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Liban - Parlement

Les députés stigmatisent à l’unisson le mutisme général face aux drames de Gaza et des chrétiens d’Irak

Les différents blocs parlementaires ont participé, samedi, à la séance plénière convoquée par Berry pour exprimer la solidarité de la Chambre avec la population de Gaza et les chrétiens d'Irak et de Syrie.

Le chef du Courant patriotique libre, le député Michel Aoun, prononçant son allocution à la Chambre. Photo Sami Ayad

Cela peut paraître paradoxal, mais le Liban n'en est pas à un paradoxe, à une anomalie près... Depuis l'indépendance de 1943, voire depuis la proclamation du Grand Liban en 1920, le dossier de la politique étrangère a constitué l'une des principales pommes de discorde entre Libanais. Mais samedi, tous les blocs parlementaires, de tous les horizons politiques, se sont retrouvés en séance plénière, place de l'Étoile, pour adopter un même discours unifié concernant deux développements d'une brûlante actualité dans la région. Ils ont condamné ainsi à l'unisson l'attaque israélienne contre Gaza, ainsi que les exactions et les menaces proférées par l'organisation fondamentaliste Daech contre les chrétiens de Mossoul, et les chrétiens d'Irak et de Syrie d'une manière générale.
Le paradoxe ne se limite pas cependant à ce seul positionnement portant sur des questions à caractère régional. Il s'étend aussi à un problème d'ordre interne non moins stratégique et crucial qui reflète une contradiction profonde dans l'attitude de certains députés chrétiens, plus précisément ceux du bloc aouniste du Changement et de la Réforme. Comment expliquer, en effet, que ces derniers aient assisté à la séance de samedi pour exprimer leur soutien ferme à la cause des chrétiens d'Orient alors que, depuis avril dernier, ils torpillent systématiquement les réunions parlementaires consacrées à l'élection du seul président chrétien du monde arabe ? Comment ces députés peuvent-ils justifier leur enthousiasme à défendre la présence et la dignité des chrétiens d'Orient – allant même jusqu'à arborer des tee-shirts dans ce sens – alors que, dans le même temps, ils contribuent à affaiblir et à marginaliser la plus haute fonction dévolue aux chrétiens du Liban qui, de l'avis unanime, constituent la pierre angulaire, l'épine dorsale, de toute la présence chrétienne dans la région ?
Sans évoquer explicitement ce paradoxe, le député Georges Adwan a fait allusion, samedi, à la campagne menée par certains milieux chrétiens qui ont adopté comme sigle la lettre « N » en arabe (pour « nassara », c'est-à-dire chrétiens). M. Adwan a relevé à ce propos que « les chrétiens ne sauraient se résumer à une lettre du fait qu'ils ont été les précurseurs de la langue et de l'alphabet » dans cette région.
Il convient de relever dans ce contexte que les députés du 14 Mars avaient prévu d'organiser une réunion de solidarité, vendredi dernier, avec les chrétiens de Syrie et d'Irak, et plus particulièrement de Mossoul, mais qu'ils ont annulé la rencontre à la demande du chef du législatif Nabih Berry qui a argué du fait qu'il avait convoqué dans le même but le Parlement à une réunion extraordinaire de solidarité, samedi. Cette séance plénière était donc consacrée exclusivement à la situation des chrétiens d'Irak et de Syrie, mais aussi au cas de Gaza, qui continue d'être la cible d'attaques et de bombardements israéliens.
La réunion s'est tenue, à midi, en présence des membres du gouvernement, de tous les blocs parlementaires, de l'ambassadeur de Palestine à Beyrouth, Achraf Dabbour, et d'une délégation des différentes organisations palestiniennes.
Au terme de la séance, le Parlement a publié un communiqué dans lequel il exprime la solidarité « totale » des députés libanais avec le peuple palestinien, notamment avec la population de Gaza, face à « l'agression terroriste sanguinaire israélienne ». Rendant hommage à la mémoire des « martyrs du peuple palestinien », le Parlement a réclamé la levée du blocus imposé à la bande de Gaza, ainsi que la libération des détenus palestiniens, « plus particulièrement des députés, et à leur tête le président du Conseil législatif Aziz Doueik et Marwan Barghouthi ». Le communiqué du Parlement réclame en outre que les responsables israéliens soient jugés en tant que « criminels de guerre ». Les députés ont appelé par ailleurs à la formation d'un conseil supérieur arabe qui serait chargé de plancher sur le dossier de la reconstruction de la bande de Gaza et de toutes les régions palestiniennes qui subissent des destructions du fait des attaques israéliennes.
Évoquant d'autre part « les crimes perpétrés par le terrorisme takfiriste (Daech) à Mossoul contre les chrétiens », le Parlement a stigmatisé en des termes très fermes « les opérations de tri démographique et l'exode forcé imposé aux chrétiens, qui sont les habitants premiers de Mossoul et ses environs ». Condamnant les agressions contre « les lieux de culte et contre les propriétés publiques et privées », le Parlement a appelé à « une action internationale efficace pour arrêter ce crime terroriste organisé », mettant l'accent sur la nécessité du retour des déplacés chrétiens à leur foyers en leur assurant la protection nécessaire.
Le communiqué des députés réclame aussi que « les criminels de guerre takfiristes soient jugés sans délai », ajoutant que le crime dont se rendent coupables les organisations extrémistes à l'égard des chrétiens « ternit l'image de coexistence en Orient ». Les parlementaires invitent dans ce cadre les « instances religieuses chrétiennes et musulmanes à faire face à ces opérations (de nettoyage ethnique) qui portent atteinte à la religion et l'exploitent en vue de la conquête du pouvoir ». En conclusion, le Parlement exhorte « le Conseil de sécurité de l'Onu, l'Organisation de la conférence islamique, la Ligue arabe, ainsi que toutes les organisations internationales, arabes et islamiques à agir en toute urgence afin d'empêcher ces groupes (extrémistes) de poursuivre leurs crimes, notamment pour ce qui a trait à l'exode forcé ».

