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Liban - Témoignages

Loin de Daech, les réfugiés irakiens surmontent leurs difficultés grâce au clergé libanais

« J'ai hâte de retourner dans mon pays, ma ville, ma maison. Mais cela reste entre les mains de Dieu ».

Les jeunes Irakiens au sortir de la messe présidée hier par Mgr Kassarji, le chef de la communauté chaldéenne au Liban. Photo Hassan Assal

Mgr Michel Kassargi, chef de la communauté chaldéenne au Liban, a présidé hier une messe en l'évêché chaldéen de Brasilia dédiée à la paix en Irak, surtout dans la cité de Mossoul, épicentre des exactions de l'État islamique contre les chrétiens dans ce pays. Plusieurs personnalités libanaises ont assisté à la cérémonie, entourant ces familles venues de Bagdad et de ses environs, et qui priaient pour leurs coreligionnaires toujours menacés.

« Ils ont commencé par menacer mon fils, qui travaille comme garde du corps auprès d'un ministre irakien. Au téléphone, on lui a à peine laissé le choix : soit il démissionne de son poste, soit ils le tuent », raconte à L'Orient-Le Jour Mme Sabah, une réfugiée qui est à Beyrouth depuis quatre ans, originaire du quartier d'al-Zaafarani, pas loin de Bagdad. « Nous avons commencé par envoyer nos enfants aux États-Unis, chez nos proches. La Syrie était en pleine guerre civile, donc notre seul choix, mon mari et moi, était de prendre l'avion pour le Liban. Le danger était réel, nous avons assisté à plusieurs attentats... », se souvient la femme âgée d'une quarantaine d'années.

(Témoignages : A Mossoul, les jihadistes s'emparent même des boucles d'oreilles des fillettes chrétiennes...)


Précisant que la plupart des réfugiés habitent les quartiers de Bauchrieh et Ras el-Dekouaneh, un périmètre où se regroupent les églises chaldéennes, elle continue sur sa lancée : « Depuis que le président Saddam a été renversé, nous subissons régulièrement ces menaces terroristes qui se concrétisent souvent. » Qui vous menace? « Je ne m'intéresse pas à la politique, je ne sais pas qui organise ces attentats, mais ils existent et deviennent de plus en plus nombreux. » Et la seule fois où son mari a pris la parole, c'est pour déclarer qu'il ne s'attendait pas à ce qu'ils puissent retourner en Irak de sitôt, ce qui semble être le souhait le plus cher de son épouse. « J'ai hâte de retourner dans mon pays, ma ville ma maison. Mais cela reste entre les mains de Dieu. » Interrogée à propos des menaces actuelles, elle a précisé que les chrétiens de Bagdad commencent à avoir peur de finir comme leurs coreligionnaires de Mossoul... Mais elle assure qu'ici, ils ne font face à aucune menace et se sentent en pleine sécurité.

Des vagues de réfugiés...

Les témoins interrogés par L'Orient-Le Jour ont tous étalé leur gratitude envers les Libanais, les ONG (surtout Caritas) et le gouvernement qui les a accueillis. Leur vie quotidienne dépend de ces aides, surtout qu'ils trouvent le pays assez cher : « C'est hors de prix et il nous est difficile de subvenir à nos besoins », se plaignent-ils, évoquant notamment la difficulté de payer le loyer qui s'élève parfois jusqu'à 500, voire 600 dollars par mois pour un simple appartement formé d'une chambre à coucher et d'une grande salle commune. En 2011, les familles arrivaient petit à petit, au rythme de deux à trois familles par mois. En ce moment, le nombre est tellement décuplé que l'on peut presque parler de vagues de refugiés.

(Lire aussi : « Dégagez de Mossoul, chrétiens ! » : Le fabuleux retour au désert d'Ahmad Sarraf...)

Le père Youssef Denha poursuit un master en matières religieuses à l'Université de La Sagesse. C'est lui qui est en charge des familles chaldéennes auxquelles l'évêché vient en aide.
« On compte entre 450 et 500 familles chaldéennes au Liban, dont 134 arrivées à Beyrouth depuis janvier 2014, toutes inscrites et concentrées dans les régions de Jdeidé et Dékouaneh, avec quelques exceptions à Sin el-Fil et Jounieh. » Le P. Denha assure que tous ces individus sont enregistrés et déclarés auprès des autorités libanaises, et que chaque famille qui arrive au Liban avertit l'évêché. Le prêtre leur rend visite et s'enquiert de leurs besoins et de leur statut.
« Nous avons demandé aux Nations unies d'inclure les Irakiens dans leur accord avec les hôpitaux qui se chargent de l'hospitalisation des réfugiés syriens, mais nous n'avons toujours pas reçu de réponse », dit père Denha, en insistant sur le fait que ce problème s'aggrave de jour en jour. Il tient en outre à préciser que « toutes ces familles ont un toit pour vivre : nous ne risquons pas d'avoir recours à des camps pour absorber le flux ».

Des crimes « atroces »

Quid de leur sécurité ? « Nous avons fait face à certains cas exceptionnels, des confrontations avec des Libanais, mais cela est très rare. Nous ne nions pas que nos protégés ont commis quelques fautes. Heureusement les forces de sécurité locales coopèrent avec chaque personne portant sur elle les papiers d'identité remis par l'évêché. Nous arrivons à régler ces problèmes et je suis moi-même intervenu à plusieurs reprises avec les autorités », a-t-il indiqué, saluant leur empathie à l'égard de sa communauté.
Interrogé sur leurs activités, et notamment celles des jeunes, il a écarté le risque de toute occupation illégale. « Il est vrai que la plupart des réfugiés ne sont pas qualifiés, et qu'il est même difficile de leur débrouiller des postes simples, concierges par exemple, mais nous assurons des cours d'éducation religieuse à nos jeunes et faisons tout le possible pour les éloigner de la rue », a-t-il tenu à répéter.

Concernant la situation en Irak, le P. Denha assure que tout ce qui est dit à propos des exactions de l'EI est « malheureusement » vrai. « Des crimes atroces sont commis chaque jour », renchérit-il, affirmant toutefois qu'il attend la fin de ses études pour y retourner : « C'est mon pays, c'est ma maison, et je ne suis pas près d'en être chassé. Cette décision est beaucoup plus difficile pour les familles, surtout celles aves enfants, mais je conseille à tous les émigrés de revenir en Irak pour le défendre, et protéger la communauté chrétienne. Je suis prêt à aider chaque individu à résister et lui fournir tout soutien possible », conclut-il, les yeux brillants de détermination...


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