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Mondiabolisation

Médecins et reporters sans frontières, c'est désormais de l'histoire ancienne. Ainsi va de travers la mondialisation que c'est le terrorisme désormais qui se joue, avec le plus de diabolique adresse, des barrières étatiques, culturelles, raciales édifiées entre nations.

Dépassé, en effet, le temps où, terré dans son repaire montagneux d'Afghanistan ou du Pakistan, Oussama Ben Laden envoyait ses suicidaires à l'assaut des orgueilleux symboles de la puissance politique, militaire et économique occidentale. C'est dans ses propres murs, dans son État-califat installé en Syrak, à cheval entre les antiques royaumes omeyyade et abbasside, que croît et enfle démesurément la bête, semant la panique dans la région tout entière, suscitant aussi maints cauchemars dans le reste de la planète.

Non point, bien sûr, que les destructions, massacres, exodes de populations et autres calamités ôtent le sommeil aux puissances : elles en ont vu d'autres, allez. Mais elles ont d'énormes intérêts à défendre. Et même si la soudaine ampleur qu'a revêtue le phénomène Daech n'était pas réellement une surprise pour toutes, même si certaines de ces puissances gardent la nostalgie d'un Moyen-Orient nouveau, elles voient venir à grands pas le moment redouté entre tous : celui dit de vérité, où il leur faudra soit laisser courir encore le processus de délabrement et d'effritement, au risque de développements imprévus, soit alors mettre la main à la pâte, intervenir avec sérieux, ce qui serait fort lourd d'implications.

Si se concrétisait tout de même cette dernière éventualité, ce serait peut-être le début de la fin d'une longue ère de duplicité, tant internationale que régionale. Que peuvent ainsi avoir en commun les dirigeants de Damas et les monarchies du Golfe acharnées à l'abattre ? Chacun à sa manière, ils ont usé du levier jihadiste : les premiers en les expulsant, par milliers, de leurs geôles syriennes, ce qui leur permettait de se poser – eux et leurs alliés (rien moins que laïques) du Hezbollah – en précieux barrages face à la déferlante du fanatisme religieux ; et les seconds en finançant ce dernier, tantôt directement et tantôt par la bande, pour s'apercevoir au bout du compte que leur propre sécurité risquait désormais d'être menacée.

Non moins désastreux auront été les atermoiements d'un Occident qui s'est abstenu d'armer les rebelles syriens avant qu'ils soient littéralement phagocytés par les islamistes. C'est à Barack Obama cependant que revient la palme de l'indécision, de l'inconsistance, de l'incohérence. Le président américain est piteusement revenu sur sa menace, haute et claire pourtant, de sévir contre le régime de Damas qui, l'an dernier, a usé de gaz toxiques contre sa population civile. Il a néanmoins ordonné des frappes aériennes contre Daech en Irak, non point pour mettre fin aux exactions commises contre les chrétiens et les yazidis de ce pays, mais pour soutenir ses alliés kurdes qui se trouvaient en mauvaise posture. Or voici que ses propres généraux recommandent le même style d'action en Syrie même, où les islamistes ont dernièrement marqué des points face aux troupes gouvernementales. S'y résoudre placerait objectivement les États-Unis du même côté de la barricade que cet autre terrorisme que pratique, en Syrie et hors de Syrie, la dictature baassiste : une telle perspective était chaleureusement applaudie, lundi, par le ministre syrien des AE ; quant à la prude Amérique, elle ne veut surtout pas entendre parler de coopération avec un gouvernement infréquentable.

L'équivoque, on le voit, n'est pas encore levée. En ces temps de grisaille, c'est là le style de la maison. Blanche...

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Médecins et reporters sans frontières, c'est désormais de l'histoire ancienne. Ainsi va de travers la mondialisation que c'est le terrorisme désormais qui se joue, avec le plus de diabolique adresse, des barrières étatiques, culturelles, raciales édifiées entre nations.
Dépassé, en effet, le temps où, terré dans son repaire montagneux d'Afghanistan ou du Pakistan, Oussama Ben Laden...