Les allocutions
Au début de la séance plénière, les députés ont observé une minute de silence à la mémoire de l'ancien député et Premier ministre Rachid Solh, du député Michel Hélou, de l'ancien député Manuel Younès et des victimes des bombardements de Gaza.
Premier à prendre la parole, le chef du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun, a dénoncé « la guerre d'extermination menée par Daech à Mossoul contre les chrétiens chaldéens, syriaques et assyriens ». « Mossoul a été vidée de la composante araméenne qui était à la base de la civilisation » de la région. « Si les agissements meurtriers israéliens ne sont pas surprenants en raison de la nature sanguinaire d'Israël depuis sa fondation, ce qui est par contre surprenant, c'est le parallèle entre le comportement d'Israël à Gaza et celui de Daech à Mossoul et à Raqqa » (en Syrie), a souligné le général Aoun.
Le chef du bloc parlementaire du courant du Futur, Fouad Siniora, a souligné que « ce que Daech accomplit, que ce soit contre les musulmans ou contre les chrétiens, est totalement étranger à l'islam ». « Durant la crise qu'a traversée l'islam, les chrétiens et les musulmans ont agi ensemble pour donner naissance à une grande civilisation en Orient et en Andalousie, a déclaré M. Siniora. Leur dignité (des chrétiens), leur croyance et leurs églises étaient préservées dans le cadre d'un ordre global (...). À l'époque moderne, chrétiens et musulmans ont lutté ensemble pour se libérer du colonialisme (...). Nous tous dans le monde arabe, chrétiens et musulmans, nous sommes pris en tenaille entre l'oppression et l'extrémisme, qui s'alimentent l'un l'autre. L'oppression en Irak, en Syrie et en Libye a donné naissance à l'extrémisme ».

