Les idées proposées par l'ancien Premier ministre Saad Hariri dans sa dernière allocution ont quelque peu sorti la scène politique de sa torpeur. La feuille de route en six points du chef du courant du Futur – élection d'un président de la République, formation d'un nouveau cabinet similaire à l'actuel, retrait du Hezbollah de Syrie, mise au point d'un plan de confrontation du terrorisme, élaboration d'un plan d'urgence officiel pour les réfugiés syriens, élections législatives en vertu de la loi – constitue une voie de sortie de la crise politique. Il ne s'agit pas d'une initiative, précisent des sources proches de M. Hariri, mais d'un chemin à arpenter immanquablement pour sortir de la crise en bons termes. Qui plus est, cette feuille de route a été rendue publique à partir de l'Arabie saoudite et reflète donc un climat de soutien du royaume au plan de l'ancien Premier ministre.
Embarrassé par le geste, le 8 Mars considère lui aussi que le plan Hariri ne saurait être considéré comme une initiative. Aucun mécanisme d'application n'est d'ailleurs prévu, estiment des sources proches de l'axe syro-iranien, d'autant que Hariri lui-même se trouve en Arabie. Même si un consensus venait à se dessiner autour de la feuille de route, sa mise en application reste compliquée et nécessite un accord sur les mécanismes à suivre, précisent ces sources.
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Le 8 Mars a du reste peu apprécié, dans l'ensemble, l'attaque menée par le chef du courant du Futur contre Bachar el-Assad ainsi que contre l'ingérence du Hezbollah en Syrie, qui a eu pour effet d'attirer les extrémistes au Liban, selon lui. Pour le front pro-Assad, ces idées n'aident pas à assurer un consensus interlibanais. Du reste, la proposition de former un nouveau cabinet après la tenue de l'élection présidentielle a été lue comme une volonté de l'ancien Premier ministre de parrainer son retour, qui pourrait mener à l'ouverture d'un dialogue avec le Hezbollah similaire à celui qui existe déjà entre le Futur et Amal ou le Courant patriotique libre.
Côté aouniste, justement, l'on remarque que Saad Hariri s'est gardé de parler de sa relation avec le général Michel Aoun, dépassant toute perspective de réponse à la candidature du chef du CPL par un appel à tourner la page de la candidature des pôles chrétiens et à commencer à rechercher un profil consensuel. Selon une source ministérielle, l'ancien Premier ministre a voulu ainsi faire assumer la responsabilité de la vacance aux pôles maronites et laisser entendre que les pôles non chrétiens pouvaient proposer des noms et soutenir Bkerké à cette étape pour pousser le patriarche maronite à enfoncer le clou en direction de la nomination d'un candidat consensuel.
Dans les milieux du Futur, on juge que Saad Hariri a fait preuve de réalisme et d'ouverture envers tous, sans provocations aucune. Il a ainsi réitéré certaines constantes, comme la priorité à l'élection présidentielle, et l'attachement à Taëf et à la parité islamo-chrétienne comme formule politique, sans dérapage vers la démocratie numérique – une formule qui pourrait même être adoptée à l'échelle régionale pour résoudre les problèmes, dans la mesure où elle consacre le partenariat. De même, la déclaration de Baabda pour la neutralité du Liban est devenue un pilier incontournable pour préserver le pays des retombées régionales. Sans oublier, enfin, l'attachement au slogan de la modération sunnite contre l'extrémisme, qu'il convient de combattre à tout prix.
Le patriarche Raï a d'ailleurs rejoint le chef du courant du Futur sur les mêmes positions lorsqu'il a appelé les députés de la nation à se libérer des calculs mesquins, personnels et partiels, et à se réconcilier avec le peuple en élisant un président. Mgr Raï faisait notamment allusion au général Aoun, qui bloque l'élection en provoquant systématiquement un défaut de quorum à la Chambre. Le patriarche maronite a également fait assumer au président de la Chambre Nabih Berry, mais sans le nommer, la responsabilité du blocage du Parlement. Des observateurs estiment que les positions exprimées par le patriarche vont également dans le sens de la fin d'une étape, celle de la candidature des pôles maronites, et marquent le début d'une nouvelle, visant à l'élection d'un président de consensus.
Mais il est également question de séparer la crise libanaise des catastrophes régionales, qui semblent loin de finir. Le conflit régional et international sur la région bat en effet son plein, et le report de l'accord entre l'Iran et l'Occident sur le nucléaire se répercutera encore plus négativement sur la région. Téhéran va en effet chercher, durant la période de grâce des quatre mois, à améliorer ses conditions de négociation en mettant la main sur davantage de cartes à jouer dans la région. C'est sous cet angle qu'il faut reprendre le retour à la surface des houthis au Yémen, l'échec des négociations en Irak, la flambée de violence en Syrie ou encore à la frontière, dans le Qalamoun. Des observateurs avisés ne sont pas sans craindre une escalade encore plus importante sur tous les fronts, surtout qu'une rencontre saoudo-iranienne paraît désormais de plus en plus improbable à l'heure actuelle.
Qu'à cela ne tienne, le plan Hariri a attiré l'attention de la communauté internationale, soucieuse de la stabilité du Liban au vu des développements régionaux, selon des sources diplomatiques. Il s'agit en effet d'une occasion d'isoler la crise libanaise du tumulte régional, qui commence par l'élection d'un président de la République à même de redynamiser les institutions, et de faire face aux défis de l'ère terroriste sous toutes ses formes, à travers un plan d'urgence qui serait appuyé par toutes les parties.
De sources bien informées, les propos tenus par le patriarche Raï dimanche à Annaya en présence de l'ancien président Michel Sleiman sont « fondés sur une dynamique vaticane visant à provoquer l'élection d'un président dans les plus brefs délais, de peur que le vide ne se répercute négativement sur le Liban et sur ses chrétiens ». La France a en effet tenté, à travers ses contacts avec Téhéran et Riyad, d'accélérer un règlement visant à combler la vacance présidentielle pour limiter les dégâts et, partant, protéger le Liban de la tourmente régionale. Les responsables français attendent la réponse iranienne à leur initiative, Paris s'étant rendu compte que c'est au final Téhéran qui bloque l'échéance présidentielle à travers ses alliés locaux.
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commentaires (4)
IL FAUT BIEN QUE TOUS SORTENT DE LEUR ABRUTISSEMENT INNÉ... POUR POUVOIR SORTIR DE LA CRISE !
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
18 h 14, le 22 juillet 2014