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Nos Lecteurs ont la Parole - Zephyr ASTREOS

La citadelle des nuages, ou « l’Ice Buckett Challenge 2.0 »

Que restera-t-il comme traces de notre génération digitalisée dans vingt-cinq ans ?
Parmi les jeunes ados d'aujourd'hui, qui se souvient d'une mixtape, de la vidéo VHS, d'un discman, de Sega Megadrive, du quart d'heure slow après une party, des dessins animés Tom & Jerry au cinéma avant le début du film ? De l'arrivée au Liban du cheeseburger qui se faisait encore au fromage halloum ?
Qui se souvient de Dr Alban, Haddaway, Ace of Base, Take That, East 17, Macaulay Culkin, Les Visiteurs et The Mask ? De tant d'auteurs, de créateurs, de célébrités planétaires, apparues, consacrées, adulées par les foules et disparues à la vitesse grand V ? Comètes de notre jeunesse dont il ne reste plus que des poussières virtuelles, quelques mégabites éparpillés sur des floppys disks servant de sous-verre recyclés et des traces d'ADN seulement visibles à la lumière noire sur les claviers. Et des vœux à peine exaucés que déjà évanouis.
Désormais, le monde a vraiment changé.
Il y a les générations d'avant-Internet et celles d'après. Celles d'après, tels ceux nés en l'an 2000, semblent avoir zappé les années 90. Comme si une amnésie due à l'apparition d'Internet avait noyé cette décennie dans les flux du world wide web.
La « Millenium Amnesia Generation ».
Cela est d'autant plus troublant que ceux nés au début des années 90 continuent à fêter jusqu'à aujourd'hui les années 80 tous les week-ends comme si c'était leurs années d'or.
Qui se souvient chez les ados d'aujourd'hui du son strident et nasillard du modem ? Qui se souvient même de ce qu'est un modem ? Et pourtant cela était il y a seulement dix ans.
Plus proche de nous, que savent nos jeunes d'aujourd'hui des atrocités de la guerre du Liban ? Rien, nada, ou bien une seule version parce que l'autre, c'est pas la bonne.
Il y a seulement dix ans, le monde tournait plus doucement, ICQ et MIRC, MSN ancêtres du « chatting », rendaient plus facile la connexion entre étrangers grâce à des pseudos derrière lesquels l'on balbutiait nos premières déclarations, ou poussait nos premiers coups de gueule, sans trouver cela étrange et dangereux.
Même si quelqu'un s'en souvenait, il ne reste plus nulle part suffisamment de traces solides de ce monde d'il y a seulement dix ans. À tel point que le Met Museum de New York a déjà créé sa section dédiée à ce moment de notre histoire. Voir sous verre dans un musée les outils et instruments que l'on utilisait il y a seulement quinze ou vingt ans produit un effet saisissant et déconcertant. Pourtant ce travail d'archivage et de souvenir est essentiel car il est le seul à pouvoir sauver la génération d'aujourd'hui de « l'amnésie du millénaire ». Comme si nous nous dirigions vers une mémoire éphémère, sans cesse effacée, de poissons rouges tournant dans un bocal.
Du divertissement, des jeux et juste ce qu'il faut de pain. « Panem et circenses » à la sauce new age.
Aujourd'hui tout semble se dématérialiser, s'évaporer dans le nuage virtuel collectif et anonyme du « cloud computing ». Les interfaces matérielles, intermédiaires bien solides qui sont nos portes d'accès en tant qu'humains, faits de chair et de sang vers ce monde éthéré, disparaissent presque entièrement pour ne plus laisser place qu'à différentes fréquences : Wi-Fi, Bluetooth, 4G. Et demain à des technologies intégrées, voire des puces embarquées sur notre propre corps, pour différents usages. Mais qui dit puces, dit avantages et facilités mais aussi virus.
Que se passerait-il si des puces connectées à notre corps ou notre cerveau se mettaient à ne plus nous répondre mais répondre aux ordres des pirates qui les ont détournées ?
Et toujours ce foutu point G que personne ne semble pouvoir trouver...
Attention, il n'est pas question ici de condamner le progrès technologique, loin de là, mais seulement d'attirer l'attention sur la nécessité d'en garder les traces matérielles pour les générations actuelles et futures.
Mieux penser le futur afin de mieux l'encadrer et l'accompagner car il est normal que l'humanité soit amenée à exprimer son plein potentiel technologique.
Notre génération n'a pas été éduquée pour se promener dans le monde virtuel de Facebook, Google et autres réseaux sociaux, et les bourdes commises par certains impulsifs n'ont pas fini d'être payées cher, que ce soit dans le domaine professionnel ou privé.
Mais le futur qui s'annonce avec les nanotechnologies et leurs superbes possibilités, aussi palpitant et excitant qu'il soit, doit nous pousser à mieux réfléchir à ses implications en cas de dérapages ou de failles sécuritaires.
Déraper sur Internet est une chose, mais avoir une puce embarquée sur son propre corps, dans son propre cerveau qui est détournée, en est une autre.
La vitesse de l'évolution des progrès technologiques aujourd'hui n'a pas de précédent dans l'histoire de l'humanité. Sitôt une technique découverte, elle est rendue obsolète par une innovation plus récente qui est vite adoptée et qui la supplante.
Mais les valeurs de la Renaissance et idéaux des Lumières, les droits de l'homme, l'amour du prochain n'ont pas cette chance et disparaissent.
Jusqu'à ce jour, les scènes de violence à la télé, aux nouvelles ou au cinéma passent plus facilement que les scènes d'amour.
Les nuages s'amoncellent à l'horizon et la tempête n'est pas loin.
Mais le marin, averti à temps, expérimenté et prévoyant, sait manœuvrer ses voiles pour tirer parti de la force de tous les vents, comme il sait parfois quand ne pas ouvrir la boîte de Pandore et rester au port.
Espérons que face aux challenges et aux évolutions palpitantes de l'avenir, nous saurons appliquer cette libre adaptation de La Fontaine dans Le chêne et le roseau :
Pour certains, tout est Aquilon et, pour d'autres, tout est Zéphyr.
Maintenant, à nos « Ice Bucketts ».

Zephyr ASTREOS

Que restera-t-il comme traces de notre génération digitalisée dans vingt-cinq ans ?Parmi les jeunes ados d'aujourd'hui, qui se souvient d'une mixtape, de la vidéo VHS, d'un discman, de Sega Megadrive, du quart d'heure slow après une party, des dessins animés Tom & Jerry au cinéma avant le début du film ? De l'arrivée au Liban du cheeseburger qui se faisait encore au fromage halloum...

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