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Liban - Artisans du Liban

À Beddaoui, au fond de l’usine, trois souffleurs de verre

Il n'existe plus, au Liban, que quelques souffleurs de verre. Trois d'entre eux travaillent encore dans une grande usine, au nord de Tripoli.

Il n’existe plus, au Liban, que quelques souffleurs de verre. Trois d’entre eux travaillent encore dans une grande usine, au nord de Tripoli.

Ces hommes sont des spécialistes, répétant avec précision les mêmes gestes, des centaines, des milliers de fois. Autour d'eux, par terre, du verre cassé et une matière sableuse. Ici et là trainent aussi des cruches traditionnelles libanaises, celles au goulot duquel on boit, celles que l'on fabrique dans cette usine de Beddaoui, à côté de Tripoli, capitale du Liban-Nord.
Les trous dans les murs de béton et les fenêtres sans vitres laissent passer une brise méditerranéenne. Dans l'usine, la brise est poussée par cinq énormes ventilateurs poussiéreux. Malgré tout, la chaleur est accablante dans cet espace un peu moins grand qu'un terrain de foot. C'est qu'au fond de l'usine, un four en briques crache un feu ardent.


Dans cette usine sont produits de manière industrielle tous genres de réceptacles en verre – énormes bouteilles pour huile d'olive, bases de narguilé... –, qui s'exportent un peu partout dans le monde. Mais pour les carafes libanaises, les « briqs » en arabe, celles que l'on tient à bout de bras, pour laisser un filet d'eau atterrir dans la bouche, on a gardé la pratique artisanale.

 

 


Une trentaine d'ouvriers travaillent ici, organisés selon la règle des trois huit. L'usine vit au rythme du feu, et comme le feu ne s'éteint jamais...
« Seulement trois des ouvriers sont de véritables artisans », affirme Yahyah Hammoud, le maître des lieux. Son père, Mohammad Khalil Hammoud, a ouvert l'usine dans les années 70, après avoir appris l'art du soufflage de verre de son beau-père venu il y a presque cent ans de Charrour, un quartier du sud de Damas. Et Mohammad Khalil a transmis son savoir.


Devant le four, Saïd Ali souffle à travers sa canne de verrier dans un globe de verre en fusion qui deviendra, en moins de deux minutes, une carafe. Son métier, souffleur-artisan, il l'a appris à 13 ans. Il en a aujourd'hui 40. Saïd aime travailler avec ses mains : quand il n'est pas dans l'atelier de verre, il est aussi charpentier.
« Le travail ici est intense », affirme-t-il, alors que la gueule du four luit d'une couleur rouge-orange. « Dans le four, la température varie entre 1 100 et 1 300 degrés Celsius », explique Saïd en imprimant des traits sur la boule de verre grâce à un moule en bois trempé dans l'eau. Couvert de sueur, il sourit. Depuis quelques années, il ne se brûle plus. « Je me suis habitué à faire attention. Quand je commençais, je me faisais tout le temps mal, mais là je ne sens même plus la chaleur. »
Ses compagnons et lui ne portent ni gants, ni masques, ni bottes. La plupart sont en sandales. Faisant confiance à leurs mains expertes, chaque geste se répète avec précision. L'erreur, le geste maladroit, sont toujours une possibilité, comme en atteste la joue balafrée d'un ouvrier.


Si un espace est toujours réservé au soufflage artisanal du verre, l'usine a dû s'adapter à l'évolution du marché.
« Avant, tout était fait à la main, explique Yahyah Hammoud. Mais aujourd'hui, on utilise aussi des machines robotisées. Bien évidemment, ce n'est pas aussi beau que lorsque c'est fait à la main. »
La différence entre l'homme et la machine ne se fait pas au niveau de la vitesse, mais de la précision. Les machines peuvent façonner les goulots à vis par exemple, ce qui est impossible à la main.
« À terme, tout sera mécanisé, soupire Yahyah Hammoud. Aujourd'hui, la demande reste importante pour les carafes, mais plus tard... » « Les artisans de l'usine ne sont pas très heureux », reconnaît aussi le patron, car ils voient disparaître la demande pour leur art. « Aujourd'hui, les souffleurs sont payés à la pièce, tandis que ceux qui font travailler les machines sont payés par jour. » Non loin, un souffleur, qui ne donne pas plus que treize ans, lave les cruches fraîchement sorties du four. Pour son labeur, il touche 30 000 livres (20 USD) par semaine.

 

Prochain rendez-vous : les couteaux de Jezzine

 

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