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Missiles en tous genres

Ils monopolisent tous deux, en ce moment, les lugubres bulletins de nouvelles. Ce n'est pas là le seul point commun, cependant, entre l'avion de ligne malaysien abattu par un tir de missiles au-dessus de l'Ukraine et le brasier de Gaza. Ici et là en effet, c'est le même mépris de la vie humaine : celle de civils innocents, et notamment d'enfants, impitoyablement broyés par la frénésie guerrière des hommes. C'est aussi l'hallucinante prolifération d'armements de plus en plus sophistiqués dont disposent, de nos jours, un peu partout dans le monde, les organisations, milices, groupuscules, mouvements de résistance et autres combattants pour la liberté, appelez-les comme vous voudrez.

Ce n'est pas la première fois hélas qu'un long-courrier bourré de passagers est pulvérisé en plein vol. Outre les attentats terroristes à la bombe, de telles horreurs ont été plus d'une fois le fait d'États, et non des moindres, affirmant avoir agi par souci maniaque de leur propre sécurité, qu'ils jugeaient menacée. On cite le plus fréquemment, à ce propos, les précédents du Boeing coréen fourvoyé par erreur en 1983 dans l'espace aérien soviétique et du vol d'Iranair descendu en 1988 au-dessus du golfe Persique par un bâtiment de guerre américain. Et on évoque moins souvent, on peut d'ailleurs s'en étonner, celui de la Libyan Airlines abattu en 1973 par la chasse israélienne au-dessus du Sinaï égyptien, encore sous occupation à cette époque.

Sensiblement différent cependant est le cas de l'infortunée compagnie aérienne malaisienne, qui en est à sa deuxième catastrophe majeure en l'espace de quatre mois. Pour le gouvernement de Kiev, la Russie, déjà convaincue d'avoir détruit récemment, à partir de son propre territoire, deux appareils militaires ukrainiens, est plus que jamais, bien sûr, le mal incarné. Mais ce sont les protégés de celle-ci, les séparatistes de l'Ukraine de l'Est dotés à l'en croire de missiles Bouk, qu'il met directement en cause cette fois. Que se trouvent confirmées ces allégations, et l'on serait entré dans une ère nouvelle d'angoisse planétaire : le terrible pouvoir de rayer du ciel un avion de ligne croisant paisiblement à dix mille mètres d'altitude, jusqu'ici réservé aux puissances, pouvant être à la portée, désormais, de forces aussi obscures qu'irresponsables, de non-États plus ou moins contrôlés. Que resterait-il alors de cette sécurité aérienne si indispensable à la vie des nations, à l'ordre international, à la civilisation et qu'empoisonne déjà le fléau terroriste ?

Les grands mots étant lâchés, reste à se demander de quelle civilisation il peut être encore question au spectacle des barbares bombardements israéliens de Gaza, auxquels venait s'ajouter hier une ample offensive terrestre. Quelles valeurs défend donc Barack Obama, le chef de la plus grande démocratie du monde, quand il cautionne objectivement la frénésie criminelle de Benjamin Netanyahu et se contente de déplorer cette tragédie qu'est son effarant bilan ? C'est sur ce point précis que les frustes roquettes du Hamas, qui tiennent sous leur feu désormais toutes les villes israéliennes, peuvent se targuer, elles, de tenir tête à l'oppression. Ce qu'elles viennent rappeler, ces roquettes, c'est qu'aucun occupant ne peut prétendre tout à la fois à la terre des autres et à la sécurité chez soi.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ils monopolisent tous deux, en ce moment, les lugubres bulletins de nouvelles. Ce n'est pas là le seul point commun, cependant, entre l'avion de ligne malaysien abattu par un tir de missiles au-dessus de l'Ukraine et le brasier de Gaza. Ici et là en effet, c'est le même mépris de la vie humaine : celle de civils innocents, et notamment d'enfants, impitoyablement broyés par la frénésie...