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Moyen Orient et Monde - Témoignage

À Erbil, les réfugiés veulent « seulement savoir quand tout cela va prendre fin »

Juan Gabriel Wells, de l'ONG Action contre la faim, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour » sur la situation sécuritaire et humanitaire actuelle à Erbil, au Kurdistan irakien.

Nabil et sa famille, sous une bâche à l’ombre, ont trouvé refuge à Erbil. Photo Florian Seriex

Face à l'avancée fulgurante des jihadistes ultraradicaux de l'État Islamique (EI), des dizaines de milliers d'Irakiens issus de minorités diverses, notamment chrétienne et yazidie (une minorité kurdophone non musulmane), persécutés et contraints à un exode inédit, trouvent aujourd'hui refuge au Kurdistan irakien, notamment dans la province d'Erbil, au nord du pays. Juan Gabriel Wells, directeur pays adjoint d'Action contre la faim (ACF) en Irak, répond aux questions de L'Orient-Le Jour sur la situation sécuritaire et humanitaire aujourd'hui à Erbil.

Comment évolue la situation sécuritaire à Erbil ?
Nous évoluons dans un contexte sécuritaire volatil. Depuis la chute de Mossoul au début du mois de juin, le conflit se poursuit à travers des opérations militaires imprévisibles. Il est très difficile d'anticiper les zones qui sont les plus à risque et les mouvements de populations, ce qui nuit à la rapidité et l'efficacité de la réponse humanitaire.

Aujourd'hui, à qui venez-vous en aide à Erbil ? De quoi ont besoin les réfugiés en priorité ?
En tant que travailleurs humanitaires, nous sommes ici pour venir en aide à toutes les personnes dans le besoin, quels que soient leur origine, leur religion ou leur statut social. C'est ce que nous tentons de faire à Erbil. Lorsque ces familles sont arrivées à Erbil, elles étaient toutes extrêmement choquées. La plupart ont été obligées de fuir, laissant toutes leurs affaires derrière eux.
À leur arrivée, les réfugiés avaient besoin d'eau avant tout, mais aussi d'un moyen de la garder fraîche car les températures dépassent fréquemment les 40°. Les familles que nous avons rencontrées cherchent ensuite de la nourriture, un abri ainsi que des médicaments dans certains cas.
À leur arrivée, les réfugiés sont également nombreux à nécessiter un soutien psychologique, ils sont profondément choqués par ce qu'ils viennent de vivre, certains ont fui pour la troisième ou quatrième fois, ils ne savent pas où ils sont et ce qui est mis à leur disposition.

Que racontent les réfugiés qui arrivent à Erbil et dans quel état arrivent-ils ?
Il sont choqués, certains répètent plusieurs fois « Nous avons dû fuir... » le regard vers le sol avant de pouvoir en dire plus. Ils ont entendu le bruit des bombardements, attrapé quelques affaires lorsqu'ils le pouvaient et fui à la hâte. Nabil et sa famille font partie de ceux-là. Ils ont fui Qaraqosh et sont désormais réunis sous une bâche dans l'enceinte de l'église St-Joseph à Erbil. Quand une équipe d'Action contre la faim a demandé ce dont lui et sa famille avaient besoin, sa première réponse a été : « Je ne vous demande rien, je veux seulement savoir quand tout cela va prendre fin. » Une de ses nièces, accablée par la chaleur, était allongée par terre. Juste à côté, une femme n'arrivait pas à donner le sein à son bébé, elle ne se sentait pas à l'aise en raison du manque d'intimité. Elle s'est soudainement mise à pleurer, entraînant les larmes de toute la famille.

Vous est-il possible d'aider les déplacés en dehors d'Erbil?
Bien sûr, la majorité de notre travail se fait à l'extérieur d'Erbil. Près de 200 000 personnes ont fui dans le gouvernorat de Dohuk et nous travaillons également dans de nombreux camps. Ces deux derniers jours, nous avons distribué plus de 4 000 rations alimentaires autour de Dohuk, ainsi que de l'eau, des kits d'hygiène, et mené de l'aide psychosociale d'urgence. ACF conduit des programmes en eau, assainissement et hygiène dans les camps.

Que pensez-vous de l'aide humanitaire fournie depuis quelques jours par Washington, Paris et Londres dans le nord de l'Irak ? Est-ce utile, suffisant ?
La communauté internationale s'est rapidement mobilisée suite à cette nouvelle vague de déplacements. Ce soutien est apprécié par la communauté humanitaire, particulièrement lorsqu'il tend à satisfaire les besoins de base des personnes les plus vulnérables, comme ça a été le cas avec les largages d'aide dans les montagnes du Sinjar (où ont fui des yazidis, NDLR).
Quoi qu'il en soit, toute assistance doit correspondre aux besoins des communautés affectées par les violences. C'est pour cela qu'une plus grande coordination est nécessaire avec les partenaires humanitaires sur le terrain pour s'assurer qu'ils reçoivent des articles correspondant parfaitement aux besoins.


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