Encore un été où nous nous sentons bien seuls. Les rares touristes, s'ils passent, passent en coup de vent. Il n'y a aucune urgence à visiter, cette année non plus, ce pays qui n'en finit pas de chercher son équilibre en chavirant. Paradoxalement, on n'arrête pas de répéter que « la région est en ébullition ». Pour qu'il y ait ébullition, encore faut-il qu'il y ait eau. Or le ciel lui-même a fermé les deux poings tout l'hiver. Comme au plus fort des années de guerre, nous voilà contraints au rationnement. Si nos souvenirs de pénurie les plus vifs sont généralement liés à la saison estivale, c'est que le manque d'eau et d'électricité est plus dur à vivre par grande chaleur. À cet inconfort s'ajoute la frustration de n'avoir aucun recours. Le Liban politique est un opéra vide où résonne la voix spectrale de quelques fantômes qui se croient vivants. Vingt, trente, quarante ans qu'ils jouent la même partition grinçante. Le public a quitté la salle depuis longtemps, mais qu'importe, ils s'écoutent réciter avec complaisance, se repassent les vidéos, sourient et se trouvent bons.
Il est où, le public ? Où sont ces Libanais qui ont tant espéré un come back, un retour à la vie, sinon flamboyante du moins normale, quand fut annoncée la fin officielle des hostilités ? Ils traînent dans leurs villes assourdies par le vrombissement des citernes et le vacarme des générateurs. Mal rétribués, de moins en moins qualifiés, tentés par la corruption, aigris par l'enrichissement facile des caïds qui sévissent dans tous les milieux, ils n'ont pas le cœur à l'ouvrage et l'économie déjà bancale s'en ressent lourdement. Deux générations au moins ont arrêté de rêver. Et si quelque chose a encore le pouvoir de faire briller les yeux, c'est le succès des jeunes, qu'il soit scolaire ou professionnel. Heureusement, le mythe du Libanais premier de classe est encore vivant, on en a la preuve à chaque nouvelle promotion. Par le succès d'un seul, un 20 au bac français, un plein score au SAT, c'est toute une fierté nationale qui ressuscite, tout un peuple qui se sent des ailes. Untel est le nouveau géant de l'immobilier en Amérique, un autre est le pionnier d'une intervention chirurgicale jamais osée avant lui, un troisième a créé une application qui cartonne, la liste est longue, et si nous n'avons jamais réussi à former une équipe de foot qui tienne la route (les jeux d'équipe, ce n'est décidément pas notre fort), du moins livrons-nous régulièrement à l'exportation des individus dont la particularité, aussitôt franchies nos frontières, est de se transformer en superhéros.
Aussitôt franchies nos frontières... C'est là que le bât blesse. Comment, avec autant de potentiel proportionnellement à l'exiguïté du territoire et au nombre de la population, le Liban n'a-t-il jamais réussi à garder ses cerveaux pour lui-même ? Certes, pour avoir été tant de fois échaudés, nous vivons dans l'urgence de mettre les jeunes à l'abri avec leur belle intelligence et ces diplômes si cher payés. Qu'ils vivent et nous survivent, qu'ils nous projettent, nous tirent en pensée de cette terre létale qui nous enlise. Ce n'est pas des habitants du Liban que l'on dit, entre agacement et envie : « Ah, ces Libanais ! »
Que le vent gonfle leur voile
OLJ / Par Fifi ABOU DIB, le 10 juillet 2014 à 00h00
commentaires (7)
MALHEUREUSEMENT LES MERCENAIRES SONT DEVENUS PLUS NOMBREUX QUE LES PATRIOTES DANS CE PAYS. LES TROIS PAYS DIABOLIQUES QUI ONT DÉTRUIT ET CONTINUENT À NOUS DÉTRUIRE SONT: ISRAEL, L'ARABIE SAOUDITE ET L'IRAN VIA LEURS MERCENAIRES. MON ESPOIR C'EST QUE LE MÊME MALHEUR LEUR TOMBE SUR LA TÊTE UN JOUR SI PROCHE. AMEN
Gebran Eid
17 h 22, le 10 juillet 2014