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Culture

Dhafer Youssef vole très haut au Music Hall

Le musicien tunisien présentait mardi son dernier album « Birds Requiem » au Beirut Waterfront.

Le quintette a convaincu un public de trentenaires enthousiastes. Photo Ibrahim Tawil

Dhafer Youssef a l'audace de mêler instrumentation jazztronica, musique du monde et mysticisme oriental sans ciller. Le oudiste est toujours en quête de liberté et de nouvelles sonorités. Dès les premières résonances de sa voix aux allures surréalistes, les spectateurs sont entraînés vers une altitude inconnue à laquelle le spiritualisme s'affirme sans complexes. Le musicien rend hommage au poète et philosophe soufi Abu Nawas en zigzaguant entre les notions de sacré et de profane. Un Sweet Blasphemy – seconde chanson présente sur son dernier album – en somme. C'est inspiré par sa rencontre avec le clarinettiste Hüsnü Senlendirici et le joueur de Kanun Aytaç Dogan en 2011, que Dhafer Youssef crée Birds Requiem, un album lumineux, dépaysant et gracieux.
On ne peut s'empêcher de penser à la voix de Jonsi, le chanteur du groupe islandais Sigur Ros en écoutant la voix prodigieuse de Dhafer Youssef. Une voix si puissante que l'artiste s'oblige à se détourner du micro afin de la réguler et d'en tirer des effets sonores surprenants. Aussi doués soient-ils, les musiciens qui l'entourent sont à la botte de ses cordes vocales majestueuses. Le pianiste Kristjan Randalu, le contrebassiste Phil Donkin et le batteur Chander Sardjoe mettent en valeur et enrichissent cette voix que l'ont croirait venue d'ailleurs, mais qui reste profondément humaine car émouvante. Cette voix qu'on imagine frapper la skyline de Beyrouth avant de revenir décuplée jusqu'au Music Hall, qu'aurait-elle rendu au sein de l'acropole romaine de Baalbeck ? En raison de la tension qui règne dans la Békaa, impossible de le savoir cette année et cette frustration ne peut être oubliée durant les 110 minutes de show. Surtout quand résonne la mélancolique Fuga Hirundinum.
Dhafer Youssef a découvert ses facultés vocales alors qu'il n'était qu'un enfant, en la faisant résonner dans la cuisine maternelle, avant d'être encouragé par le muezzin du quartier. Il commence alors à chanter dans les fêtes de mariage de son village, avant d'intégrer la troupe de Radio Monastir. Le « musafer » (voyageur) – comme le titre de son premier album en 1996 l'annonçait – est toujours à la recherche d'horizons nouveaux.
L'auditoire, principalement constitué de trentenaires, est charmé par l'énergie et la décontraction du musicien tunisien. Sautillant et souriant, Dhafer Youssef déploie une hargne rock (notamment lors du morceau Odd Elegy tiré de son album Abu Nawas Rhapsody), secondé par son ami guitariste norvégien Eivind Aarset et le contrebassite anglais Phil Donkin. Avant de conclure, l'agile batteur Chander Sardjoe se livre à un solo osé. Les spectateurs se demandent alors comment celui-ci peut tenir la distance, avant que la chanson Blending Souls & Shades (to Shiraz) ne reprenne de plus belle et que naisse une dernière explosion de joie dans le public.
À force de côtoyer et d'échanger avec des drogués à l'improvisation – le contrebassiste français Renaud Garcia-Fons, le trompettiste allemand Markus Stockhausen ou le norvégien Bugge Wesseltoft –, Dhafer Youssef est devenu un explorateur moderne. La fraîcheur des improvisations irrigue la représentation, notamment sur les derniers morceaux, dont le 39th Guley, marqueront l'apothéose du show. En 2010, il avait collaboré avec le pianiste arménien Tigran Hamasyan, qui s'était lui aussi fait remarqué, il y a quelques semaines, au même Music Hall Waterfront.
Avec ce spectacle, Dhafer Youssef montre qu'il est bien le grand-frère spirituel (et musical) du jeune Tigran.

Dhafer Youssef a l'audace de mêler instrumentation jazztronica, musique du monde et mysticisme oriental sans ciller. Le oudiste est toujours en quête de liberté et de nouvelles sonorités. Dès les premières résonances de sa voix aux allures surréalistes, les spectateurs sont entraînés vers une altitude inconnue à laquelle le spiritualisme s'affirme sans complexes. Le musicien rend...

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