Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Antoine MESSARRA

II.- Droits de l’homme aujourd’hui : individualisme ou lien social ?

4. Que faire ? Il ressort des interventions et des débats sept perspectives d'action (voir L'Orient-Le Jour du jeudi 24 juillet 2014).
a. Le réservoir culturel : Il s'agit de prendre en considération l'état des mentalités, dans ses aspects négatifs et positifs, en vue de l'inculturation arabe des droits de l'homme, de sorte que « la personne soit l'enjeu du message, principalement en développant l'esprit critique » (Élie Bou Aoun, Liban). Le résidu mental manifeste une dichotomie entre le contenu valoriel de la socialisation à travers les programmes de littérature, de philosophie et d'histoire, tels qu'ils sont enseignés dans les écoles et les universités arabes, et le contenu des formations en droits de l'homme. Les programmes scolaires ne transmettent pas des valeurs humaines, mais plutôt des traditions de force et de violence. Il s'agit de relire le patrimoine arabe, en philosophie, en histoire et en littérature sous l'angle des valeurs humaines. Si on demande à un élève de citer des vers du Mutanabbi, il ne citera que des vers portant sur la violence et la force physique. Or il y a bien d'autres valeurs dans le patrimoine arabe. On soulève aussi des problèmes sur la culture religieuse (Ghassan Moukheiber, Liban) et donc l'exigence de conformité aux normes relatives à la gestion démocratique du pluralisme religieux et culturel.
La plus importante exigence porte sur la relecture de l'histoire du monde arabe et islamique sous l'angle de l'émergence historique du principe de légalité en tant que moyen pragmatique de garantie, et cela à l'encontre des abus du politique et aussi des abus du religieux s'il devient pouvoir, au sens politique, avec donc l'éventualité du recours à la contrainte au nom de Dieu.
b. Enseignement transversal : L'éducation aux droits de l'homme traverse toutes les spécialisations en tant que voie vers la citoyenneté. Les droits de l'homme ne sont pas réductibles à un cursus, mais couvrent toutes les matières et sont inclus dans toutes les lois (Maan Bou Saber, Antonio Bou Kasm, Liban). Ils se proposent la formation intégrale de la personne (Nidal al-Jurdî, Liban). Il est aussi nécessaire que le cursus soit « progressif dès l'école » (Ahmad al-Humaidî, Yémen) et d'avoir pour perspective « l'humanisation de l'enseignement et de l'éducation » (Khulûd al-Khatib, Liban).
c. L'engagement des universités : Il y a un besoin de réhabiliter l'engagement des universités et des universitaires dans la vie publique, à un âge où nous vivons la fin des intellectuels. L'université a-t-elle un rôle dans la décision publique et contribue-t-elle à l'élaboration des normes de la vie commune ? (André Suleiman, Liban). Il faudra cependant distinguer le militantisme de l'engagement actif qui implique une distance critique par rapport aux positions politiques et partisanes. Cela exige la défense des libertés académiques (Ghassan Moukheiber, Liban).
Les élections estudiantines et les violences au sein des universités, et dans des facultés de droit, montrent le faible enracinement des droits de l'homme et de la culture de dialogue et de légalité. Des observations de terrain montrent que des élèves et étudiants arabes apprennent plutôt dans des écoles et des universités l'incivilité.
On insiste sur les libertés académiques. On relève notamment qu'en 24 heures, les 19-20/6/2014, les autorités d'occupation en Palestine ont envahi trois universités : Birzeit, Polytechnique et l'Université arabo-américaine. Des portes ont été enfoncées. Plus de cent militaires, avec des armes sophistiquées, ont envahi les campus, inspecté les locaux et réquisitionné des documents et installations du mouvement étudiant.
d. La culture des devoirs : Tout droit implique un devoir (Maan Bou Saber, Liban). L'exercice du droit d'être électeur implique le devoir de participer au vote. Ne devrait-on pas passer d'une perspective individualiste des droits à une approche globale du droit en tant que lien social ? Des gens aujourd'hui réclament leurs droits, en oubliant souvent les devoirs et leurs devoirs (Maan Bou Saber, Liban).
e. La capacitation : Toute éducation aux droits de l'homme est liée à un processus d'apprentissage concret en vue de passer du savoir au comportement.
f. Du mouvement protestataire à l'action positive et normative : À l'image du mouvement des droits de l'homme dans le monde arabe, image protestataire (Mohammad Ghali, Maroc), il faudra substituer celle de l'action positive et normative avec des observatoires qui recensent ces actions. À travers d'autres genres d'observatoires, des sociétés arabes deviennent des milieux d'incubation et des laboratoires de « pensée et de modèles normatifs » (Jawad al-Nûhî, Maroc).
g. Réseau d'interaction et de suivi : Les participants formeront un réseau d'interaction et de suivi, en vue de la connaissance directe du terrain et l'engagement de nouvelles ressources humaines (Élie Bou Aoun, Liban), avec l'établissement d'une feuille de route arabe (Mohammad al-Ghâlî, Maroc). Dans cette perspective, il s'agit de suivre les mutations, le suivi actuel étant fort insuffisant (Julia Abou Karroum, Liban) et le renforcement de l'interaction avec les universités arabes (Fathi Fikri Muhammad, Égypte) dans un contexte où « la volonté populaire est absente » (Mohammad al-Sayyârî, Tunisie).
Les facultés de droit sont-elles des facultés de loi ou de droit ? Le questionnement découle de la séance d'ouverture du séminaire, inauguré par le président du Conseil constitutionnel, Issam Sleiman, qui souligne que « la démocratie est un système de valeurs à enraciner et consolider, avec comme objectif ultime l'institution d'une Cour arabe des droits de l'homme dans le cadre du développement de la justice constitutionnelle ». Le représentant régional de la Fondation Konrad Adenauer, Peter Rimmele ; Antonio Abou Kasm, représentant du doyen de la faculté de droit de l'Université libanaise ;
le représentant régional du Haut-Commissariat des Droits de l'homme à l'Onu, Nidal al-Jurdi ; le rapporteur de la commission parlementaire des Droits de l'homme, Ghassan Moukheiber, et le coordonnateur du séminaire, Rabih Kays, ont exposé la problématique générale. Les résultats d'une enquête sur l'enseignement des droits de l'homme dans les universités arabes, menée par Khouloud al-Khatib, ont été aussi présentés.

Antoine MESSARRA
Membre du Conseil constitutionnel, professeur

Le texte est un extrait de la conférence de synthèse au séminaire régional arabe organisé au Commodore, Beyrouth, les 20-21/6/2014.

4. Que faire ? Il ressort des interventions et des débats sept perspectives d'action (voir L'Orient-Le Jour du jeudi 24 juillet 2014).a. Le réservoir culturel : Il s'agit de prendre en considération l'état des mentalités, dans ses aspects négatifs et positifs, en vue de l'inculturation arabe des droits de l'homme, de sorte que « la personne soit l'enjeu du message, principalement en...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut