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À La Une - Analyse

La stratégie d'Obama en Irak suscite le doute

"Deux chasseurs FA-18 larguant des bombes de 250 kg sur des pièces d'artillerie ne vont pas inverser le cours de ce conflit".

Des peshmergas, combattants kurdes, postés à un point de contrôle près d'Erbil, dans le Kurdistan irakien. SAFIN HAMED/AFP

L'aviation américaine a mené vendredi ses premières frappes ciblées contre les jihadistes de l'Etat islamique (EI, ex-Daech) dans le nord de l'Irak mais la stratégie décidée par Barack Obama suscite des doutes aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de son administration.

Après des mois passés à repousser l'idée même d'un engagement militaire direct dans la crise irakienne, le président américain a fini par autoriser des bombardements pour enrayer la progression des insurgés sunnites vers Erbil, la capitale du Kurdistan autonome irakien, protéger les intérêts américains et venir au secours des minorités religieuses yazidies et chrétiennes menacées par l'EI.

Lui qui avait fait campagne en 2008 sur la promesse de mettre un terme à la guerre en Irak et a rapatrié les troupes fin 2011 a donc réengagé l'armée américaine tout en bordant cette intervention : il n'est pas question, a-t-il affirmé, que les Etats-Unis se laissent entraîner dans une nouvelle guerre.

 

(Repère: Cinq clés pour expliquer les avancées des jihadistes en Irak)

 

Mais cette opération limitée à des frappes aériennes est-elle de nature à changer la donne ? La question tourne en boucle depuis son allocution jeudi soir dans la State Dining Room de la Maison Blanche.

Pour Ryan Crocker, ambassadeur américain à Bagdad de 2007 à 2009, la réponse est claire : "Deux chasseurs FA-18 larguant des bombes de 250 kg sur des pièces d'artillerie ne vont pas inverser le cours de ce conflit", dit-il. "J'ignore quelle est notre stratégie."

Dans l'entourage du président, on espère que ces frappes aériennes vont redonner du temps pour réarmer les peshmergas, les combattants kurdes désormais en première ligne face aux jihadistes, et permettre à l'armée irakienne, mise en déroute début juin, de se réorganiser.

Elles pourraient aussi renforcer les pressions qu'exerce Washington sur Bagdad pour parvenir à la mise en place d'un gouvernement "inclusif" prenant en compte toutes les communautés irakiennes, quitte à se séparer du Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki, accusé d'avoir attisé les tensions confessionnelles en menant une politique sectaire.


Au pied du mur ?
Vendredi, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, a indiqué que Barack Obama n'avait pas fixé de calendrier définitif pour un arrêt des opérations. La durée de la campagne aérienne dépendra de l'évolution de la situation.

Mais certains responsables de l'administration américaine font part en privé de leur incertitude quant aux objectifs de l'intervention et d'un éventuel plan de sortie.

Les circonstances même dans lesquelles Obama a ordonné ces frappes aériennes, lui qui avait renoncé in extremis l'été dernier à bombarder des objectifs du régime de Bachar el-Assad en Syrie, pourtant accusé d'avoir franchi une "ligne rouge" en recourant à des armes chimiques, font débat.

"Je ne sais pas s'il a été entraîné dans cette histoire à son corps défendant, mais d'une certaine manière le président a été mis au pied du mur et contraint de passer à l'action", estime ainsi Frederic Hof, ancien spécialiste du Moyen-Orient au département d'Etat lors du premier mandat d'Obama.

En début de semaine, alors qu'il présidait un sommet Afrique/Etats-Unis à Washington, M. Obama a été régulièrement tenu informé de l'évolution de la situation en Irak.

L'effondrement des lignes de défense avancées des Kurdes, à partir du week-end dernier, et les appels internationaux pour éviter une catastrophe humanitaire parmi les dizaines de milliers d'Irakiens yazidis menacés par l'EI ont sans doute pesé lourd dans la balance.


L'exemple libyen ?
Sans aller jusqu'à fixer une "ligne rouge - le précédent syrien a refroidi les ardeurs de l'administration américaine -, un haut responsable explique que l'exécutif avait un "marqueur" : la protection des personnels et installations américaines en Irak qui, dit-il, "inclut naturellement ces deux villes stratégiquement très importantes que sont Erbil et Bagdad".

