L'armée libanaise poursuit son offensive à Ersal

Au deuxième jour des combats qui ont éclaté samedi entre soldats libanais et miliciens islamistes dans la localité de Ersal, dans l'est du pays, le commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi, s'est dit déterminé à empêcher tout débordement du conflit syrien au Liban. Lors d'un point de presse dimanche, il a assuré que la troupe est "prête à combattre tous les mouvements takfiristes à Ersal et ailleurs au Liban". Il s'est toutefois dit inquiet de la montée de ces mouvements, craignant que le scénario qui s'est produit à la frontière irakienne ne se reproduise à la frontière libanaise avec la Syrie. Dimanche, des jihadistes de l'Etat islamique (EI, ex-Daech) ont pris aux combattants kurdes la localité irakienne de Sinjar, proche de la frontière syrienne, ont rapporté des responsables kurdes.

Dimanche soir, l'armée a affirmé poursuivre son offensive contre les jihadistes. "Nos unités ont réussi à expulser des hommes armés d'un bâtiment qu'ils tentaient d'occuper", a affirmé l'armée dans un communiqué.

Dans le jurd de Ersal, les combats avaient redoublé d'intensité dimanche après-midi, poussant des dizaines de civils à fuir vers d'autres régions dans la Békaa et dans le centre du pays. Selon un nouveau bilan fourni par le général Kahwagi, dix soldats libanais ont été tués au cours de ces affrontements et 13 autres sont portés disparus. "L'armée a perdu 10 martyrs, 25 autres (ont été) blessés, dont quatre officiers, et 13 soldats sont portés disparus, possiblement retenus prisonniers", a-t-il déclaré. M. Kahwagi a souligné que la situation dans la région de Ersal était "extrêmement dangereuse", et a déclaré que l'attaque contre l'armée avait été préméditée.

"Les unités de l'armée ont poursuivi toute la nuit leurs opérations militaires dans la zone de Ersal et ses environs, pourchassant et affrontant les groupes armés", a indiqué l'armée dans un communiqué, ajoutant que des hommes armés avaient aussi tiré des obus sur la région. "Les combats ont fait huit martyrs dans les rangs de l'armée et plusieurs blessés", précise le communiqué de l'armée.

Selon les médias locaux, la troupe a arrêté plusieurs miliciens, d'autres ont été tués. Un soldat, isolé depuis samedi dans la région de Masyada reprise dimanche par la troupe, a en outre été libéré. Une réunion sécuritaire est par ailleurs prévue ce soir alors que le gouvernement se réunira demain lundi pour suivre les développements.

Les affrontements ont commencé samedi après-midi après l'arrestation à un poste de contrôle de l'armée du Syrien Imad Ahmad Jomaa qui, selon la troupe, a reconnu être membre du Front al-Nosra. Des spécialistes des mouvements islamistes ont toutefois indiqué que Jomaa appartient à la Brigade Fajr al-Islam de Homs, qui a récemment prêté allégeance à l'Etat islamique (EI, ex-Daech). Jomaa est qualifié par Romain Caillet d'"emir" de l'EI à Ersal. Selon la chaîne LBC, il prévoyait de mener une opération terroriste contre l’armée à Ersal.

Leb army arrested Abu ahmad jomaa in Irasal, head liwaa fajr al islam, seen here giving bayaa to IS https://t.co/RVZcr3pTRk may be big fight

— Joshua Landis (@joshua_landis) August 2, 2014

A la suite de cette arrestation, des miliciens ont encerclé des points de contrôle de l'armée dans la région avant d'ouvrir le feu en direction de la troupe.

(Pour mémoire : Ersal redoute l'extension de la bataille du Qalamoun jusqu'à ses portes)

Des membres des FSI pris en otage

Les miliciens ont en outre attaqué samedi un poste de police dans la localité de Ersal, selon des sources des services de sécurité. Deux civils ont été tués dans l'attaque et une vingtaine de policiers pris en otage dans un bâtiment contrôlé par des miliciens et qui appartient à Moustapha Hojeiry, dénommé "Abou Takiyé".

Dans une vidéo publiée dimanche par le Front al-Nosra et dont l’authenticité n'a pas été confirmée, les membres des FSI annoncent avoir "fait défection en raison des agissements de l’armée et du Hezbollah à Ersal et des agissements du parti chiite en Syrie". Une position adoptée à l’évidence sous la pression d'autant que ces policiers disent avoir "déserté l’armée" alors qu'ils sont membres des FSI.

Des informations circulant sur les réseaux sociaux ont en outre fait état de la fuite de l'un des policiers pris en otage.

Dans une déclaration à la LBC, Moustapha Hojeiry a assuré que les membres des FSI sont "ses invités" et qu'ils seront remis à leurs proches "quand la situation s’améliorera". Il a également indiqué être menacé par les partisans de Imad Jomaa.

Fin juillet, un caporal, Atef Saadeddine, avait annoncé sa défection de l'armée libanaise pour rejoindre al-Nosra. Dans une vidéo qui a fait le tour des médias sociaux – une technique de propagande de plus en plus usitée au sein des groupuscules islamistes –, le jeune soldat accuse l'institution militaire d'avoir un parti pris en faveur du Hezbollah "dont elle reçoit des ordres".

Appels à chasser les miliciens
Les habitants de Ersal ont, pour leur part, lancé des appels, à travers les réseaux sociaux, à chasser les miliciens et à éviter toute confrontation avec l'armée, toujours selon l'Ani. Ersal, une localité majoritairement sunnite et qui accueille des dizaines de milliers de réfugiés syriens, a déjà connu des périodes de fortes tensions avec les forces de sécurité libanaises. L'aviation du régime syrien y mène des raids contre les forces rebelles cachées dans cette région montagneuse.

Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a expliqué à l'AFP qu'il suivait "de près" la situation à Ersal mais qu'il n'avait pas d'informations sur de possibles répercussions des combats sur les nombreux réfugiés syriens présents dans la région.

(Pour mémoire : Le neveu de Nasrallah aurait été tué dans les combats contre l'ASL)

Ersal est voisine du Qalamoun syrien, près de la frontière libanaise, où les rebelles ont essuyé plusieurs revers ces derniers mois face aux troupes syriennes appuyées par des combattants du Hezbollah.
Depuis des mois, des combats meurtriers opposent les jihadistes d'al-Nosra et ceux de l'EI dans le nord et l'est de la Syrie. Mais dans le Qalamoun, ils se battent ensemble pour tenter de préserver leurs positions et d'acheminer des renforts. Dans cette région, au moins 50 jihadistes ont été tués en 24 heures dans des combats avec les troupes syriennes et le Hezbollah, a rapporté samedi l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Regain de tension à Tripoli
Parallèlement aux violences à Ersal, la tension est également montée d'un cran à Tripoli, au Liban-Nord, où de violents combats ont opposé dans la nuit de samedi à dimanche l'armée à des miliciens cagoulés. Ces derniers ont tiré en direction de postes de la troupe dans plusieurs quartiers de la ville, la forçant à riposter, selon l'Ani. Selon une source de sécurité, deux soldats ont été blessés dans ces nouveaux affrontements au cours desquels des roquettes antichar de type RPG et des engins explosifs artisanaux ont été utilisés.

Dimanche, la tension restait vive dans la capitale du Liban-Nord, même si le calme y était.

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