Appel à un essor islamique
Après avoir souligné que les peuples palestinien et irakien n'auraient pas enduré les épreuves auxquelles ils sont confrontés s'ils avaient bénéficié d'un État « fort et équitable », le chef du bloc du Futur a déclaré : « Face à l'ampleur de ce que nous subissons, nous estimons que la formule de vivre-ensemble entre chrétiens et musulmans adoptée par les Libanais, et qui a été développée par l'accord de Taëf, constitue le meilleur modèle de coexistence au sein d'une société pluraliste. » Après avoir souligné la nécessité de consolider la solidarité entre chrétiens et musulmans, M. Siniora a appelé à un « grand essor islamique susceptible de présenter une vision éclairée et modérée, fondée sur la tradition de l'histoire, sur le vécu du présent et les aspirations pour l'avenir ». « L'essor religieux, a-t-il souligné, doit faire face aux courants fanatiques et violents qui agissent au nom de la religion. » En conclusion, le chef du bloc du Futur a exprimé sa solidarité totale avec le peuple palestinien.
Le député Michel Moussa (bloc de Nabih Berry) a réclamé une mobilisation de tous les moyens gouvernementaux et parlementaires pour fournir une aide sociale et médicale à la population de Gaza et consolider « le droit à la vie à Mossoul et sa région ».
M. Marwan Farès (Parti syrien national social, PSNS) s'est déclaré confiant dans la capacité du peuple palestinien à « empêcher Israël d'atteindre ses objectifs ».
Le député Ali Fayyad (Hezbollah) a affirmé que « l'expérience de Gaza a prouvé que l'ennemi n'est pas en mesure d'imposer ses conditions du fait que les équations ont changé ». « C'est la résistance qui impose les équations au Liban et en Palestine », a déclaré Ali Fayyad.
M. Ghazi Aridi (PSP) a dénoncé les tentatives de « modifier le visage de cette région afin qu'elle soit faible et qu'elle soit incapable d'aller de l'avant ». « Toute atteinte portée aux frères chrétiens est une atteinte à la diversité dans la région », a-t-il affirmé.

Adwan et Chamoun
Le vice-président des Forces libanaises, Georges Adwan, a dénoncé « le comportement raciste et la spoliation du droit humain qui visent la population de Gaza et les chrétiens de Mossoul et d'Irak ». « Dans les deux cas, il y a atteinte à la dignité de l'homme », a déclaré M. Adwan qui a déploré dans ce cadre « le mutisme du monde occidental et les divisions de la société arabe ». Le député FL a stigmatisé « la guerre barbare menée par Israël contre les enfants, les femmes et les personnes âgées, au sein de la population de Gaza et de Palestine », ainsi que l'action sauvage de Daech contre les chrétiens, « qui est totalement étrangère à l'islam ».
Prenant la parole en son nom et au nom du ministre Boutros Harb, le député Dory Chamoun a exprimé sa solidarité avec le peuple palestinien. Abordant ensuite la situation des chrétiens de Mossoul, il a déclaré : « La protection des chrétiens d'Irak et de Syrie ne saurait être assurée en les faisant vivre dans un sentiment constant de peur ou en liant leur sort à celui de régimes dictatoriaux, ou aussi en menant des campagnes de solidarité. Ce dont ont besoin les chrétiens d'Irak et de Syrie, c'est de faire face au terrorisme et à l'extrémisme. Ce dont ils ont besoin, c'est l'édification d'un État démocratique garant des intérêts de toutes les composantes de la population, un État qui soit issu de la libre volonté du peuple. »

Hout et la solidarité islamo-chrétienne
Quant au député Imad el-Hout (Jamaa islamiya), il a déclaré : « En nous solidarisant avec le peuple palestinien, nous nous solidarisons avec une cause sacrée. Et en nous solidarisant avec les chrétiens d'Irak, nous nous solidarisons avec nous-mêmes sur un double plan. Au niveau national, d'abord, en restant attachés au Liban message, le message du vivre-ensemble que nous voulons répandre et non pas réduire.
La séance parlementaire a été clôturée par une intervention du Premier ministre Tammam Salam qui a souligné que « face à la tuerie qui vise le peuple palestinien, le Liban ne saurait être neutre ». Stigmatisant « la barbarie israélienne en Palestine », M. Salam a pressé les Nations unies de mettre un terme à son « impuissance face à Israël ». Le Premier ministre s'est élevé par ailleurs contre « la vague obscurantiste qui vise les chrétiens de Mossoul et qui les pousse à l'exode forcé ». « Nous au Liban, pays de la coexistence islamo-chrétienne, nous nous devons de stigmatiser haut et fort de tels agissements », a souligné M. Salam.

