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Nos Lecteurs ont la Parole - Lina ZAKHOUR

N comme non

« L'homme est un animal suspendu dans les toiles des significations qu'il a lui-même tissées »
Max Weber

N comme Nazaréen, pouvait-on lire sur les murs des maisons à Mossoul. Des maisons qui appartiennent à des citoyens irakiens chrétiens. Une lettre de l'alphabet que les propriétaires n'avaient pas inscrite. Elle est l'œuvre d'expropriateurs, d'usurpateurs. Une lettre, ou un tag, sur les murs de maisons devenus supports d'inscriptions identitaires, à caractère religieux... Ces murs, désormais désertés par leurs propriétaires, sont témoins de l'exode de populations millénaires, chassées de leurs terres par d'obscurs combattants extrémistes, multinationaux, la plupart des étrangers à Mossoul, armés, barbus, menaçants.
N, peut-on lire sur Facebook, émanant de milliers de citoyens mus par un mouvement spontané de solidarité avec les chrétiens de Mossoul. Intention louable mais aux effets dangereux. Car voilà que non seulement les demeures à Mossoul sont frappées du sceau de « paria », mais des chrétiens du Liban revendiquent ce sceau. Bien plus qu'une solidarité : une identification, une acceptation.
Or, le plus grave consiste à reprendre à son propre compte cette dénomination. D'adopter la différenciation. De faire de ces inscriptions nos vérités. Il y a, bien au contraire, urgence à ne pas s'afficher comme ISIS- Daech-EI et leurs compères nous perçoivent.
Car cette représentation peut devenir performative et, par un effet pervers, autoréalisatrice. En effet, comme le souligne Bourdieu, « la nomination contribue à faire la structure de ce monde, d'autant plus profondément qu'elle est plus largement reconnue, c'est-à-dire autorisée ». Ainsi, cette lettre N vise à faire advenir cette catégorisation qu'elle énonce. Et l'officialisation de cette nomination trouve son accomplissement dans la manifestation publique, que constitue ce flot de lettres N sur la toile. Une lettre, une classification, une culture imaginée par les extrémistes et leurs maîtres, qui confère aux chrétiens une identité simplifiée, réductrice, séparatiste ; une reconstruction parfaitement arbitraire de leur histoire, de leur foi et de leur mode de vie. Telle est la logique d'ISIS-Daech-EI et leurs compères, leur stratégie de changement social, idéologique, géographique.
Et ils ont failli gagner ! Si leur vision des uns et des autres s'est répandue comme une traînée de poudre, c'est bien parce que nous l'avons – inconsciemment – autorisée. Or le mimétisme qui a opéré en quelques heures sur la Toile n'est pas sans nous rappeler les risques d'inculcation par voie de répétition de certaines normes de comportement. En effet, en affichant cette lettre N, nous acceptons cette représentation et acquiesçons au fait qu'une seule lettre désormais nous résume. Surtout nous revendiquons cette altérité, que la lettre N institue, dont la conséquence est l'opposition, puis l'exclusion, jusqu'à la purification ethnique.
De plus, il y a urgence à ne pas entrer dans leur jeu. Non !
Ne pas s'affubler soi-même d'un N, pas plus que de n'importe quelle autre lettre à même de diviser ou d'ancrer encore plus profondément tous ces communautarismes dont ils sont si friands. Dont ils sont convaincus. Dont ils veulent nous convaincre. S'autotaguer, c'est annoncer leur victoire.
Non à la lettre N. En
opposition à M comme musulman et J comme juif. Des lettres qui annoncent un chapitre de haines, de guerres et de redécoupage de la région.
La seule façon de mettre en échec ce plan, c'est d'adopter un autre alphabet que le leur.
Oui à la lettre H, comme tous humains. Car, la seule issue, le seul salut pour cette région, est bien de se battre pour le maintien de cette foi, de cet humanisme seul à même de jouer le rôle de garde-fou face à tous les extrémismes. Et de sauvegarder les libertés de tous.
H donc, en opposition aux S sauvages. B barbares. Ou encore C criminels, de tous bords. Tous des O obscurantistes.
H par solidarité avec les chrétiens de Mossoul. Abandonnés de tous. Dont la tragédie est quasi ignorée des médias et de la communauté internationale. Une communauté que j'appelle à travers ces lignes à prendre ses responsabilités face à ce crime contre l'humanité.

Lina ZAKHOUR
Auteure – Avocate – Chercheuse consultante spécialiste du discours

« L'homme est un animal suspendu dans les toiles des significations qu'il a lui-même tissées »Max Weber
N comme Nazaréen, pouvait-on lire sur les murs des maisons à Mossoul. Des maisons qui appartiennent à des citoyens irakiens chrétiens. Une lettre de l'alphabet que les propriétaires n'avaient pas inscrite. Elle est l'œuvre d'expropriateurs, d'usurpateurs. Une lettre, ou un tag, sur...

commentaires (1)

Mais oui ! "H par solidarité avec les Sains Syriens de Syrie. Abandonnés de tous ! Dont la tragédie est quasi ignorée des médias, des "Intellectuel(le)s" et de la communauté internationale ! Une communauté que nous appelons, après 1 long sommeil qui a duré trois longues années, à prendre ses responsabilités face à ce crime contre l'humanité, contre donc cette (Mal- aimée) Printanière syrienne." !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

09 h 33, le 01 août 2014

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Commentaires (1)

  • Mais oui ! "H par solidarité avec les Sains Syriens de Syrie. Abandonnés de tous ! Dont la tragédie est quasi ignorée des médias, des "Intellectuel(le)s" et de la communauté internationale ! Une communauté que nous appelons, après 1 long sommeil qui a duré trois longues années, à prendre ses responsabilités face à ce crime contre l'humanité, contre donc cette (Mal- aimée) Printanière syrienne." !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 33, le 01 août 2014

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