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Lifestyle - Gastronomie

Le musée du... canard laqué

À Pékin, un restaurant consacre 1 000 m² à l'histoire du plat devenu une véritable institution culinaire.

Un chef spécialiste du plat vient généralement découper la volaille et sa peau croustillante à table, en une centaine de tranches pour les plus habiles.

Dans le hall d'entrée de l'immense restaurant Quanjude, les clients prennent leur tour dans les premières effluves de volaille rôtie, près d'une heure avant le début du service, déchiffrant les panneaux publicitaires judicieusement disposés : « Venez visiter le premier musée du canard laqué de Pékin ! »
Vieux de 150 ans, Quanjude compte parmi les enseignes reconnues de la capitale, aux côtés du « Canard laqué pas cher », du « Roi du canard » et du plus huppé « Dadong Roast duck », tous propriétaires de plusieurs restaurants dans les différents quartiers de la ville, complets midi et soir.
Ledit musée, premier du genre, se trouve au 7e étage du plus grand bâtiment de la chaîne, où rôtisseurs statufiés, photos de dignitaires à table – dont Richard Nixon et Henry Kissinger – et menus vieux de cent ans retracent le parcours du palmipède devenu une véritable institution culinaire, sur plus de 1 000 m².
« Les clients consultent généralement l'exposition après dîner, sûrement rendus curieux par la saveur singulière du plat », s'enthousiasme une guide du musée. Pas de recette miracle dévoilée, mais une vingtaine de petites sculptures d'argile, qui déroulent les étapes de la confection du mets. Tué lorsqu'il pèse trois kilos, gonflé d'air sous la peau pour la séparer de son gras, le canard est ensuite évidé et rempli d'eau bouillante, puis séché et badigeonné de sirop avant d'être rôti durant 50 minutes.

Tout un spectacle
La légende, relayée par l'exposition, veut que le canard laqué pékinois soit paradoxalement né à Nankin, avant d'accompagner le changement de capitale décidé sous la dynastie des Ming par l'empereur Yongle, au début du XVe siècle.
Mais si la méthode de préparation de la volaille vient bien de l'Est, le mode de cuisson tient en réalité d'une innovation toute pékinoise, selon Fuchsia Dunlop, spécialiste britannique de la cuisine chinoise. « À la création de Quanjude, les chefs ont choisi de suspendre les canards dans un four en argile, alimenté par un feu fait avec le bois d'arbres fruitiers comme le pêcher, le poirier ou le jujubier : c'est ce qui lui donne le goût que l'on connaît aujourd'hui », raconte-t-elle.
Un chef spécialiste du plat vient généralement découper la volaille et sa peau croustillante à table, « en une centaine de tranches pour les plus habiles », indique Fuchsia Dunlop. Il faut compter 288 yuans (35 euros) pour un canard entier, avec ses condiments. « C'est tout un spectacle, un peu comme aller au théâtre en famille », précise-t-elle.

Stratégie diplomatique
Selon Quanjude, qui se vante d'avoir cuisiné 196 millions de canards, les « stratégies diplomatiques » de l'ex-Premier ministre chinois Zhou Enlai étaient au nombre de trois : celle du ping-pong, celle du maotai – l'alcool de sorgho chinois traditionnel – et celle du canard laqué. La légende d'une photo de Charlie Chaplin dînant avec Zhou Enlai en 1954 à Genève raconte que l'acteur britannique, se vantant de ne jamais manger de canard, par affection pour ces animaux « à qui sa démarche d'acteur devait beaucoup », aurait consenti à « faire une exception à la règle pour goûter celui-là », en voyant le canard laqué pékinois.
Quelques vitrines plus loin se dresse l'impressionnant bilan gastronomique des Jeux olympiques de Pékin en 2008 : 13 000 canards laqués servis aux athlètes, et autant d'éloges dans la presse étrangère, dont « certains médias » auraient écrit que le mets méritait « la 52e médaille d'or olympique » chinoise.
Pour Fuchsia Dunlop, le succès international du plat tient beaucoup au caractère ludique de sa présentation : « Traditionnellement, on roule soi-même la viande dans une petite crêpe, avec des lamelles d'oignons nouveaux, de poireaux et de concombres, on ajoute la sauce, à base de prunes salées et de soja noir, puis on mange avec les doigts, un peu comme un kebab ou un hamburger. Par rapport à d'autres spécialités chinoises, c'est un plat accessible aux Occidentaux, sans textures ou ingrédients inconnus, sans parties d'animaux qu'ils ne sont pas habitués à manger. »

Au patrimoine culturel immatériel ?
Les expositions consacrées aux différentes spécialités chinoises fleurissent depuis quelques années en Chine, faisant parfois preuve de créativité pour attirer les touristes, comme le musée de la fondue sichuanaise à Chongqing, construit en forme de marmite.
« Depuis la diffusion de la série documentaire sur la nourriture A bite of China, en 2012, les Chinois ont compris qu'une grande partie de leur héritage se trouvait à table, avec des savoir-faire construits au fil des siècles et des plats très différents selon les régions », explique Fuchsia Dunlop.
Au mois de mars dernier, Pékin avait annoncé préparer le dossier de candidature de la cuisine chinoise au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco, auquel seules les gastronomies japonaise et française figurent en tant que telles à ce jour.
(Source : AFP)

Dans le hall d'entrée de l'immense restaurant Quanjude, les clients prennent leur tour dans les premières effluves de volaille rôtie, près d'une heure avant le début du service, déchiffrant les panneaux publicitaires judicieusement disposés : « Venez visiter le premier musée du canard laqué de Pékin ! »Vieux de 150 ans, Quanjude compte parmi les enseignes reconnues de la capitale,...

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