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Moyen Orient et Monde - Turquie

L’élection annoncée d’Erdogan ne fait pas rire ses critiques, surtout féminines

Même s'il a été contraint de battre en retraite sur certains de ses projets, le Premier ministre islamiste n'a jamais renié ses convictions.

Des femmes turques en train de rire pendant une séance de yoga pour protester contre les propos du vice-Premier ministre turc Bulent Arinç. Adem Altan/AFP

Un an après, la fronde de 2013 n'est plus qu'un lointain souvenir. Mais, à la veille du scrutin présidentiel de dimanche, l'affaire du « rire des femmes » a ravivé l'ire des Turcs qui redoutent la victoire annoncée du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Le procès n'est pas nouveau. Depuis des années déjà, les tenants de la Turquie laïque fondée par Mustafa Kemal Atatürk en 1923 reprochent au chef du gouvernement sa dérive autoritaire et islamiste.
Dans leur dossier à charge figurent toute une série de mesures, sur la consommation d'alcool ou le port du foulard islamique, qui ont largement alimenté la colère qui s'est déversée contre le régime dans les rues du pays à la fin du printemps 2013. Il y a deux semaines, un des fondateurs du Parti de la justice et du développement (AKP) a encore allongé la liste de ces griefs d'une nouvelle polémique.

« L'homme doit être moral, la femme aussi », a lancé le vice-Premier ministre Bülent Arinç, en campagne à Bursa. Avant d'ajouter : « elle ne doit pas rire fort devant tout le monde et doit absolument conserver sa décence à tout moment ». La sortie de M. Arinç a suscité les commentaires outrés de femmes turques, qui ont inondé les réseaux sociaux de photos d'elles riant aux éclats, assorties des mots clé #kakhaha (#rire en turc) ou encore #direnkakhaha (#résister en riant) sur le modèle des appels à la résistance qui ont accompagné les émeutes d'il y a un an.

(Lire aussi: La réponse des Turques à leur vice-Premier ministre)


Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, la guerre fait rage entre le Premier ministre, un musulman pratiquant dont l'épouse et les deux filles sont voilées, et les associations féministes de son pays. Sa volonté de restreindre le droit à l'avortement et l'utilisation de la pilule du lendemain, ses appels répétés pour que les femmes aient au moins trois enfants ou son hostilité aux dortoirs mixtes pour les étudiants ont alimenté de multiples controverses. Même s'il a été contraint de battre en retraite sur certains de ces projets, l'homme fort du pays n'a jamais renié ses convictions.

« Insultes »
Il y a un an, provocateur, il avait répondu aux manifestants qui le défiaient dans la rue qu'il ne recevait d'ordres que « de Dieu ». M. Erdogan a récidivé sur le même ton le mois dernier à la faveur de sa campagne présidentielle. En visitant leur dortoir, le Premier ministre a recommandé à un groupe jeunes filles dûment recouvertes d'un foulard islamique de ne pas être trop « difficiles » au moment de se choisir un mari. « Mariez-vous lorsqu'on vous le propose », leur a-t-il suggéré.

Ses propos lui ont valu une nouvelle volée de bois vert. « Aucun gouvernement ne s'en est jamais autant pris aux femmes turques et ne les a jamais autant insultées », s'indigne Deniz Bayram, du Collectif féministe d'Istanbul. « Et le calendrier des déclarations d'Arinç est tout sauf une coïncidence », ajoute Mme Bayram. « C'est un message sans ambiguïté sur la façon dont ce gouvernement entend bien continuer à peser dans les années à venir sur le comportement des femmes, sur leurs décisions et même sur leur corps ».
« Nos hommes politiques veulent simplement dire que les femmes méritent d'être violées, battues, torturées, tuées, privées de leurs enfants ou contraintes à une vie misérable si elles ne se comportent pas correctement », accuse enfin Deniz Bayram.

 

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