Comme d'habitude, le discours du secrétaire général du Hezbollah était très attendu. Comme d'habitude aussi, il a été attentivement suivi, chaque partie régionale et locale cherchant à interpréter les messages qu'il comportait, d'autant qu'il est intervenu à un moment particulier où l'ensemble de la région est en ébullition et où l'avenir paraît assez confus.
Déjà, l'arrivée « du sayyed » en personne dans la grande salle bondée, comme s'il sortait de nulle part, était à elle seule un message fort de solidarité avec les Palestiniens de Gaza. Ensuite, Nasrallah a parlé pendant près d'une heure, dans un lieu connu et à un rendez vous fixé à l'avance, alors que la chaîne al-Manar transmettait en direct son discours. Ce qui constitue un défi aux Israéliens qui le traquent depuis des années. Nasrallah a donc voulu par sa présence prolongée montrer que « la Journée internationale d'al-Qods », à l'heure où Gaza brûle, mérite qu'il prenne de tels risques. De plus, il a voulu montrer que face à l'assassinat quotidien des enfants de Gaza par l'armée israélienne, il ne doit pas, lui, craindre pour sa vie... Par sa participation, il a donc voulu rendre une sorte d'hommage indirect aux victimes de l'offensive israélienne à Gaza. Mais en même temps, il faut préciser qu'avant, pendant et après le discours, les mesures de sécurité prises par sa garde rapprochée étaient très strictes. Déploiement massif mais discret, surveillance permanente des alentours et du ciel pour déceler d'éventuels drones, contacts permanents avec tous les hommes déployés à l'intérieur de la salle et dans toutes les ruelles environnantes car, au sein du Hezbollah, on a beau être croyant, on préfère ne rien laisser au hasard...
Cela pour la forme, qui a quand même son importance dans ce genre de circonstances, puisque la foule de partisans est littéralement entrée en transe lorsqu'elle a vu arriver sayyed Nasrallah.
Sur le plan du contenu, l'effet n'était pas non plus négligeable. Le secrétaire général du Hezbollah a, dans son discours, consacré le retour du Hamas dans le giron de la résistance, que les chefs politiques de l'organisation le reconnaissent ou pas. Il est désormais clair que la branche armée de cette organisation fait partie de l'axe dit de la résistance, et c'est pratiquement elle qui dicte la position à adopter à l'équipe politique de l'organisation. En même temps, le chef du Hezbollah a rendu hommage aux autres organisations palestiniennes qui se battent à Gaza et au peuple palestinien en général qui soutient ses frères à partir de la Cisjordanie. Il a ainsi appelé tous les Arabes et les musulmans à cesser de faire des procès politiques au Hamas et à d'autres, pour appuyer la Palestine, qui reste la cause sacrée des Arabes et des musulmans, celle qui doit les rassembler et les unir. Cela peut paraître un détail ou un lieu commun. Mais ce n'est pas le cas, surtout lorsqu'on pense aux efforts déployés au cours de ces dernières années pour éloigner le Hamas de l'axe dit de la résistance pour le réduire à une organisation issue des Frères musulmans et par conséquent l'impliquer dans les guerres arabes et musulmanes. Certes, le Hamas s'inscrit dans la doctrine des Frères musulmans, et il a activement participé aux combats en Syrie aux côtés de l'opposition au régime, mais lorsqu'il s'agit de la résistance contre Israël, il faut oublier ces divergences pour retrouver l'unité sacrée autour de la Palestine. Cet élément est primordial dans la configuration régionale actuelle, après les efforts du Qatar et de la Turquie pour « domestiquer » le Hamas. Ces deux pays continuent à avoir une grande influence sur la formation, mais face à l'offensive israélienne et à la résistance des Palestiniens, ils n'ont pu que se rallier à la position palestinienne au lieu d'en être les initiateurs. Même le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas – que l'on croyait acquis au principe des négociations, après avoir rejeté le principe de la résistance armée – a annulé à la dernière minute un voyage à Riyad pour rencontrer le roi Abdallah parce que ce dernier voulait lui proposer de déployer ses hommes au passage de Rafah et de désarmer ainsi les organisations armées à Gaza...
Israël, l'Occident et certains pays arabes qui croyaient avoir divisé et presque neutralisé la résistance palestinienne ont découvert, à travers cette offensive, que celle-ci est encore vivace et qu'elle est plus puissante que jamais. En même temps, l'unité des Palestiniens n'a jamais été aussi forte. C'est dans ce sens que le secrétaire général du Hezbollah a déclaré, dans son discours : « Je suis sûr que certains dirigeants arabes sont en train de contacter le Premier ministre israélien pour lui demander de poursuivre l'offensive... » Mais en remettant ainsi le Hamas et les autres organisations palestiniennes dans le giron de « l'axe dit de la résistance », Nasrallah a aussi réaffirmé que cet axe, que l'on croyait détruit, existe encore, et de plus, il est en mesure de remporter des victoires. En même temps, il a indirectement porté un coup aux tentatives d'allumer la discorde entre les sunnites et les chiites en ramenant le Hamas et les autres organisations palestiniennes (sunnites) sous la houlette de l'Iran qui reste le pivot de l'axe dit de la résistance. Certes, le conflit est ouvert et la bataille n'est pas terminée, mais dans son discours, Nasrallah a voulu replacer les événements dans leur contexte véritable : il y a d'abord Israël qui occupe la Palestine et veut s'imposer en effritant la région et en créant des entités confessionnelles hostiles entre elles à la place des États actuels, cet Israël-là étant appuyé par l'Occident et certains régimes arabes ; et face à eux, il y a les résistants et tous ceux qui défendent le tissu social et confessionnel, et donc aussi les droits des Palestiniens.
À Gaza, à Mossoul, à Maaloula, au Yémen, en Libye et partout dans le monde arabe, le combat est le même, mais il prend parfois différents aspects et des formes particulières.
Déjà, l'arrivée...
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En décembre 2012, l’aviation syrienne bombarde le camp palestinien de Yarmouk provoquant un déplacement massif de population .Celle-ci s’oriente vers les pays voisins, souvent déboutée aux frontières, faute de documents de voyage. Seul les plus démunis, 45 000 sur 250 000 personnes, demeurent dans le camp. Le Régime piétine et n’arrive pas à s’emparer du camp acquis aux rebelles .le siège devient une arme de guerre : par un contrôle strict des denrées alimentaires il va imposer une sanction collective à l’ensemble de la population civile accusée de complicité .Le siège se durcit en juillet 2013.Un slogan est alors affiché par le régime à l’entrée du camp .Il renseigne les habitants sur leur destinée : « La faim ou la reddition ». Près de 3000 Morts palestiniens (données UNWRA), dont de nombreux enfants seront comptabilisés à L’issue du drame. Le Hezb et ses alliés Mollah Iraniens témoignent a nouveaux leur sympathie au peuple palestinien dans l’imbroglio de Gaza. Pourtant Dans l’épisode Yarmouk il y a encore moins d’un an le Hezb tenait le rôle de Bourreau. Partie intégrante de la Chabiha, il organisait la torture et l’exécution de prisonniers ALS et palestiniens. Sa présentation sans ambigüité de cette nouvelle donne, et la dénégation du passé, laissent perplexe les habitant de Gaza qui s’interrogent sur ce que seraient les contreparties et conséquences à saisir cette main tendue de leur Ex-tortionnaires.
ANDRE HALLAK
17 h 45, le 30 juillet 2014