M. T.

Cela peut paraître paradoxal, mais le Liban n'en est pas à un paradoxe, à une anomalie près... Depuis l'indépendance de 1943, voire depuis la proclamation du Grand Liban en 1920, le dossier de la politique étrangère a constitué l'une des principales pommes de discorde entre Libanais. Mais samedi, tous les blocs parlementaires, de tous les horizons politiques, se sont retrouvés en séance...

commentaires (5)

UN CARDINAL DU NOM DE "BARBARIN"... RIMANT À MERVEILLE AVEC L'AUJOURD'HUI... INVITE LES CHRÉTIENS D'IRAQ À VIVRE EN IRAQ ! RÉPONSE : ALLEZ, DONNEZ L'EXEMPLE BIEN CHER CARDINAL... RISQUEZ VOTRE PEAU ET VOTRE TÊTE...

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 48, le 29 juillet 2014

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Commentaires (5)

  • UN CARDINAL DU NOM DE "BARBARIN"... RIMANT À MERVEILLE AVEC L'AUJOURD'HUI... INVITE LES CHRÉTIENS D'IRAQ À VIVRE EN IRAQ ! RÉPONSE : ALLEZ, DONNEZ L'EXEMPLE BIEN CHER CARDINAL... RISQUEZ VOTRE PEAU ET VOTRE TÊTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 48, le 29 juillet 2014

  • Et tous les vrais Libanais stigmatisent à l’unisson le mutisme général des dirigeants libanais face aux problèmes libanais.

    Robert Malek

    11 h 22, le 29 juillet 2014

  • FRAPPÉS PAR LES MILLE MORTS DE GAZA.. ET CHOQUÉS, PAR L'EXODE DES 35000 CHRÉTIENS DE MOSSOUL... MAIS NON PAR LES 170000 MORTS... LES CENTAINES DE MILLIERS DE BLESSÉS ET LES MILLIONS DE REFUGIÉS D'À CÔTÉ... OU : L'ABRUTISSEMENT SYNONYME D'HYSTÉRIE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 01, le 29 juillet 2014

  • La séance parlementaire a été clôturée par une intervention du Premier ministre Tammam Salam qui aurait du souligner que face à la tuerie qui vise le peuple syrien Sain, le Liban ne saurait être neutre en prônant sa fameuse "distanciation" bidon. Et devait plutôt stigmatiser la barbarie bääSSyrienne en Syrie et presser les Nations unies de mettre un terme à son impuissance face à ce régime bääSSyrien !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 12, le 28 juillet 2014

  • Il aurait mieux fallu à ce "Parlement!" de publier un communiqué dans lequel il aurait plutôt exprimé la solidarité totale des "députés libanais?" avec le seul peuple syrien Sain, notamment avec face à l'agression terroriste sanguinaire bääSSyrienne. Et rendre surtout hommage à la mémoire des martyrs du peuple syrien Sain et réclamer la libération des détenus libanais dans les geôles bääSSyriennes. Il devait plutôt réclamer que ces responsables bääSSyriens soient jugés en tant que "criminels de guerre". Ces "députés" auraient dus appeler par ailleurs à la formation d'un conseil supérieur arabe qui serait chargé de plancher sur le dossier de la reconstruction de la Syrie et de toutes ses régions qui subissent des destructions du fait des attaques bääSSyriennes aux barils. Ce "Parlement" aurait du stigmatiser aussi en des termes très fermes les opérations de tri démographique et l'exode forcé imposé aux non-älaouites qui sont les habitants 1ers de la Syrie. Et appeler à une action internationale efficace pour arrêter ce régime terroriste, tout en mettant l'accent sur la nécessité du retour des déplacés syriens à leur foyers.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 03, le 28 juillet 2014

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