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Flirter sur le Web, boîte à fantasmes ou bouée de sauvetage ? - Société

Flirter sur le Web, boîte à fantasmes ou bouée de sauvetage?

Il est de plus en plus courant pour des couples d'entretenir une relation amoureuse sur Internet. Les histoires d'amour « électroniques » se nouent rapidement, mais souvent tournent court quand la réalité s'impose. Fléau moderne pour les uns, exutoire à fantasmes pour les autres, les relations virtuelles ne sont plus exceptionnelles. Peuvent-elles mettre à rude épreuve la stabilité des couples ?

Sur les réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp, Skype, de nouvelles amitiés se forment, des idylles naissent. Certains s'en méfient ! Ces relations virtuelles en augmentation et en plein essor mettent-elles en péril l'équilibre des couples qui s'y adonnent ?

Comment une chose à première vue aussi banale et inoffensive qu'un ordinateur dans un salon peut-elle constituer un danger ? Pianoter des mots doux sur Internet, chatter avec une vague connaissance peut-il être assimilé à un adultère ? Entre partisans et opposants, le débat est lancé : chatter, est-ce tromper ? Voilà un sujet qui enflamme, passionne et divise. Une question épineuse et cruciale s'impose : est-ce qu'une relation « amoureuse » commence quand deux corps se rencontrent, se touchent, ou quand deux personnes s'écrivent, pensent l'une à l'autre ?

Le point avec Claude Ghorayeb, psychothérapeute et professeur assistant à l'Université libanaise et à la faculté des lettres et des sciences humaines. « Nombreux sont ceux qui considèrent les aventures amoureuses » en ligne « comme des infidélités, même sans rencontres réelles. Une liaison émotionnelle quoique sans rapports sexuels peut être tout aussi dommageable pour le couple, d'autant plus que derrière l'écran, les préjugés embarrassants sont habituellement bannis et les confidences généralement bien accueillies. Les écarts virtuels seraient ainsi aussi néfastes que les aventures extraconjugales. Certains vivent très mal cette situation jusqu'au point d'envisager la fin du couple ».
« Les femmes souvent plus sensibles à de telles conduites parlent de tromperie, précise la psychothérapeute. Quant aux hommes, eux, ils sont plus jaloux en cas de suspicion d'un passage à l'acte. D'autres "participants" n'y voient aucune forme de trahison, évoquent une simple amitié et refusent de parler d'infidélité tant qu'il n'y a pas de véritable relation sexuelle. »

Les réseaux sociaux : lieu où la sexualité se débride

La drague sur le Web, les inconvenances de conduite « en ligne » sont de plus en plus fréquentes, même s'il est difficile d'établir des statistiques fiables. Avec Internet, le phénomène explose. Que cherchent les adeptes de rencontres virtuelle ? À remplir un vide dans leurs relations sexuelles non satisfaisantes ? En s'évadant de son couple par l'imaginaire et non par une infidélité réelle, cherche-t-on à combler un fossé dans la vie affective ?

« En alliant les qualités du partenaire habituel à celles des amis virtuels, ce compromis psychologique permettra de trouver un certain équilibre », explique Claude Ghorayeb. « Les relations » imaginaires « deviendront dès lors une sorte de bouée de sauvetage ». Signe d'un malaise au sein du couple, bouffée d'oxygène ou simple exutoire à fantasmes ?
« Certains répondront que le virtuel étant un activateur de fantasmes, on peut aisément le préférer à la réalité, moins "perméable" aux désirs. Ainsi, nombreux sont les couples qui tirent du plaisir de ces dialogues "en ligne" excitants et stimulants sexuels. » Et la psychothérapeute d'ajouter : « Nombreuses sont les causes du succès d'Internet et de ses réseaux sociaux. Ils permettent de dépasser l'angoisse du premier contact, de la première approche. Dialoguer par clavier interposé permet de surmonter une certaine réserve, d'aller loin dans l'expression de soi. C'est indéniable. À l'époque du virtuel, la sexualité se débride. Même les plus timides, les complexés ont leurs chances. Se lâcher sur Internet est certainement plus facile, plus commode. Il ouvre bien des espaces interdits. Par ailleurs, la relation physique n'est en aucun cas une obligation.

