Déployez les fastes solennels. Jouez la Sarabande de Haendel. Cour, couronne et crinière du trône. Même les lions ronronnent, c'est le règne du jaune. Maître des ruses fines et des politiques de blocage, toutes les autres couleurs s'inclinent et suivent son sillage. Craint et envié, même par les fauves, à son respect on est convié par feu Kalachnikov. Avec une allure de pacha, il encre les lettres de Katioucha. Il confirme, il dément, il exhibe ses pigments. Air, mer ou terre, il ne jure que par ses armes. Sans leur «r», erre son âme. Ni gris ni rose, il frappe, il ose. Le jaune ne négocie pas, il s'impose. Il ne s'agit ni d'art ni de sport, mais de cette coloration martiale à plusieurs passeports.
Les frontières tombent devant les anachroniques anonymes. La région plonge dans l'éclipse du crime. Temps difficiles, boutade de califat. On regarde ces hordes hostiles, on panique sur le sofa. La phobie déborde de la télé pour inonder Twitter. Comment? Nous serions aussi dans leur collimateur?! Ô gloire des astres, tendresse du duvet, richesse de l'or, ô jaune, viens nous couver. État et citoyens, anciens et novices, choisis les moyens, nous sommes à ton service. Tout lui est permis, il nous défend. De partout soufflerait le danger, il endigue son vent. On est matraqué avec ardeur et persistance: ne fut-il pas scintillant sur la regrettée Résistance? Maintenant, il nous protégerait du noir des monstres du gravier. Ils affluent comme une canicule. La mort se loge secrètement puis se promène en véhicule. Peu importe si, par son arrogance, le jaune les avait conviés. Couvrez ces excuses complices qu'il ne saurait voir. Son désengagement de la page voisine serait la solution ? Non mais, quelle tare ! Regardez, le péril ne vient que des autres, jamais de lui. Contre les peuples, il ne laque aucun despote, ni le baril qui les cuit.
Il franchit, il dépasse, il s'étend, il contrôle. Il peint tous les environs, à tour de rôle. À son passage, la joie est ostentatoire, les territoires bouillonnent. On n'est pas le samedi soir? C'est la fièvre jaune! À son paroxysme, ce bonheur torride causerait la jaunisse du fascisme, cette ictère du foie, l'ivresse du fanatisme, la cirrhose de foi. Il enterre l'État, chamboule les équations, exige l'omerta, distribue les accusations. Il est le charme de l'automne au son des flûtes, les fleurs fanées, les feuilles qui chutent, la marque des années. Même l'œuf frais qui porte, prometteuse, la vie, devient le jaune délicieux d'une ovule morte dans l'eau qui frémit.
Au pays du Cèdre, il se répand, il menace, il submerge, il casse. Il jaillit, il renverse, il occupe toute la place. Il chasse les autres tonalités de l'arc-en-ciel. Il préfère manier l'arc que rêvasser dans le ciel. Couleur de la jalousie grillée qui bloque la lumière, loin devant Robbe-Grillet, est son ambiance délétère. Il farde la vérité, même internationale. Son réseau souterrain, il le tisse. Les autres coloris? Qu'ils râlent! Halo étincelant de la sainteté, soleil altruiste. Une quelconque teinture ose en douter? Elle est terroriste! Cool leurre clair entre le vert et l'orange, le jaune les assortit ton sur ton. Grâce à lui, le premier devient l'allié de son allié, le second. Courageuse, une candidature, ou religieuse, une visite? Sans gêne, il lui gribouille sa réussite. Il se mêle de tout et de rien. Ce qui est à toi devient, aussi, le sien. Il fulmine contre ses détracteurs. Réfracteur ou non, il domine. Le pays a mauvaise mine. Les visages sont jaunâtres, les institutions dans le plâtre. La Constitution est jaunissante? Une nouvelle ravissante! Enfin, il est grand temps de la changer. Vite, il veut son tiers, il ne va pas se déranger.
Non, la bonté du jaune n'a pas d'égal sur terre. Un jour, il deviendrait le signe distinctif des ONG humanitaires. En échange de son héroïsme, soyons apologistes, pleins d'enthousiasme et très polis. Pour chanter ses louanges, un orchestre de panégyristes ferait pâlir Erasme vantant la folie. Même le grand Gollum d'hier s'en donne, aujourd'hui, à cœur joie. Il s'est glissé, bien luisant, l'anneau jaune au doigt. Autrefois, parent très éloigné, couleur radicale, honni par ses paires, le jaune n'est plus un marginal, mais de la famille nucléaire. Apparemment, ils coordonnent et les drones bourdonnent. Ils savourent ensemble le nectar du miel au clair de sa lune romantique dans le ciel. Puis, à l'aube de l'empire, un seul petit déjeuner. Pour le meilleur ou le pire, une baguette bien dorée pour nous mener. On crie, on menace, on scande: avalez toute cette propagande! Couleur de l'orge, de la Méditerranée, à Ispahan. Il reste en travers de la gorge, même beurré, ce croissant.
Renversant la table de la peur, s'indigne, meurtri, le Liban. Le jaune ne sera jamais ma couleur, mais le rouge et le blanc.
Sagi SINNO
commentaires (6)
CORRECTION : PRIÈRE COMPRENDRE "MALADIE DE LA JAUNISSE" ( CAR PAS FRANçAIS ) PAR SON EQUIVALENCE LIBANAISE... MERCI.
LA LIBRE EXPRESSION
08 h 24, le 11 juillet 2014