Mais pour certains, les paramètres annoncés par Obama - protéger les Américains présents en Irak et éviter "un génocide potentiel" - manquent de clarté.

Au Congrès, des élus républicains ont réclamé que le président expose sa stratégie à long terme.

Ken Pollack, un ancien de la CIA et de la Maison Blanche aujourd'hui chercheur à la Brookings Institution, un centre d'études de Washington, estime que la mission en Irak ressemble assez à l'intervention en Libye en 2011. Barack Obama, avec ses alliés français et britannique, avait alors promis de protéger la population de Benghazi face au risque de massacres par les forces loyales à Mouammar Kadhafi.

 

(Lire aussi: « Deux mille ans d'histoire vont être effacés à cause de la lâcheté de l'Occident »)

 

Beaucoup d'observateurs s'attendaient alors à une campagne aérienne massive suivie d'un effort de reconstruction. Au lieu de quoi les Etats-Unis avaient choisi de "diriger de l'arrière" ("leading from behind").

Et lorsque Kadhafi est tombé, poursuit Ken Pollack, "nous nous sommes tout bonnement retirés".

Les commandants de l'Etat islamique pourraient décider d'une pause dans leur offensive et attendre pour éviter les frappes.

Ryan Crocker les voit même se détourner dans l'immédiat de l'objectif d'Erbil et se concentrer sur d'autres cibles, comme la Jordanie ou l'Arabie saoudite.
"Ils vont commencer à regarder au-delà des frontières. Pour eux, les frontières saoudiennes et jordaniennes n'ont pas plus de réalité que les frontières syriennes et irakiennes", dit-il.

 

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commentaires (4)

ÉTRANGE STRATÉGIE ! QUE CELLE DE SE TAIRE DEVANT LES GÉNOCIDES PERPÉTRÉS... Où SONT LES CHAMPIONS DES DROITS DE L'HOMME ???

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 24, le 10 août 2014

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Commentaires (4)

  • ÉTRANGE STRATÉGIE ! QUE CELLE DE SE TAIRE DEVANT LES GÉNOCIDES PERPÉTRÉS... Où SONT LES CHAMPIONS DES DROITS DE L'HOMME ???

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 24, le 10 août 2014

  • Obama sera sans doute le plus mauvais président américains ,après J. W. Bush ...pourtant ce n'était pas difficile de faire mieux....! c'est évident , que c'est de la responsabilité de l'Amérique que de réparer leurs dommages collatéraux en Irak...comme cette tragédie génocidaire ...des Chrétiens ,Yazidis et autres minorités... broyées par l'imbécilité politique Made In Coca-Cola d'un coté et l'obscurantisme islamique de l'autre....

    M.V.

    10 h 43, le 10 août 2014

  • Après tant de précédents en Syrie, en Irak, en Cisjordanie, à Gaza, en Egypte, en Iran, enfin dans tout le Moyen-Orient, il n'y aucun risque d'erreur si on appelle ce président américain Monsieur Lâcheté. Il est hésitant à l'extrême. Il a peur de faire quoi que ce soit. Il n'a aucune stratégie. Il ne fera absolument rien qui puisse "changer la donne" comme le disent les observateurs cités. La lâcheté d'Obama en Syrie et sa peur incroyable d'aider la rébellion syrienne non seulement contre la dictature de Damas honnie par son peuple, mais même contre Daech, a permis à cette organisation criminelle monstre de se consolider tellement dans ce pays qu'elle a pu faire la jonction avec sa mère l'EIIL en Irak et les deux branches ont fait -et continuent- leur foudroyante avancée dans ce pays. Elle vient de marquer présence même au Liban, cette maudite ! Un ou deux avions d'Obama bombardant une ou deux de ses positions en Irak ne changeront rien du tout. L'armée irakienne en déroute et celle des kurdes, surprise par ladite avancée de l'EI, sont pratiquement abandonnées à leur sort. Une catastrophe pour le Moyen-Orient et le monde est en train d'avoir lieu. Les forces politiques au Liban feront-elles enfin preuve de responsabilité devant cette perspective ?

    Halim Abou Chacra

    19 h 31, le 09 août 2014

  • Ils ont été orientés vers l'ouest...vers Damas... C'est tout ..

    CBG

    13 h 59, le 09 août 2014

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