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Moyen Orient et Monde - Irak

Les yazidis, une histoire marquée par les persécutions

L’entrée du sancturaire yazidi de Lalish, en Irak.

Le monde entier s'émeut, à juste titre, de la catastrophe qui s'abat sur les yazidis de la région de Sinjar au nord-ouest de Mossoul, menacés d'être exterminés par les jihadistes de l'État islamique (EI) s'ils ne se convertissent pas à l'islam. Des dizaines de milliers de villageois ont quitté précipitamment leurs maisons pour trouver refuge dans les montagnes – qui culminent à 1 356 mètres – sans abris, sans eau ni nourriture.


Cette population paisible d'origine kurde traverse sans doute l'une des pires épreuves de son histoire, qui n'en a pas manqué. L'accusation est depuis longtemps (XVIIe siècle) la même : les yazidis seraient des « adorateurs du diable », réputation complètement infondée qui provient sans doute d'une croyance de la secte en un ange déchu, qu'elle appelle « Malak Tawous », l'Ange-Paon, dont l'histoire ressemble étrangement à celle d'« Iblis », le diable, l'ange déchu du Coran. Dans la tradition zoroastrienne, dont la religion syncrétique des yazidis a préservé quelques éléments, l'Ange-Paon à cause de son orgueil perd, certes, la faveur de Dieu, mais pris de remords se réconcilie avec lui. L'Ange-Paon n'est donc pas devenu, comme en islam, la personnification du diable, Iblis, mais un ange qui est resté une émanation bienveillante de la divinité. Pour les yazidis, le mal comme le bien résident plutôt dans l'être humain, qui lui choisit sa voie.

Le problème du peuple yazidi est que sa religion a longtemps été basée sur des traditions orales. Il n'a eu que tardivement – fin XIXe siècle – des livres sacrés où ses croyances furent consignées. Il a de ce fait été exclu de la catégorie requise par les législations islamiques successives, celle des gens du Livre, qui a été accordée aux juifs et aux chrétiens auxquels elle a conféré un statut légal. Bien que croyant en un Dieu unique, mais n'étant ni musulmans ni gens du Livre, les yazidis se sont heurtés aux demandes de clarification des gouvernements de l'Empire ottoman dans le cadre de l'administration de leurs provinces, et ce n'est qu'en 1849 que leur communauté a été reconnue par l'Empire. Cela n'a pas empêché qu'ils soient menacés une fois de plus de conversion forcée en 1894, à l'époque du Sultan Abdel-Hamid II (1876-1909). Pour échapper aux persécutions, il arrivait qu'un groupe de yazidis demande aux patriarches syriaques-orthodoxes résidant au monastère de Deir al-Zaafaran à Mardine – au nord du Sinjar – de les déclarer chrétiens, ce que les patriarches faisaient volontiers. Ils savaient néanmoins que ces « adorateurs du soleil », car les yazidis prient le matin en direction du soleil, ne feraient que nominalement partie de leur communauté.

 

(Voir aussi:  Le déchirant appel à l'aide d'une députée yazidie)


L'un des principaux centres de pèlerinage des yazidis est la tombe de cheikh Aadi ibn Musafir, mort en 1162, à Lalish dans le Jabal Sinjar. Cheikh Aadi, originaire de la Békaa libanaise (!), a fondé au XIIe siècle la confrérie soufie sunnite des Aadawiyyah. Il a été en même temps considéré par les yazidis, qui croient en la métempsycose, comme une réincarnation de Malak Tawus, l'Ange-Paon. Le pèlerinage à Lalish durant le mois d'avril donne lieu à un festival où les fidèles chantent des hymnes transmis oralement depuis des générations, et dansent.


Le sort des yazidis du Sinjar a longtemps été lié à celui des chrétiens du nord de l'Irak, ou de la région de mardine au sud-est de la Turquie. Durant la Première Guerre mondiale ils ont accueilli au péril de leur vie dans leurs montagnes des dizaines de milliers de refugiés chrétiens arméniens et syriaques qui fuyaient les massacres et déportations ordonnés par le gouvernement turc. Plus tard, dans le cadre du nouvel État irakien, ils ont souffert comme les autres tribus kurdes de la politique d'arabisation forcée menée par le régime de Saddam Hussein. Après la chute du régime baassiste en 2003, tant le gouvernement autonome du Kurdistan que la nouvelle Constitution irakienne leur ont accordé la liberté de culte. Mais celle-ci est remise en question une fois de plus, en même temps que celle des chrétiens de la région de Mossoul, eux aussi menacés par l'EI.



*Historienne et chercheure à l'Universite Saint-Joseph, membre fondatrice de l'Association pour la restauration et l'étude des fresques médiévales

 

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commentaires (2)

Nos coeurs pleurent pour cette communauté qui fait partie intégrante et la criminalité guidée par nous savons désormais bien qui dans de notre région. Ils sont aujourd'hui victime de l'intollérence qui frappe tous et tout particulièrement les minorité qui n'ont pas des appuis solides dans la régions (pas meme des plus proches Kurdes, qui commencent eux aussi a etre dépassés comme tout le monde) ce qui explique l'assistance d'outre océan. Le cia et les services saoudiques doivent arreter leur cinema qui a trop durer et qui commence a frapper durement ceux qu'il ne voulait pas ou qu'ils n'avaient pas calculer.

Ali Farhat

14 h 38, le 14 août 2014

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Commentaires (2)

  • Nos coeurs pleurent pour cette communauté qui fait partie intégrante et la criminalité guidée par nous savons désormais bien qui dans de notre région. Ils sont aujourd'hui victime de l'intollérence qui frappe tous et tout particulièrement les minorité qui n'ont pas des appuis solides dans la régions (pas meme des plus proches Kurdes, qui commencent eux aussi a etre dépassés comme tout le monde) ce qui explique l'assistance d'outre océan. Le cia et les services saoudiques doivent arreter leur cinema qui a trop durer et qui commence a frapper durement ceux qu'il ne voulait pas ou qu'ils n'avaient pas calculer.

    Ali Farhat

    14 h 38, le 14 août 2014

  • Très jolie merci pour votre éducation !!

    Bery tus

    06 h 10, le 14 août 2014

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