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Liban - Panique

En Afrique de l’Ouest, les Libanais de la diaspora face à Ebola

Dans plusieurs pays touchés par l'épidémie, les familles sont parties.

Dans un centre de traitement des personnes contaminées par le virus Ebola, en Sierra Leone. Carl de Souza/AFP

Martha el-Hage, 33 ans, est partie vivre au Liberia en 2010 après s'être mariée. Il y a quelques mois, elle est arrivée au Liban, avec l'idée de rentrer à Monrovia fin août, pour inscrire sa fille à l'école. Finalement, c'est au Liban que sa fille va entamer la nouvelle année scolaire, car il n'est plus question pour le moment de rentrer au Liberia « en raison de l'épidémie d'Ebola » qui a déjà fait 466 morts dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.


Mardi, la présidente du Liberia a décrété un couvre-feu général à partir de mercredi soir et la mise en quarantaine de deux quartiers urbains, dont un dans la capitale Monrovia, face à la progression inexorable de l'épidémie dans le pays, le plus touché par le virus. Trois autres pays sont particulièrement atteints : la Sierra Leone, la Guinée et le Nigeria. Dans ces quatre pays se trouve une forte communauté libanaise.


Georges, le mari de Martha, se trouve toujours à Monrovia, où il travaille dans l'immobilier. « Tout est fermé, le pays est vide », se désole-t-il, interrogé au téléphone par L'Orient-Le Jour. «Il n'y a plus aucune famille libanaise et les écoles sont fermées. » Georges veut, lui aussi, rentrer au Liban, sa plus grande crainte étant, avec chaque jour qui passe, qu'il n'y ait plus d'avion pour Beyrouth.
Plusieurs compagnies aériennes ont cessé d'assurer leurs liaisons avec les pays les plus touchés par l'épidémie d'Ebola, une fièvre hémorragique très contagieuse. « Il ne reste plus que deux compagnies aériennes qui opèrent », souligne le Libanais. Son départ, il ne l'envisage pas comme définitif et compte retourner au Liberia « dans deux mois si tout va bien ». Mais « cette histoire ne va pas finir de sitôt », ajoute-t-il rapidement, « on ne sait plus ce qui se passe et la situation ne cesse d'empirer ».

 

 

Sierra Leone
Au Sierra Leone, où 365 personnes sont décédées jusqu'à présent à cause d'Ebola, Kamil el-Kady, 30 ans, dresse un constat similaire. « Le pays est mort, l'atmosphère est anormale, les gens ne sortent plus du tout », explique ce Libanais qui travaille à l'aéroport de Freetown, où les autorités, assure-il, vérifient toute personne qui entre ou sort du pays. Soulignant lui aussi que la plupart des Libanais sont déjà partis, il ajoute : « Ce pays est sale, les maladies se transmettent par le contact physique et cela fait peur. »
Pour Samir Khoneizer, 32 ans, « le problème majeur est que le taux d'analphabétisme est très élevé, donc les locaux ne coopèrent pas avec le gouvernement ». « Le virus Ebola se propage vite, il y a de la paranoïa dans l'air », poursuit ce Libanais également établi en Sierra Leone et se présentant comme travailleur indépendant. Autre problème : les hôpitaux. « Désormais, ils sont tous dédiés à la lutte contre Ebola, et il est devenu presque impossible pour un patient "normal" de se faire hospitaliser. »

 

Nigeria
Au Nigeria, la population n'est pas aussi paniquée, indique Georges Jabbour qui vit à Abuja. Certains Libanais ont toutefois décidé d'envoyer leur famille au Liban, poursuit-il, ajoutant : « Pourquoi prendre des risques, surtout lorsque l'on a des enfants ! » Lui ne quittera le Nigeria « que si la situation devient comme en Sierra Leone ».
Maurice Hobeiche, propriétaire d'un hôpital, se veut lui aussi confiant. « D'ici à la fin du mois, il n'y aura plus de cas d'Ebola au Nigeria », affirme ce médecin pour qui « le niveau de panique n'est pas justifié ». Tenant à mettre l'épidémie d'Ebola en perspective, il rappelle que « la malaria fait 150 000 à 200 000 morts par an au Nigeria ». « Avec 3 à 4 décès en raison d'Ebola, a-t-on raison de paniquer ? » interroge-t-il. Effectivement, selon les derniers chiffres, quatre personnes sont mortes au Nigeria. Le médecin accuse toutefois le gouvernement de ne pas tenir les hôpitaux assez informés.


Du côté de Lagos, où une douzaine de cas sont recensés, les choses sont différentes. « Depuis Ebola, les Libanais ne sont plus les mêmes », explique Reine Jreige Nakhoul, 30 ans, qui travaille dans l'hôtellerie dans la plus grande ville du pays. « Les expatriés sont paniqués, les familles avec bébé sont parties, les autres sont restées en espérant que la situation s'améliorera malgré l'angoisse au quotidien », poursuit la jeune femme. Elle, rassurée par la décision des écoles américaines et françaises d'ouvrir leurs portes, a choisi de rester.

 

 

Guinée
En Guinée aussi « les écoles françaises et américaines n'ont pas changé le calendrier de la rentrée », affirme Farah Farah, chargé d'affaires à l'ambassade du Liban. « Les Libanais sont méfiants, mais on est loin de la psychose », dit-il notant qu'aucun cas d'Ebola n'a été signalé au sein de la diaspora.
Installé à Conakry, la capitale, Bassam Daou, 30 ans, assure que « les habitants vivent normalement ». « Ils ont peur, bien sûr », ajoute-t-il, tout en regrettant l'ampleur prise par l'histoire d'Ebola. « C'est médiatique », affirme-t-il, même s'il reconnaît que dans un premier temps, en Guinée, l'on a tenté « de minimiser les choses pour que les affaires ne soient pas affectées ».

 

(Pour mémoire : Le Liberia et la Sierra Leone se barricadent)

 

Précautions et ambassades
En cinq mois, l'épidémie a fait 1 229 morts, selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Face au virus, qui se transmet par contact direct avec le sang, les liquides biologiques ou les tissus de personnes ou d'animaux infectés, les pays ont pris différentes mesures.
À Abuja (Nigeria) et en Guinée, les résidents sont appelés à éviter les contacts et prévenir en cas de symptômes. Au Liberia, « avant d'entrer au restaurant, la température du client est prise et des bacs d'eau et de désinfectant ont été installés à l'entrée des restaurants, des hôtels et des magasins. Tout le monde est obligé de se laver les mains », explique Georges el-Hage. Des mesures similaires ont été prises en Sierra Leone et à Lagos.


Du côté des représentations diplomatiques, on informe les ressortissants de l'évolution de la crise via les réseaux sociaux ou par SMS. Pas suffisant pour certains Libanais. « Personne ne s'enquiert de notre situation, (nos représentants) ne le font que lorsqu'il y a des élections », accuse le Dr Hobeiche.
« Comme il n'y a pas toujours de remède au virus, l'ambassade ne peut que sensibiliser ses ressortissants à travers SMS, e-mails et Facebook », se justifie le chargé d'affaires en Guinée, qui assure collaborer avec les autorités locales, les autres ambassades et les ONG « afin de calmer la communauté libanaise et éviter la propagation des rumeurs ».

 

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