L'heure n'est certes pas encore, au bilan, et il est, à n'en point douter, trop tôt pour tirer les leçons de cette dure bataille dans laquelle l'armée a été entraînée à Ersal. Mais il serait quand même utile de soulever d'ores et déjà certaines observations au sujet des événements en cours aux frontières Est avec la Syrie.
Ce serait d'abord faire preuve d'une flagrante mauvaise foi et d'une déplorable malhonnêteté intellectuelle que d'affirmer sans sourciller que les opérations et les attentats menés depuis plusieurs mois par les organisations jihadistes sunnites au Liban ne sont pas la conséquence directe de l'implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie et de son attitude arrogante sur la scène libanaise. Il s'agit là d'un phénomène mathématique : le comportement du parti chiite pro-iranien et la décision unilatérale qu'il a prise, sur les injonctions de Téhéran, de voler au secours de Bachar el-Assad, sans se soucier outre mesure des conséquences de son acte sur les équilibres et la stabilité internes, ne pouvaient déboucher que sur une radicalisation de la rue sunnite et sur l'émergence de groupuscules extrémistes prêts à se lancer dans les actions les plus folles et les plus irrationnelles.
En près de 40 ans de guerres et de conflits internes, le Liban n'a pas connu de phénomène jihadiste de grande envergure, s'étalant sur le long terme (à l'exception du projet du Hezbollah, plus subtil, et donc plus pernicieux, que les actions de groupuscules extrémistes se livrant à des actions spectaculaires, mais sans horizon politique réel). Le pays du Cèdre n'a été le théâtre d'opérations et de gesticulations fondamentalistes que dans des cas bien précis, limités dans l'espace et le temps. Au début des années 80, d'abord, lorsque les précurseurs du Hezbollah (qui se faisaient alors appeler « Jihad islamique » ) ont mené des attaques contre la Force multinationale (essentiellement américaine et française) en poste au Liban, ou encore contre des ressortissants occidentaux pris en otages. Par la suite, les organisations fondamentalistes (principalement sunnites) qui ont émergé sur la scène libanaise étaient des émanations des services syriens qui les manipulaient au gré du jeu politique hégémonique auquel se livrait Damas dans le pays.
Exception faite, donc, du cas bien particulier du Hezbollah, le Liban n'a connu une floraison jihadiste que lorsque le parti chiite a dépassé toutes les limites de l'arrogance et, surtout, lorsqu'il s'est impliqué corps et âme aux côtés du régime de Bachar el-Assad. Dans ce cadre, les événements de Ersal sont l'une des conséquences les plus brutales et les plus meurtrières du comportement du Hezbollah.
Mais plus important encore que cette relation de cause à effet, les développements des derniers jours ont sapé à la base la principale argumentation avancée par le parti pro-iranien pour tenter de justifier son intervention dans la guerre syrienne. Cette argumentation repose sur la logique suivante : le Hezbollah participe aux combats en Syrie afin d'empêcher les jihadistes (ou takfiristes) de s'étendre au Liban, ce qui signifie implicitement que le parti chiite est contraint de se livrer à cette mission du fait qu'aucune autre partie (en l'occurrence l'armée) n'est en mesure de mener à bien cette tâche. Or l'épisode de Ersal a démontré deux choses fondamentales : d'abord, que l'implication du Hezbollah aux côtés de Bachar el-Assad a accentué et accéléré le débordement takfiriste sur la scène libanaise au lieu de l'en empêcher ; ensuite, et c'est là le point le plus important, l'armée a démontré qu'elle est parfaitement en mesure de s'opposer fermement aux velléités des groupes takfiristes d'étendre leur influence au Liban, ce qui rend caduc le prétexte invoqué par le Hezbollah pour justifier son intervention en Syrie. Désormais, face à la combativité manifestée par l'armée, le Hezbollah ne peut plus arguer de la faiblesse de l'État et de la troupe pour imposer ses décisions unilatérales et sa stratégie guerrière, notamment dans le conflit syrien, d'autant que les événements de Ersal ont démontré une fois de plus que lorsqu'elle mène un combat à caractère souverainiste, la troupe bénéficie d'un appui unanime de la part de toutes les factions locales.
Ce dernier point constitue précisément une dernière observation qui pourrait être tirée de l'épisode de Ersal. Les données sur le terrain ont illustré un facteur fondamental : le courant jihadiste ou takfiriste ne bénéficie nullement d'un soutien populaire et politique notable sur la scène locale, à l'exception de cas isolés très peu représentatifs. Or, le Hezbollah et ses alliés se posaient en épouvantail face à ces organisations extrémistes. Les limites de l'expérience libanaise de Daech et consorts, du fait du manque de soutien populaire, mettent là aussi à mal la stratégie médiatique et psychologique des alliés de Téhéran sur ce plan. Mais entre-temps, le Hezbollah aura entraîné une fois de plus le Liban et les Libanais dans une nouvelle aventure guerrière dont ils n'ont que faire.
Tôt ou tard, viendra le jour où le Hezbollah devra rendre compte à la population libanaise.
Ce serait d'abord faire preuve d'une flagrante mauvaise...
commentaires (6)
L'armée libanaise et le Liban sont exposés aux Takfiristes.... C'est ce moment précis que choisi le Hezb pour et faire croire aux simples d’esprit qu'il est, lui le Le Hezb, seul capable de libérer le pays des hordes takfiristes, et qu’il est en droit d’imposer son dictat par une annonce médiatique: Aoun est son seul et unique candidat... Et Aoun d'en jubiler! Heureux de se voir porté par le Hezb alors que le sang encore chaud de nos martyres militaires est versé par la faute de son supporter le Hezb... quelle ignominie!
Bibette
13 h 37, le 07 août 2014