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Nos Lecteurs ont la Parole - Carole DIB

Le marchand d’espoir

Feu rouge. Pensive, les mains sur le volant, je regarde dans le vide. Soudain, une feuille virevoltante vient se poser sur la vitre avant de la voiture, juste devant moi.
Trop fatiguée pour réagir, je regarde toujours dans le vide. Le vent l'emportera, me dis-je.
Mais voilà qu'un homme vient la retirer, s'excuse cent fois et s'éloigne. Je lui souris, avec un geste nonchalant de la main. Si seulement quelqu'un pouvait s'excuser aussi ardemment pour toutes les horreurs commises dans le monde.
Tapotements frénétiques sur la vitre. Je me retourne. Le revoilà: «Demoiselle, bta3rfé, yimkin hazzik! Tarit la 3endik! Yanassib! Yanassib!»
Soudain, je comprends... et je souris. Au lieu de parcourir les routes à s'égosiller, mendier et supplier le prix d'un «yanassib», cet homme trouve une méthode alternative: il fait croire aux gens que la feuille les a «choisis». C'est alors que tout change, comme par magie. À ce moment-là, il ne vend plus du papier sans valeur, mais il vend de l'espoir. Et ça, n'importe qui paierait cher pour l'avoir.
Aussi simple qu'il soit, l'incident m'a poussée à reconsidérer plein de choses. Entre autres, j'ai toujours haï les imposteurs, mais ce vendeur-là ne faisait de mal à personne. Croyant s'assurer des rentrées par une méthode intelligente, je dirais que les gens y gagneraient beaucoup plus que lui: un sourire, un peu d'espoir. Et ils retourneraient, ne serait-ce qu'un instant, à la belle enfance, quand tout était possible, où l'on avait le droit de croire à tout.
J'avais donc eu envie d'acheter ce billet, ne serait-ce que pour encourager le marchand d'espoir. Mais soudain, il arriva ce que je souhaitais tous les jours, mais surtout pas aujourd'hui, pas maintenant: le feu passa au vert.
Quoi choisir? Subir les coups de klaxons rageurs et les insultes pour acheter une once d'espoir ou bien partir, tout simplement?
Après une brève hésitation, je choisis d'avancer.
Après tout, j'ai toujours été de ceux qui croient que la chance ne s'envole jamais miraculeusement vers soi. Il faut courir après. En ne ratant aucun feu vert.

Carole DIB

Feu rouge. Pensive, les mains sur le volant, je regarde dans le vide. Soudain, une feuille virevoltante vient se poser sur la vitre avant de la voiture, juste devant moi.Trop fatiguée pour réagir, je regarde toujours dans le vide. Le vent l'emportera, me dis-je.Mais voilà qu'un homme vient la retirer, s'excuse cent fois et s'éloigne. Je lui souris, avec un geste nonchalant de la main. Si...

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