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Faut-il sauver le soldat Rien ?

Si cruel est l'actuel dilemme libanais que Steven Spielberg lui-même serait bien en peine d'imaginer le scénario miracle qui permettrait, comme pour le soldat Ryan, héros de son célébrissime film de guerre, de ramener à la maison nos infortunés militaires capturés, eux, par les hommes du jihad.

Céder aux exigences de ces derniers ? Lâcher dans la nature de redoutables terroristes actuellement sous les verrous ? Refuser au contraire le principe du marché et donc condamner les otages à une mort quasiment certaine ; une mort horrible par égorgement ; une mort filmée et lancée sur Internet par ces forcenés acharnés à remonter les siècles, usant néanmoins – et même abusant – des outils médiatiques de la modernité ?

Terriblement cruel, oui, est le dilemme. Comment, ainsi, rester indifférent à la poignante douleur, aux amères récriminations, aux imprécations qu'adressent aux responsables, tant militaires que politiques, les proches de ces soldats ? À l'État, ces familles en révolte reprochent de se draper dans ses oripeaux de dignité bouffés aux mites pour en venir à abandonner à leur sort les plus exposés aux périls de ses serviteurs, de ses enfants. De traiter comme chair à canon jetable, comme rien, ces troufions en détresse. On les voit tous les jours, ces familles, fustiger la placidité des responsables politiques, allant même jusqu'à critiquer la conduite des opérations militaires, laquelle s'est soldée par l'encerclement et la capture de près de trois douzaines de soldats sur le front de Ersal, où la menace d'une bataille d'envergure se précisait pourtant depuis des semaines. On les voit rappeler que l'État a bien ravalé son orgueil, dans un passé récent, pour négocier la libération de pèlerins et de religieuses séquestrés. Que les grandes puissances, toutes puissantes qu'elles soient, sont souvent acculées à s'y résigner aussi. Et que l'implacable ennemi israélien lui-même accepte de libérer en masse des prisonniers palestiniens en échange parfois d'une simple dépouille mortuaire.

Comment en est-on venu là ? Par l'effet cumulatif d'une somme d'erreurs historiques, dont les plus flagrantes auront été l'implication du Hezbollah dans la guerre civile de Syrie et l'inconsistance, le caractère utopique, sinon mensonger, de la politique de distanciation prônée par le précédent gouvernement. Plus d'un gouvernement cependant doit être tenu pour responsable du tragique sous-équipement de l'armée, et aussi de cet infamant – et désormais explosif – dossier de la prison de Roumieh : laquelle abrite, entre autres et infréquentables pensionnaires, des centaines de dangereux jihadistes dont la seule vertu, toutefois, est qu'ils sont demeurés sans jugement des années durant. Pour tenter de justifier cette aberration, on a invoqué tantôt l'absence de salles de tribunal assez spacieuses pour contenir tout ce beau monde, et tantôt (à voix basse cette fois) la nécessité de maintenir sous bonne garde, serait-ce au mépris de la loi, une aussi redoutable population.

On croyait faire de Roumieh un lieu d'exil pour le terrorisme ; ce que l'on récolte au final, c'est un inépuisable réservoir de prétextes à prises d'ortages et autres actes de terrorisme.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Si cruel est l'actuel dilemme libanais que Steven Spielberg lui-même serait bien en peine d'imaginer le scénario miracle qui permettrait, comme pour le soldat Ryan, héros de son célébrissime film de guerre, de ramener à la maison nos infortunés militaires capturés, eux, par les hommes du jihad.
Céder aux exigences de ces derniers ? Lâcher dans la nature de redoutables terroristes...