hezbollah à un déploiement militaire aux frontières sud, avant 2006. Il a fallu un bain de sang pour les amener à accepter l'adoption de la résolution 1701. Le 8 Mars attend-il aujourd'hui un nouveau bain de sang dans le Nord et dans la Békaa pour concéder l'élargissement de la mise en œuvre de la 1701 ? » s'insurgent ces milieux, interrogés par L'OLJ.
Soucieux de « sensibiliser l'opinion publique » sur la nécessité d'un déploiement militaire aux frontières avec la Syrie, le 14 Mars a réaffirmé hier sa position sur la question, par la voix des députés Atef Majdalani, Ahmad Fatfat et Antoine Zahra, qui ont tenu une conférence de presse conjointe à l'hémicycle. Il s'agissait surtout de répondre aux accusations adressées depuis quelques jours par le 8 Mars contre ses adversaires, dont il impute la responsabilité du non-déploiement de l'armée aux frontières sous l'ancien gouvernement présidé par Nagib Mikati. Selon une source ministérielle du 14 Mars, cette campagne serait une « réaction aux contacts diplomatiques intensifs que nous menons actuellement pour aboutir à une protection officielle des frontières, relayée par les Casques bleus ».
La principale entrave à cela reste « le refus non déclaré du Hezbollah au déploiement militaire à l'Est et au Nord ». C'est cette attitude, celle d'une « intervention négative », pour reprendre les termes d'une figure du 14 Mars, qui correspondrait par ailleurs à sa position sur la présidentielle.


Ainsi, l'initiative du 14 Mars, annoncée mardi à l'issue du onzième échec de la séance électorale, serait l'équivalent d'une main tendue au parti chiite. « Le but de cette initiative est de rouvrir le dialogue dans le but de trouver une issue à l'impasse de la présidentielle, qui reste la priorité si l'on souhaite parer à la paralysie institutionnelle », a souligné Ahmad Fatfat. Dans son initiative, le 14 Mars se dit « disposé à se concerter avec toutes les parties en vue d'une entente sur un candidat agréé par tous les Libanais qui se conformera aux constantes nationales ». Les députés du Courant patriotique libre, relayés par le président de la Chambre, ont pris à charge de critiquer cette initiative, « qui n'apporte rien de nouveau, étant une réédition des précédentes positions du 14 Mars ». Les milieux du 8 Mars estiment que cette initiative a pour but de « court-circuiter les concertations menées de pair sur ce dossier, par le président Nabih Berry et le chef du Front de lutte nationale Walid Joumblatt ». Certains vont jusqu'à y percevoir « un recul du 14 Mars sur ses positions ». Pour Ahmad Fatfat, « notre initiative est complémentaire de celle de Walid Joumblatt ». L'enjeu souhaité est, au final, « d'embarrasser le 8 Mars, auquel on offre de dialoguer pour élire un nouveau chef de l'État. Une offre qu'on ne peut décliner ». Cette initiative incarnerait surtout « une position unifiée du 14 Mars », relèvent plusieurs observateurs, ce qui aurait « dérangé le camp opposé ». Même si le 14 Mars attend toujours une réponse officielle du Hezbollah à cette initiative, il n'y croit pas vraiment. « Le signal extérieur, qui l'amènerait à intervenir sur ce dossier est encore loin »... La libanisation de la présidentielle est un vœu pieux.

 

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