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Liban - Société

Le cas des Libanais déplacés de Syrie, un dossier négligé par la communauté internationale

Le Liban accueille plus d'un million de réfugiés syriens pris en charge par l'UNHCR et la communauté internationale. Mais il existe d'autres déplacés dont on ne parle jamais. Il s'agit de Libanais qui vivaient depuis longtemps en Syrie et qui ont été contraints de rentrer au Liban en raison de la guerre. Pauvres parmi les pauvres, ils ne profitent pas de la même aide octroyée aux réfugiés syriens.

L’OIM se charge également du dossier des réfugiés syriens en Allemagne, en coopération avec l’UNHCR.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) est présente au Liban depuis 2006. Elle disposait d'un petit local accueillant surtout les réfugiés irakiens voulant quitter le Liban. Aujourd'hui, avec la crise syrienne, elle dispose d'un siège à Beyrouth et de bureaux dans diverses régions du pays, notamment Kobeyate, Baalbeck, Sarafand et Kab Élias. L'organisation intergouvernementale, qui travaille avec les États et qui est directement affiliée aux Nations unies, œuvre notamment à « préserver la dignité humaine lors du déplacement d'un migrant d'un pays à un autre ».

C'est l'OIM qui s'occupe du dossier des réfugiés irakiens et syriens au Liban, notamment celui du départ des réfugiés syriens vers l'Allemagne, programme mis en place par le gouvernement allemand en coopération avec l'UNHCR. Ces cas sont pris en charge par Pierre King, responsable des opérations de l'OIM.

« Nous travaillons sur plusieurs programmes, notamment celui de l'Allemagne, indique-t-il, mais il existe aussi un programme d'accueil de réfugiés syriens et irakiens en Australie, et dont nous nous occupons. Le pays concerné décide chaque année du quota de réfugiés à accueillir. L'année prochaine, l'Australie pourrait prendre en charge 800 réfugiés syriens. Les États-Unis pourraient accepter, en 2015, d'accueillir 3 000 réfugiés syriens. Les États Unis prennent en charge 70 000 réfugiés chaque année sur le plan international et ils les divisent en quotas », note-t-il.

(Lire aussi: Fin 2014, les réfugiés syriens représenteront plus d'un tiers de la population libanaise)



Le programme humanitaire qui œuvre à accueillir des réfugiés syriens en Allemagne fait donc partie du travail de l'OIM. C'est l'institution qui prévoit l'infrastructure nécessaire à leur départ du Liban. Elle entre en contact avec eux, les accueille à Beyrouth pour les tests médicaux nécessaires et leur affrète des charters afin qu'ils arrivent à destination.

M. King souligne que la première vague de départs pour l'Allemagne touche à sa fin. Une deuxième vague, avec l'accueil de 10 000 réfugiés supplémentaires, devrait être entamée à la rentrée.

Se penchant sur l'historique du bureau à Beyrouth, il note que « jusqu'à l'année dernière, la mission était très restreinte au Liban ». « Nous travaillions sur la relocalisation de réfugiés irakiens se trouvant au Liban, précise-t-il. Nous avons ensuite commencé à aider les réfugiés irakiens qui se trouvaient en Syrie, car l'aéroport de Damas était devenu dangereux. »
Et d'ajouter : « En février 2013, nous avons commencé à faciliter le passage des personnes entre Damas et Beyrouth afin qu'elles puissent quitter le Moyen-Orient. C'était notamment des réfugiés irakiens. Leurs destinations étaient l'Australie, les États-Unis, le Canada et l'Europe. Nous avons aussi contribué au retour dans leurs pays de certains ouvriers qui travaillaient en Syrie et qui étaient originaires des Philippines, du Bangladesh et d'autres pays d'Asie du Sud-Est. » C'était des travailleurs migrants en Syrie. Ils ont quitté ce pays via le Liban, en coopération avec la Sûreté générale et grâce à l'OIM.
« Nous avons donc commencé à faciliter le passage des réfugiés non syriens vers le Liban, pays de transit, en coopération avec la Sûreté générale, et cela en leur assurant des visas et en les accompagnant jusqu'à l'aéroport afin qu'ils arrivent à leur pays de destination », explique M. King.

