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Liban - Liban

Ersal, « une ville fantôme que plus personne n’ose déserter sous la pluie d’obus »

Les conditions de vie des habitants du village empirent. Sans eau, sans électricité et sans provisions, certains d'entre eux appellent l'armée à épargner au village le poids de cette guerre.

En quelques jours, Ersal est devenue une ville-fantôme où plus personne n'ose circuler, voire même tenter d'en sortir, et la journée d'hier a été particulièrement difficile. C'est d'ailleurs ce qu'ont affirmé hier trois habitants de ce village qui accueille 170 000 réfugiés syriens en plus de ses 40 000 habitants, et qui est actuellement le terrain d'une lutte féroce entre l'armée et les islamistes de Daech et du front de lutte al-Nosra, venus de Syrie.


« La situation est désastreuse dans tous les sens du terme », a déploré hier cheikh Yehya Breidi, membre du comité des ulémas musulmans et fils du village. Contacté par L'Orient-Le Jour, cheikh Breidi a en effet affirmé que « la ville est sous siège ». « Personne n'ose quitter sa maison pour secourir les nombreux blessés et personne n'ose enterrer les morts, a-t-il dit. Les francs-tireurs tirent sur tout ce qui bouge. Quelques familles ont pu quitter le village il y a quelques jours, mais ce n'est plus possible désormais. Nous sommes pris entre deux feux, celui des individus armés et celui de l'armée, sans oublier que nous subissons une véritable crise économique. Les magasins sont fermés, mis à part quelques magasins ouverts à domicile, et cela fait deux jours que nous consommons nos provisions et il en reste encore, mais ce sera une véritable catastrophe si la situation ne change pas d'ici à quelques jours et si la nourriture est épuisée. » Et d'ajouter : « Nous sommes au beau milieu d'une véritable guerre, et ce sont les civils qui en paient le prix. Le son des roquettes et des obus ne se tait pas et ils peuvent s'abattre sur nos têtes à tout moment ». Hier, la situation était plus calme, souligne-t-il toutefois.


Estimant que ni l'armée ni les islamistes ne contrôlent la situation sur le terrain, cheikh Yehya Breidi a espéré que l'armée règle ce dossier sans avoir recours à la violence. « Cette guerre a nui aux gens et l'affaire aurait pu être réglée de manière différente, a-t-il déclaré. Tuer ces hommes armés n'est pas la solution, encore moins la destruction de la ville. Si cela réglait le problème, nous serions d'accord. Mais les maisons croulent sur leurs habitants et personne n'ose sortir pour secourir ses voisins. Notre hôpital et notre petit dispensaire ne peuvent supporter le poids des blessés et les gens souffrent. Ni l'armée ni les islamistes n'ont pitié des gens. À chaque fois que les islamistes lancent une roquette, l'armée répond de manière très violente et non ciblée, et plus d'une maison reçoit son lot d'obus. »

 

(Lire aussi : Les divergences entre Daech et al-Nosra ont fait capoter les médiations à Ersal)

 

« Nous avons besoin d'une heure de trêve... »
Selon cheikh Breidi, les ulémas pourraient bientôt aboutir à une solution. « Nous avons convaincu les individus armés de libérer trois membres des forces de l'ordre, comme signe de bonne foi, et d'accepter un cessez-le-feu de 24 heures », confie-t-il. « Ces hommes armés ont promis de se retirer si l'armée arrêtait son opération maintenant et nous soutenons une telle position. La vraie cause de cette guerre reste l'intervention du Hezbollah en Syrie. Je ne justifie pas les actes de ces hommes armés, mais ces derniers ont subi l'injustice du régime et nombre d'entre eux ont tout perdu à Qousseir. Comment puis-je les convaincre de ne pas se venger? » s'est-il interrogé, indiquant que ces islamistes ne sont pas des réfugiés. « Ce ne sont pas des gens que nous avons accueillis ici. Ces gens sont venus des montagnes. Et j'espère vraiment que l'initiative des ulémas règlera le problème, à défaut de quoi tout le Liban sera pris dans l'engrenage de cette lutte sans merci. »


Des affirmations reprises pas Mohammad Breidy, sergent-chef à la retraite et habitant du village de Ersal, qui affirme que « l'armée ne pourra pas trancher les choses militairement sans que les civils n'en paient le prix ». « Ce n'est pas la solution, dit-il. Nous sommes sans eau et sans électricité et les obus pleuvent sur nous quand l'armée riposte. Nous mangeons le peu de provisions qui reste dans nos placards et les gens n'osent pas fuir la ville même s'ils le voudraient. » Indiquant avoir fait un tour à Ersal en voiture « sans rencontrer âme qui vive », Mohammad Breidy revendiquait hier « juste une heure de trêve » pour les civils.
« Nous avons juste besoin d'une heure pour pouvoir nous approvisionner. Nous n'avons plus d'eau, les citernes sont détruites par les obus. Nous ne savons même plus comment faire pour passer aux toilettes sans eau. L'armée n'aide pas les gens à sortir et nous sentons que la situation va empirer », souligne-t-il.

 

(Lire aussi : De la place Sassine au Musée, élan de solidarité avec l'armée)


À l'autre bout du village, Salah Breidy observe les accrochages entre l'armée et les terroristes depuis sa maison. « Ce n'est que maintenant que les accrochages se sont arrêtés, il me semble », dit-il en fin de soirée, à l'approche du cessez-le-feu promis. « La journée d'aujourd'hui était désastreuse. Personne n'est sorti de Ersal. L'armée répond de manière violente et de nombreuses maisons et mosquées sont détruites car les tirs de l'armée ne sont point ciblés », ajoute-t-il. Et si certains de ses voisins appellent l'armée à épargner à Ersal le poids de cette guerre, Salah espère plutôt que l'armée interviendra à Ersal de façon plus importante en affirmant : « Même les réfugiés syriens sont contre ces terroristes. Que l'armée les prenne d'assaut et qu'on en finisse ! »

 

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