Il est difficile de parler d'un événement au moment où l'on est en train de le vivre. Il faut du recul, et ce recul-là, ce n'est peut-être pas à notre génération qu'il sera donné de l'avoir. Le Liban est une sorte de terminus, comme le sont Dunkerque ou Lampedusa : des refuges extrêmes où l'on s'échoue en ayant perdu la force d'aller plus loin. Tout se passe comme si des plaies sous forme d'armées féroces et de tyrans corrompus rongeaient les continents de l'intérieur et poussaient les populations vers la mer. Ceux qui parviennent au rivage s'estiment d'abord heureux avant de considérer l'étendue de leur malheur.
Que signifient ces grandes mutations, ces populations que l'on déplace selon un schéma redoutablement précis ? Sans faire dans la théorie du complot, ce n'est un secret pour personne qu'au début de la guerre civile libanaise, Henry Kissinger, alors secrétaire d'État américain, avait sérieusement envisagé de vider le pays de sa population chrétienne pour faire de la place aux Palestiniens et ainsi soulager le jeune État israélien. À la faveur de la nième guerre à Gaza, voici que l'on ressort des propos qu'il aurait tenus en octobre 2012, repris par le New York Post, affirmant que l'État d'Israël n'avait plus qu'une dizaine d'années à vivre. Comment lire cette prophétie autrement qu'à travers la grille d'une incitation à la violence contre les Palestiniens, une rhétorique de propagande pure visant à terroriser les Israéliens tout en leur désignant clairement l'ennemi qui menace leur avenir ? Les populations juives sont bien placées pour savoir que la haine se prépare, et fermente à coup de rumeurs, longtemps avant que n'explose la violence.
Et quoi penser de cette nébuleuse islamiste qui est apparue dans les années 90 comme une plaisanterie exhumée du fond des âges. Tout à coup, en 2001, l'islam est devenu l'ennemi numéro 1 de l'humanité. Le voilà, à la tête des technologies les plus pointues, capable de déjouer la surveillance de l'État le plus puissant du monde et d'abattre en plein cœur de New York les tours les plus emblématiques de la mégalopole. Que veut, que voulait el-Qaëda dont on n'entend plus parler ? Ses revendications n'ont jamais été très claires. Abattre des tours par plaisir ? Passer contre l'Occident, en général, et l'Amérique, en particulier, une haine sans objet précis ? On nous présente aujourd'hui l'EI, Isis et Daech. Tous ces joyeux compagnons, en plus de se battre contre tout le monde, se montrent impitoyables envers : un, les femmes insoumises; deux, les hommes qui mangent en cachette pendant le ramadan; trois, les chrétiens ; et quatre, tout ce qui n'est pas eux, c'est-à-dire le reste de l'humanité.
Cerise sur le gâteau, après l'exode des chrétiens de Mossoul, tous les chrétiens de la région ont désormais peur et se préparent à réintégrer leur montagne et défendre leurs fiefs. Le Moyen-Orient est un billard fou où les communautés confessionnelles se carambolent sans savoir
pourquoi ni pour qui. Le phénomène a été trop rapide pour être honnête. Il faut compter qu'il disparaîtra comme il est apparu, une fois révélées les causes économiques et stratégiques de son déclenchement.
Jeux de vilains
OLJ / Par Fifi ABOU DIB, le 31 juillet 2014 à 00h00
commentaires (6)
L'EI, Isis ou Daech qui sait si ces branches terroristes sont le fruit d'Israël ayant pour objectif de réduire le monde arabe en petites tribus sauvages pour se combattre et ne jamais ainsi oser faire face à l'ennemi.
Sabbagha Antoine
13 h 05, le 31 juillet 2014