Le mot est enfin lâché. Et il convient avant tout de tenter de le replacer dans son contexte actuel. Albert Ogien définit l'antisémitisme comme étant « une idéologie mobilisée par des groupuscules organisés et qui cherche à rallier les "jeunes de banlieue" présentés comme des minorités dominées (ou en situation postcoloniale) autour de leur appartenance à la religion musulmane en se construisant un ennemi : le complot juif. Ce nouvel antisémitisme, fondé sur des thèses conspirationnistes, cherche à s'allier à un plus ancien : celui de l'extrême-droite française, représenté par le Front national et des groupuscules encore plus radicaux ». Plus encore, explique Michel Wieviorka, ce « nouvel » antisémitisme, qui « concerne la religion et non l'ethnie », est un « phénomène qui se renouvelle dans de nouveaux milieux », notamment ceux de « personnes originaires d'Afrique subsaharienne et des Antilles ». Il y a, selon le sociologue, une résurgence de « la théorie selon laquelle les Juifs ont leur part de responsabilité dans les traites négrières et veulent en outre demeurer le monopole de la souffrance mondiale », en référence à la Shoah. Il est d'autant plus facile de véhiculer ce genre de théories aujourd'hui, estime l'expert, « grâce aux réseaux sociaux et à Internet, où tout peut être dit, suivant les principes de liberté d'expression et d'opinion ». Cet antisémitisme est donc « permanent », pour reprendre les termes de Michel Fize, selon lequel cette tendance est « latente, comme une braise qui peut prendre à tout instant ».
Mais si la France accueille la plus grande communauté musulmane d'Europe – au moins 5 à 6 millions de personnes –, elle accueille également « la plus grande communauté juive d'Europe », rappelle Jean-Yves Camus, qui avance le chiffre de « 400 à 500 mille personnes, soit le double de la communauté juive en Grande-Bretagne ». Ce face-à-face permanent sème le trouble dans une société hantée par un lourd passé colonial et peut-être aussi un sentiment de culpabilité diffus depuis la Seconde Guerre mondiale. Et pour M. Fize, la réponse à ces tensions réside dans « l'insertion scolaire et socio-économique des jeunes, sinon nous ferons face à une montée de la radicalisation ».
S. M.
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