Le choix existe. Certains se contenteront de draguer sur le Web, alors que d'autres passeront à l'acte dans ce "harem" virtuel ! Le Web permet aussi aux amants de garder la proximité en dépit des distances (24 heures sur 24), et offre tout autant l'occasion de laisser à l'autre un petit mot doux sans le perturber dans ses activités. Mais l'intérêt principal reste la possibilité de se connaître avant de se rencontrer, inversant ainsi l'ordre naturel des choses. On ne décide de voir l'autre que si l'on juge qu'on a suffisamment d'affinités à partager. »

Une révolution pour toutes les générations

Faire la cour sur Internet a supplanté la drague dans la rue. Pour les jeunes, aborder une fille de cette façon est révolu ! « C'est incertain comme méthode, explique Roland. Le Web est plus efficace. On peut chatter avec plusieurs filles en même temps et à tout moment. »
Une autre génération a vu sa vie sexuelle bouleversée totalement. « On n'est nullement enfermé dans son âge, confie Charles, 64 ans. L'anonymat que procure Internet protège. On est à l'abri du verdict "du nombre des années" et on peut n'importe quand prendre le train en marche de l'amour et de la sexualité. » Toutefois, si Internet présente de nombreux profits, il ne faut pas perdre de vue qu'il est tout autant source de difficultés relationnelles, de liaisons dangereuses. Combien ne se plaignent-ils pas du temps démesuré que l'autre passe accroché à son écran, que ce soit pour terminer un travail, pour des échanges avec des amis, pour des jeux, voire pour des activités « coquines » ?

Victime d'un amour virtuel

Samir, 39 ans, a trompé sa femme. « J'ai honte de le dire, parce que je l'aime profondément. Ce que je ressens pour ma femme est doux, profond, sérieux, c'est un amour solide que rien ne peut ébranler. Je passerai toute ma vie avec elle, cela ne fait pas de doute. Cela n'a rien à voir avec la folie qui s'est emparée de moi récemment, lorsque j'ai commencé à flirter avec une autre femme sur le Web. Au début, c'était juste un jeu, pétillant et sans danger. Je dominais parfaitement la situation. D'ailleurs, ce n'était pas la première fois que je jouais à séduire, c'est tellement excitant. Ça me rassure de sentir que je peux plaire aux femmes. Mais cette fois, je suis comme envoûté. J'ai perdu le contrôle. Cela m'enchante et me torture à la fois. C'est une vraie drogue. Je me dis que je devrais arrêter, mais c'est la passion qui me ravage. Je fais très attention à ce que mon épouse ne découvre rien. J'efface toute trace, mais je me sens de plus en plus mal. L'idée de mener une double vie me pèse, mais en même temps, je découvre que c'est terriblement attirant. »

« De cette manière, Internet peut devenir un véritable piège, signale Claude Ghorayeb. C'est le revers de la médaille. Bien souvent, la proximité virtuelle, les messages charmeurs et enjôleurs peuvent déboucher sur des relations fusionnelles. Mais aussi, en cas de rencontre effective, les déceptions peuvent être aussi fortes que les espérances. Les "amours virtuelles" renforcent la nature irréelle de la relation et risquent de maintenir les partenaires dans une idéalisation de l'autre. Elles sont synonymes de confort pour leurs adeptes, tout d'abord par le choix du partenaire présélectionné sur la base de critères bien définis, ensuite par la nature temporaire de la relation qui n'existe finalement que durant le temps de connexion. Une fois l'ordinateur éteint, la personne reprend et continue seule le cours de sa vie, déclenchant une activation de l'angoisse de la perte de l'autre, de l'appréhension du vide. »

Et la psychothérapeute d'attirer l'attention sur la nécessité de « plonger rapidement dans le réel, afin d'éviter le risque des fausses illusions. La facilité des échanges virtuels ne se reproduisant pas toujours dans le concret, délicat est le moment où les partenaires se retrouvent face à face. Les déceptions s'implantent souvent quand la personne ne correspond pas à l'image qu'on s'était construite. Par ailleurs, l'accès facile aux images pornographiques est regrettable. Le modèle de sexualité qui transparaît sur l'écran peut se révéler néfaste : le désir y est généralement automatique. L'autre est forcément disponible, la relation sexuelle est présentée sous le mode de la performance, et le plaisir est toujours au rendez-vous. Cela ne correspond pas nécessairement au vécu quotidien de la plupart des couples. Insatisfactions et désillusions risquent fort d'être à l'honneur ». Il n'en reste pas moins que de nombreux couples se forment aujourd'hui par cet intermédiaire, et rien ne prouve qu'ils soient plus fragiles ou plus vulnérables que d'autres.


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