Rechercher
Rechercher

Au nom de la loi

Il aura fallu que près de dix années s'écoulent depuis le départ des troupes syriennes pour que l'on s'avise enfin de débarrasser le pays – en théorie du moins – d'un des vestiges les plus odieux de l'ère de l'occupation, à savoir le règne des services secrets multipliant à leur guise interpellations et détentions, perquisitions et tortures.

Tout cela se déroulait dans le plus grand mépris des libertés publiques, l'argument sécuritaire servant d'alibi à l'arbitraire, à l'injustice et à l'oppression. Tout un chacun était alors à la merci de l'une ou l'autre de ces officines, étroitement contrôlées par les Moukhabarat syriens, ou bien alors du premier délateur venu, indic recruté dans les bas-fonds de la pègre ou simple voisin malveillant. De la sorte ont été arrêtés, et souvent livrés à l'occupant pour être déportés en Syrie, des centaines de Libanais. De cette collaboration active demeurée largement impunie après la libération, les pathétiques, les vaines manifestations des familles des disparus sont seules hélas à rappeler le honteux souvenir.

Dès lors, et pour tardive qu'elle soit, la décision du gouvernement de proscrire toute arrestation non assortie de mandats légaux, et cela sur proposition du tandem Intérieur-Justice, est plus que bienvenue, et cela d'autant qu'elle a été adoptée à l'unanimité jeudi. Est-ce à dire qu'au spectacle du sanglant chaos de Syrie, d'Irak et de Palestine, les diverses parties politiques représentées au pouvoir sont toutes gagnées désormais à la primauté absolue de la loi, laquelle garantit la sécurité individuelle et publique plus sûrement que ne pourraient le faire les arsenaux des milices ? Il faut l'espérer. Et c'est plutôt de patience qu'il faudra s'armer, car le chemin demeure bien long vers cet État de droit auquel aspirent, dans leur écrasante bien que silencieuse majorité, les Libanais.

Il y a fort à faire en effet pour unir dans une même et solidaire allégeance à l'État, et rien qu'à l'État, les multiples agences sécuritaires du pays, lesquelles passent en effet, aux yeux de l'opinion, pour obéir trop souvent à des préoccupations sectaires. Et il y a autant à faire pour redonner du lustre à une magistrature qui n'a pas toujours échappé à la plaie du clientélisme politique et communautaire affectant la quasi-totalité de la fonction publique, y compris l'Université libanaise, où seul un laborieux compromis entre parrains a enfin permis, ce même jeudi, la formation du conseil des doyens.

En dernière analyse, c'est à l'incontournable astreinte d'impartialité que devront se plier ces deux bras de l'État de droit que sont la force publique, dans ses divers rouages, et l'appareil judiciaire. La première est tenue de faire montre de la même vigilance, diligence, rigueur, face aux contrevenants, auteurs de crimes crapuleux ou terroristes, à quelque faction ou communauté qu'ils appartiennent. De même, il faudra bien que la justice, censée être aveugle, se décide à retrouver l'usage de son légendaire bandeau. Rien n'est plus injuste en effet qu'une justice sélective telle celle des années sombres, une justice frappant de ses foudres l'adversaire politique mais épargnant l'allié, pourtant tout aussi coupable de violences. C'est ce que venait rappeler fort à propos l'anniversaire, hier, de la libération de Samir Geagea, seul de tous les chefs de guerre à avoir expié.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Il aura fallu que près de dix années s'écoulent depuis le départ des troupes syriennes pour que l'on s'avise enfin de débarrasser le pays – en théorie du moins – d'un des vestiges les plus odieux de l'ère de l'occupation, à savoir le règne des services secrets multipliant à leur guise interpellations et détentions, perquisitions et tortures.
Tout cela se déroulait dans le plus...