Rechercher
Rechercher

Culture - Lecture d’été

Du Groenland à l’Indonésie, la vie en BD, une leçon d’humanité...

Il est bien loin le temps où les dessins pour enfants étaient le seul apanage des bandes dessinées. Aujourd'hui, l'art de reproduire la vie au moyen d'images bien tracées est en train de galoper droit pour ses véritables lettres de noblesse.

Voilà pour le plaisir des yeux et la flatterie de l'imagination un petit détour du côté des livres avec dessins, sur des thèmes divers. Rocambolesques ou graves. Belle lurette que la vedette n'est plus seulement Johan et Pirlouit, le Petit Nicolas, Toto, Martine, Bécassine, les Schtroumpfs, Astérix, Boule et Bill, Spirou et autres délicieuses tartignoles pour mioches et adultes à l'âme d'enfant. Et nous sommes légion à cette dernière enseigne. On le confesse humblement.
La bande dessinée, annexant en trombe tous les domaines, même les plus sérieux (Le temps de Proust s'y est retrouvé, et les romans et la vie du sulfureux Somerset Maugham y sont dévoilés sans ambages), n'est plus l'enfant pauvre d'une certaine littérature. Elle est elle-même littérature. Et certainement une sacrée littérature où les mots à travers bulles, couleurs de toute fantaisie et personnages mouvants au gré des pages et des clichés captent parfaitement l'attention. Non moins qu'un bon roman policier ou une trame passionnelle bien troussée.
Présentation de trois ouvrages, en une aventure faisant presque le tour du globe terrestre, aux narrations et sensibilités différentes. Avec plus de deux siècles d'écart. Pour des turbulences humaines où l'être n'a pas fini d'explorer, d'affronter, de se battre, de (se) découvrir. Pour une paix en soi, avec les autres et l'environnement. Pour commencer, cap vers le Groenland couvert par les glaces et les banquises.

Voiles sur le monde arctique...
Aux éditions Sarbacane, Jorn Riel, Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle donnent à lire un reportage chez les trappeurs au pays des igloos, intitulé Un petit détour et autres racontars. Pour les non-avertis, Jorn Riel explique, non sans malice et humour: «Un racontar est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l'inverse...»
Texte de l'écrivain explorateur danois Jorn Riel, qui connaît les terres des Esquimaux comme sa poche, et en parle en connaisseur et défenseur, aidé de deux complices dessinateurs nantais, férus de livres de jeunesse, mais aussi d'œuvres culturelles d'envergure, l'aventure à trois têtes et à six mains sur les pages d'un album en valait le détour. Pour parler en images empreintes de burlesque, d'absurde, d'exploits et de poésie, de ce que le grand froid peut réserver aux gens : solitude, angoisse climatique, lutte pour survivre, proximité des ours blancs affamés, quotidien où avoir chaud au cœur et aux doigts n'est guère une mince affaire et encore moins une évidence.
Un conte moderne des années 1950 où l'homme est en prise avec une nature hostile. Pour ce royaume en blanc, conté par un passeur chevronné, des images seulement en blanc et noir. D'une grande adresse et habileté, comme pour traduire la morsure du froid et la morosité de l'isolement boréal...

L'univers d'Helen Keller, aveugle et sourde
Avec le second ouvrage, voyage aux antipodes, en foulant la scène américaine illustrée par Joseph Lambert, un jeune dessinateur de 29 ans habitant le Vermont. Un personnage et un sujet à couper le souffle: Annie Sullivan et Helen Keller (90 pages – éditions Cambourakis – traduit de l'anglais au français par Sidonie Van Den Dries).
Qui ne connaît pas Annie Sullivan outre-Atlantique? Arthur Penn lui a dédié un film au succès retentissant et une journée lui est consacrée aux éphémérides du pays de l'Oncle Sam. Annie Sullivan est de ces femmes qui donnent sans compter. Une battante.
Handicapée et malvoyante, elle vient au secours de la petite Helen Keller, née en 1880 en Alabama, aveugle et sourde à dix-neuf mois suite à une méningite. Rencontre déterminante pour les deux femmes qui resteront amies jusqu'à la fin de leur vie et réapprendront à vivre dignement en faisant le dur apprentissage des signes et de l'écriture.
Style graphique sobre de Joseph Lambert pour une histoire dramatique, mais non sans espoir, où stylo feutre fin et couleurs noire, jaune et bleu pâle font merveille pour traduire un univers particulier et poignant. Un rai de lumière dans une chambre aux fenêtres fermées.

Vaudou, marche funèbre et tsunami
Pour conclure cette ronde de livres où l'imagination emboîte le pas à la plus stricte réalité à travers les plumes et les boulettes en feutrine des stylos des dessinateurs, regard sur ce qui a marqué l'année écoulée. Tsunami (récit de Stéphane Piatzszek, et dessin et couleurs de Jean-Denis Pendanx – 112 pages Futuropolis).
Violence des vagues, du vent et de la mer qui balaient brusquement paysages et vie. Catastrophe naturelle qui renvoie aussi au film The Impossible de Juan Antonio Bayona où Naomi Watts et Ewan McGregor se débattaient contre les griffes de la mort.
Sur le même schéma de pertes et de retrouvailles des terribles «actes de Dieu», se déploie cet ensemble d'images (avec de superbes aquarelles en tableau) de l'Indonésie bercée par ses eaux turquoise, sa végétation luxuriante et ses animaux (sanguinaire combat de coqs ou venimeux reptiles toujours à l'affût).
À cela s'ajoutent des personnages singuliers et attachants. Une fille partie de France aider une population meurtrie et affamée, un frère sur ses traces tombé brusquement en amour avec une jeune fille nommée Papoue qui dialogue avec les morts et jette des sorts vaudous... Mais après une cavale infernale et des quartiers réduits en dépotoirs comme une vision dantesque, la fin est heureuse. On n'en dira pas plus. Comme un chant de sirènes, l'invitation est un repos bien mérité sur une île de bout du monde. Sur cette note paisible, avec eaux limpides et cadre enchanteur, se clôt un livre captivant, vantant le charme des horizons lointains et dénonçant les cataclysmes asiatiques.

Ouvrages en vente à la librairie al-Bourj.

Voilà pour le plaisir des yeux et la flatterie de l'imagination un petit détour du côté des livres avec dessins, sur des thèmes divers. Rocambolesques ou graves. Belle lurette que la vedette n'est plus seulement Johan et Pirlouit, le Petit Nicolas, Toto, Martine, Bécassine, les Schtroumpfs, Astérix, Boule et Bill, Spirou et autres délicieuses tartignoles pour mioches et adultes à l'âme...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut