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Nos Lecteurs ont la Parole - Nadine HAMDAN

Avoir 20 ans dans ce Liban...

Tous les sujets qui s'ouvrent entre adolescents, jeunes ou adultes concernent la « situation » au Liban. Ça fait au moins dix ans qu'on entend parler de mauvaise situation. Mais ce n'est pas un souci, ici les gens s'en fichent. On va veiller à la rue de l'Uruguay, à Mar Mikhaël, Hamra, au Sky le soir même d'une explosion qui tue nos concitoyens. Ha ! Comme si cela nous concernait... L'explosion ne nous a pas touchés, elle a eu lieu chez « les autres ». Nous sommes délimités uniquement par 10 452 kilomètres carrés et la notion d'un même peuple ne nous effleure même pas l'esprit. Malheureusement, aujourd'hui nous ne sommes que des esprits vides, qui font semblant de s'en foutre et d'être juste des « party animals » parce que, en tout cas, il ne reste plus dans ces têtes légères que cette ambition et cette vision de la vie.
Entre une petite « kazdoura » en voiture, une nature qui se dégrade à cause du mauvais entretien, une atmosphère d'inauthenticité, artificielle à pleurer, et un exode de gens, d'êtres que nous aimons, un emploi mais pas de carrière, des hommes qui s'entre-tuent au nom de la religion, des citoyens qui ne sont que partisans de leur religion, des politiciens qui ne pensent qu'à leurs intérêts personnels ; une corruption qui vous attend à chaque coin de rue, un peuple passif qui n'essaie jamais de changer les choses et qui vit dans l'illusion d'une démocratie.
Une succession interminable d'incidents achève de nous détacher de ce pays et nous emplit de haine. On l'aime mais on l'abhorre, on veut rester, mais on veut partir. On dirait que le but de ces politiciens est de nous désorienter, de nous éloigner afin qu'ils continuent à s'entre-tuer, à se partager tranquillement ce qui reste du Liban, sans même prendre la peine de prétendre vouloir nous protéger. Qui pourrait décrire l'horreur dans laquelle nous vivons ? Qui pourrait traduire ce sentiment de vacuité que nous éprouvons et qui nous fait dire : « Ma fichi, ma fichi bi hal balad ! Machi ! ? » Ce rien qui aspire toutes motivation et ambition et nous enferme dans un cercle vicieux.
Y a-t-il plus terrible situation que celle de parents condamnés à pousser leurs enfants à partir ? Ces mêmes parents qui sont tellement attachés à leurs enfants et qui respirent mal loin d'eux et dont le cœur n'appartient qu'à eux...
Qu'est-ce qui est pire qu'un frère, adoré par sa famille et ses amis, auquel il confie, soulagé et presque heureux : « Oui, je suis content de quitter » ?
Qu'est-ce qui est pire que de se retrouver seul ici, parce que vos amis sont éparpillés entre les continents, partout sauf au Liban ?
Qu'est-ce qui est pire qu'un couple qui se sépare parce que, ici, tous les horizons sont bouchés, que même l'amour ne tient pas dans ce pays vide et qui, en se quittant, se disent : « It's the best case scenario » pour la carrière d'un couple déjà condamné dans ce pays « religieusonné » ? Seuls les souvenirs et les promesses les relient à travers le monde.
Ironique, non ?
Et je me pose la question : c'est quand mon tour de fuir, de quitter ce néant, ce « rien » haineux, ces fantômes qui restent et des ombres de nos bien-aimés partis qui étaient là, hier, et que chaque coin nous rappelle? Oui, même moi je n'essaie pas, même moi je suis passive quand il s'agit de défendre le Liban. Ils nous ont dérobé tout souffle de patriotisme, surtout nous les jeunes. Je pense même qu'on ne les a jamais éduqués à comprendre ou réaliser la notion d'un seul peuple, ou l'importance de ce qu'on appelle patrie.
Aujourd'hui, l'écriture est mon seul moyen d'expression et de révolte. J'écris pour toi qui attends, et pour moi qui aime écrire. Mais aussi, tout cela nous dépasse. Alors, j'écris pour lui, pour elle, pour eux, pour nous tous qui suffoquons, qui avons le cœur déchiré par l'amertume que cause le « rien », par la séparation d'un frère, par la perte d'un amour, par un pays qui nous déçoit...

Nadine HAMDAN

Tous les sujets qui s'ouvrent entre adolescents, jeunes ou adultes concernent la « situation » au Liban. Ça fait au moins dix ans qu'on entend parler de mauvaise situation. Mais ce n'est pas un souci, ici les gens s'en fichent. On va veiller à la rue de l'Uruguay, à Mar Mikhaël, Hamra, au Sky le soir même d'une explosion qui tue nos concitoyens. Ha ! Comme si cela nous concernait......

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