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À La Une - violences

"Je suis peut-être en sûreté maintenant, mais j'ai perdu mon âme dans cette fuite"

Dans un camp de réfugiés, le désespoir d'un père de famille yazidi.

Une famille yazidie réfugiée dans le camp de Newroz, dans la province de Hassaka en Syrie, où les Unités kurdes de protection du peuple (YPG) et une poignée d'ONG tentent de venir en aide aux survivants du mont Sinjar. AFP PHOTO / AHMAD AL-RUBAYE

Dans le calme d'un camp de réfugiés syrien, les horreurs vécues par Juno continuent à le hanter: dans sa fuite précipitée face à l'avancée des jihadistes en Irak, ce père de famille yazidi a perdu la trace de deux de ses enfants.

Comme des dizaines de milliers de Yazidis, minorité kurdophone persécutée de longue date, Juno Khalaf a dû fuir le 3 août sa maison quand les jihadistes de l'Etat islamique (EI) ont lancé une offensive sur Sinjar et ses environs, dans le nord de l'Irak.
"Ils nous tiraient dessus pendant que nous fuyions. C'était le chaos total. En chemin, nous avons perdu ma petite Alifa et mon fils Imad", raconte ce père de 45 ans. "Je ne sais pas où ils sont. Je ne sais pas si nous allons jamais les retrouver", lâche-t-il, submergé par une douleur si intense qu'elle semble l'empêcher de respirer.
Il ne sait pas si Imad, 18 ans, et Alifa, 10 ans, sont encore en vie. Et il ne sait pas où les chercher.

Face à l'avancée fulgurante des jihadistes, Juno, sa femme et leurs sept autres enfants se sont réfugiés avec des milliers d'autres personnes sur le mont Sinjar, imposant et désertique, qui domine la ville éponyme. Mais ce refuge trouvé dans l'urgence s'est vite révélé un piège mortel pour ces civils, assiégés par les jihadistes, sans eau ni nourriture dans la chaleur brûlante de l'été.
De nombreuses familles ont néanmoins réussi à descendre de la montagne, et des combattants kurdes les ont escortés jusqu'à la frontière syrienne.
Le président américain Barack Obama, qui a autorisé il y a une semaine des frappes aériennes dans la région, a annoncé jeudi que le siège de l'EI avait été brisé.

La plupart des Yazidis qui avaient franchi la frontière syrienne sont depuis repassés côté irakien, venant grossir les rangs des centaines de milliers de déplacés qui s'entassent dans des camps de fortune dans le nord de l'Irak.
Juno, lui, est resté en Syrie. Il a trouvé refuge dans le camp de Newroz, dans la province de Hassaka, où les Unités kurdes de protection du peuple (YPG) et une poignée d'ONG tentent de venir en aide aux survivants du mont Sinjar.

 

(Lire aussi : « L'holocauste des chrétiens d'Irak est un génocide »)

 

"J'ai perdu mon âme"
"Les YPG ont ouvert un front contre l'EI depuis le côté syrien de la frontière. Ils ont perdu huit combattants avant de parvenir à sécuriser une voie de sortie pour les Yazidis", explique Hadiya Youssef, à la tête du gouvernement autonome kurde auto-proclamé dans la province de Hassaka. "Tous les habitants des villages alentours se sont mobilisés pour mettre hors de danger ceux qui ont réussi à descendre de la montagne", assure-t-elle.

Le camp de Newroz, sur une étendue aride et rocheuse, a été construit à l'origine pour abriter les Syriens fuyant le conflit qui déchire depuis plus de trois ans leur propre pays, où sont également très actifs les jihadistes.

 
Après avoir été traqué comme un animal dans la montagne, Juno Khalaf demeure hébété et comme hanté.
"Il y a à peine deux semaines, nous vivions en paix", se rappelle-t-il.
Sa femme, Khonaf, a également dû abandonner derrière eux sa propre mère, aveugle. "Elle n'aurait pas pu faire le voyage", déplore-t-elle, plissant les yeux dans le soleil, un bébé en pleurs dans les bras.
Elle désigne la joue couverte de bleus de sa fille Rania, âgée de quatre ans.
"Elle a été renversée par une voiture pendant qu'on essayait tous de s'enfuir. Grâce à dieu, elle va bien".

Pieds nus, vêtue d'une robe vert vif, la petite Rania se rappelle les sept heures de marche qu'elle a dû faire, sans l'aide de personne, jusqu'au sommet du mont Sinjar. "J'ai peur. Je ne sais pas où sont mon frère et ma sœur. Je veux rentrer à la maison", dit-elle.


Pour son père, il y aura un avant et un après le 3 août: "Je suis peut-être en sûreté maintenant, mais j'ai perdu mon âme dans cette fuite. Que quelqu'un nous aide. S'il vous plaît".

 

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commentaires (2)

Bonjour ONU qui es tu que fais tu ou que feras -tu ?Il semble que toi aussi tu es devenue un monument historique .

Sabbagha Antoine

09 h 48, le 16 août 2014

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Commentaires (2)

  • Bonjour ONU qui es tu que fais tu ou que feras -tu ?Il semble que toi aussi tu es devenue un monument historique .

    Sabbagha Antoine

    09 h 48, le 16 août 2014

  • Des histoires tout à fait comparables à celles du temps des nazis durant la 2e guerre mondiale. Et tous les jours on doit dire : mais oí est cette communauté internationale de merde ?

    Halim Abou Chacra

    04 h 49, le 16 août 2014

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