Les Libanais de Syrie

Angela Santucci est coordinatrice d'urgence de l'OIM. Elle note dans ce cadre : « Nous avons donc utilisé le Liban comme pays de transit, à partir de la Syrie vers d'autres destinations. Depuis février 2013, nous avons aidé plus de 6 000 réfugiés. À partir de juin 2013, nous avons renforcé notre programme d'urgence en travaillant dans le cadre de la structure de l'UNHCR pour venir en aide aux réfugiés syriens. Nous faisons partie du comité du plan de réponse régional à la crise syrienne. Nous sommes présents dans divers secteurs au sein de cette structure interagence, notamment la protection, la santé, le logement, l'eau et l'éducation. »

L'OIM est aussi l'agence mandatée pour prendre soin des Libanais qui retournent de Syrie au Liban. « Ce sont des personnes détenant la nationalité libanaise, mais qui ont passé des dizaines d'années en Syrie, qui travaillaient dans ce pays et qui ont été obligées de le quitter avec la guerre, tout comme les réfugiés syriens », explique Mme Santucci qui souligne à ce sujet : « Quand ces Libanais arrivent dans leur pays d'origine, l'UNHCR ne les aide pas car ils ne sont pas syriens. Ces Libanais reviennent au Liban à cause de la crise syrienne. Techniquement, ils ne sont pas des réfugiés et nous avons réalisé que personne ne s'occupe d'eux. » Et de souligner que « l'OIM a été mandatée pour prendre soin de ces Libanais qui rentrent au pays ». « Nous travaillons dans ce cadre avec le Haut-Comité de secours pour leur venir en aide, ajoute-t-elle. C'est avec le HCS que nous collectons des données et nous enregistrons les Libanais qui retournent au pays. »

(Pour mémoire : Amnesty International : Les réfugiés syriens manquent cruellement de soins de santé au Liban)

Sur ce plan, l'OIM a formé des membres du Haut-Comité de secours afin qu'ils puissent collecter les informations. Une banque de données sera prochainement mise en place. Le HCS coopère avec les municipalités pour entrer en contact avec ces Libanais rentrés de Syrie.
« Selon les données disponibles, le nombre le plus important de ces Libanais rentrés au pays suite à la crise syrienne se trouve dans la Békaa et au Liban-Nord, notamment dans le Akkar, relève Mme Santucci. Il existe une petite poche au Liban-Sud aux alentours de Nabatiyé. Ces Libanais habitent ces localités tout comme les réfugiés syriens, vivant sous des tentes, louant de petites maisons et cherchant de petits emplois. » « La majorité d'entre eux ne retourne pas dans leur famille ou leur village d'origine, dit-elle. Nous avons pu interroger et recueillir des informations au sujet de 18 000 personnes. En 2014, si la situation reste la même en Syrie, leur nombre s'élèvera à 50 000 personnes. »

On ignore de quelles régions libanaises ils sont originaires ; comme les réfugiés de Homs, d'Alep et de Damas, ils viennent de divers horizons et appartiennent à des milieux pauvres. Certains avaient des maisons et des emplois en Syrie.

Nombre d'entre eux ont choisi la Syrie parce qu'ils ont été déplacés durant la guerre du Liban, d'autres encore ont de la famille en Syrie, ou ont fait des mariages mixtes. Selon les profils, ces personnes sont aussi vulnérables et sont autant dans le besoin que les réfugiés syriens, notamment en ce qui concerne l'accès aux services. La priorité pour eux est l'alimentation, la santé et la recherche d'un abri.
«Comme les Libanais ne peuvent pas avoir accès à l'UNHCR, l'OIM, avec divers partenaires, a commencé à les aider, avec le fuel pour chauffage en hiver ou le paiement de quelques loyers. Malheureusement, les fonds manquent horriblement et il est nécessaire de trouver des sources de financement », indique Mme Santucci, lançant un appel à la communauté internationale pour assurer des fonds à ces Libanais réfugiés dans leur propre pays.

L'OIM a effectué, en décembre 2013, une étude pour pouvoir cerner le problème et dresser le profil de ces réfugiés libanais de Syrie.
Samuel Plumbly, chargé des études de terrain à l'OIM, souligne que « ces réfugiés sont des personnes ayant des familles nombreuses ou des hommes seuls ». « La grande majorité des personnes interrogées étaient des travailleurs journaliers présents notamment dans le secteur agricole, indique-t-il. Selon les informations disponibles, ils ont quitté le Liban pour des raisons socio-économiques. Soit ils se sont mariés avec des ressortissants syriens, soit ils sont partis en Syrie à la recherche de travail. »
Il ajoute que « la majorité d'entre eux vivait en Syrie depuis de longues années ». « Près de 62 % ont habité ce pays pendant plus de 20 ans, indique-t-il. Seulement 9 % d'entre eux ont réintégré leur maison d'origine. Environ 40 % sont retournés dans leurs quartiers et villages d'origine et environ 40 % se sont installés dans des régions complètement différentes de celles qu'ils habitaient avant de quitter le Liban. Comme ils vivent en Syrie depuis des décennies, ils se sentent étrangers dans leur propre pays et une majorité projette de rentrer en Syrie à la fin de la guerre. »

Ces Libanais ne disposent pas des mêmes mécanismes d'aide que les réfugiés syriens. « Nous tentons d'aider dans la mesure du possible. Nous avons besoin de partenaires dans ce cadre », souligne en conclusion Mme Santucci.

L'OIM effectue actuellement une deuxième étude concernant ces Libanais afin de mieux les identifier et peut-être, avec l'aide de la communauté internationale, subvenir à leurs besoins.


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