Il promeut la tolérance
Il faut signaler d'emblée qu'un concert de Ziad Rahbani n'est pas appréhendé de la même manière que les autres événements. Le public, le sien, lui est acquis d'avance. Il le connaît, il le suit, il l'attend et il lui pardonne toutes ses incartades. Même si quelques-uns râlent un peu, à la première note, à la première vanne, tout est oublié. Le niveau de tolérance face aux retards légendaires de l'artiste est toujours élevé. Donc oui, il inspire la tolérance, pas tant celle des uns pour les autres que celle face à ses caprices !
Il unit
Alors là, oui, et l'effet est visible à l'œil nu. Il suffit d'observer la foule qui patiente dans la cour des boustifailles, à l'entrée des gradins. Une file d'attente considérable devant le kiosque des boissons alcoolisées. Des dames voilées demandent si le hot dog est halal. Marie Chantal craque pour un pop-corn caramélisé pendant que Khadijé croque sa galette tripolitaine et que Camile discute des effets de la politique isolationniste sur l'impérialisme des fourmis en terres colonisées. Gauchisant, anarchisant, arabisant, nationalisant, islamisant, iranisant, américanisant, aounisant... Mais aussi les autosuffisants, les soi-disant, les ironisant, les sémillants, les névrosants, les zézéyants... Rarement mosaïque nationale aura été aussi représentée. Vive l'unité libanaise.
Il est schizophrène et bipolaire
Le concert. Pas Ziad. Non, ce dernier se contente d'entretenir les belles proportions de son ego. Pour le reste, laissons le diagnostic aux psys. Première partie du concert, un « chouïa » défaillante. L'orchestre a visiblement du mal à s'harmoniser. Il faut dire que l'air marin humide ne doit pas faciliter l'accord des instruments à corde. Ziad ne cache pas son exaspération et harangue sa troupe dans un jargon aux accents deutsches. Mais ce n'est qu'après la pause que l'orchestre retrouvera sa poigne. Et aura même des envolées lyriques et patriotiques qui mettront le public en délire. Après une entrée sur l'air de Jeyi el-nasr w jeyi el-hourriyi (la victoire arrive, la liberté arrive), le concert conclut sur Raj3a bi izn el'Lah (Elle revient, NDLR : la guerre). Alors, c'est quoi ton message, Ziad. La liberté ou la guerre ? Ou les deux ? Dans les deux cas, main sur le cœur, roulez tambours, sonnez trompettes.
Il aiguise le sens critique
Oui, c'est la première qualité de ce roi du calembour, de ce chirurgien (a)social qui dissèque au scalpel les travers de son peuple. Compositeur, metteur en scène de théâtre, comédien ou pianiste, il ne se départit pas une seconde de son humour corrosif. Et il pimente ses concerts de sketches sociopolitiques sarcastiques. En 2014, il vise (et tire sur) les embouteillages, les Phéniciens et leurs descendants dont un en particulier, un politicien qui ne sait pas aligner une phrase décente. Il dit ne pas comprendre les femmes qui pardonnent à Walid Joumblatt ses virages parce qu'il est « mahdoum » (digestible) et trouvent sayed Hassan « mignon » après ses discours vociférants et tonitruants. Pour faire passer la pilule amère, il l'enrobe de sucre, parfois, et donne la réplique à une actrice charmante comme la charismatique Nada Bou Farhat.
Il est classé patrimoine musical
Ziad a le génie (génétique) musical des Rahbani. Notamment celui de son père, Assi. Et cela veut tout dire. Il s'entoure de nombreux musiciens de différentes nationalités, dont le saxophoniste américain Charles Davis. Et de chanteuses assez talentueuses. Comme Manale Semaan et Chirine Abdo. Ou encore du très doué Hazem Chahine, au chant et au oud. Pour reprendre de beaux succès d'antan. Mais, malheureusement, aucune voix féminine n'est comparable à maman Fayrouz.
*Organisé par Production Factory, Star System et 2U2C, sous les auspices de Solidere et le patronage du ministère du Tourisme.
Pour mémoire
L' hommage aux femmes de Ziad Rahbani dans « Artistat »
commentaires (2)
AVANT ON ENTENDAIT D'AUTRES SONS DE CLOCHE... ET NON DES CLOCHES AVEC D'AUTRES SONS !
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 13, le 02 octobre 2014