Le guide suprême d'Iran Ali Khamenei, ultime décisionnaire sur le dossier nucléaire au centre de négociations avec les grandes puissances, a affirmé que son pays aurait besoin à terme d'une capacité de 190.000 centrifugeuses, un nombre bien supérieur aux exigences des États-Unis.
Les centrifugeuses sont les appareils qui réalisent l'enrichissement d'uranium, l'un des principaux sujets de discorde entre l'Iran et le groupe 5+1 (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) qui négocient actuellement un accord à Vienne.
L'ayatollah Khamenei, qui a adopté une attitude ferme sur ce dossier qui empoisonne depuis 10 ans les relations avec l'Occident, estime que le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire est inaliénable et s'était même dit en février sceptique sur l'issue des négociations. Les Occidentaux et Israël, considéré comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, accusent Téhéran, qui dément, de chercher à fabriquer l'arme atomique.
"L'objectif" des États-Unis est que l'Iran "accepte une capacité de 10.000 SWU (Separative Work Unit, ou unité de travail de séparation) ce qui représente 10.000 centrifugeuses de type ancien que nous possédons déjà", a dit lundi soir M. Khamenei. "Nos responsables disent que nous avons besoin de 190.000 SWU (centrifugeuses). Peut-être pas aujourd'hui, dans deux ans ou dans cinq ans, mais c'est un besoin incontestable et il doit être assuré", a-t-il dit.
Le numéro un iranien, qui s'exprimait dans un discours devant les responsables du pays diffusé sur son site internet, a ajouté que les grandes puissances avaient "commencé par proposer 500 ou 1.000 SWU" en espérant que l'Iran se contenterait finalement d'"une capacité de 10.000 SWU".
(Pour mémoire : Téhéran pavoise : "Nous avons une occasion unique d'entrer dans l'histoire")
15 fois plus puissant
En juin, la France a affirmé que l'Iran pourrait avoir "quelques centaines de centrifugeuses" mais que les Iraniens demandaient "des centaines de milliers". L'Iran dit vouloir préserver un programme d'enrichissement à un niveau industriel afin de pouvoir produire le combustible nécessaire pour ses futures centrales nucléaires.
Les négociations finales pour trouver un accord garantissant la nature pacifique du programme nucléaire iranien, ont débuté jeudi à Vienne, un marathon présenté comme historique et qui pourrait s'étirer jusqu'à la date limite du 20 juillet. L'accord espéré garantirait que l'Iran respecte les règles de non-prolifération et ne cherche pas à se doter de la bombe nucléaire. En échange, les sanctions internationales, qui privent chaque semaine ce pays de milliards de dollars de revenus du pétrole, seraient levées.
L'Iran possède actuellement plus de 19.000 centrifugeuses, dont près de 10.000 de la première génération (IR-1) en activité, et un millier de la deuxième génération (IR-2m), trois à cinq fois plus puissantes, en terme de SWU, qui n'ont pas été mises en activité. Il travaille aussi sur un nouveau type de centrifugeuses 15 fois plus puissant que les IR-1. Cela signifie qu'en théorie moins de 15.000 centrifugeuses de cette nouvelle génération pourront donner à l'Iran une capacité de 190.000 SWU.
Pas d'abandon des droits nucléaires
L'Iran, qui possède une seule centrale nucléaire de 1.000 mégawatts construite par les Russes à Bouchehr (sud), négocie un nouvel accord avec Moscou pour la construction de quatre nouvelles centrales. Mais l'objectif final est d'avoir 20 centrales, afin de diversifier les sources d'énergie pour être moins dépendant du pétrole et du gaz pour sa consommation intérieure.
Pour les États-Unis et Israël, une capacité élevée d'enrichissement pourrait permettre à Téhéran de produire dans un laps de temps très court suffisamment d'uranium enrichi à 90% pour fabriquer ensuite une arme nucléaire. L'Iran a accepté de baisser le niveau de son enrichissement de 20% à 3,5% dans le cadre de l'accord conclu avec le 5+1 fin 2013 à Genève.
"Nous faisons confiance à l'équipe de négociateurs et sommes certains qu'ils ne permettront pas qu'on touche aux droits de la nation" en matière nucléaire, a encore dit l'ayatollah Khamenei. "Nous assurons le leader et la nation que nous n'abandonnerons aucun des droits nucléaires", a rétorqué sur son compte twitter Abbas Araghchi, l'un des principaux négociateurs.
Élu en juin 2013, le président iranien Hassan Rohani a relancé les discussions nucléaires mais son gouvernement est critiqué par des membres de l'aile dure du régime qui dénoncent des concessions trop importantes selon eux à l'Occident.
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Permettre à l'Iran de jouer un rôle majeur dans l'actuelle crise en Irak serait une grossière erreur, d'autant plus qu'à quelques jours des discussions concernant le projet d'accord définitif sur le nucléaire iranien, la sincérité de la République islamique est plus que jamais sujette à caution. En plus de son programme nucléaire, de son ingérence dans les affaires de ses voisins en Irak et en Syrie, et de son soutien au terrorisme, la répression constitue le principal instrument de ce régime. Dans son rapport au Conseil des droits de l'homme à la mi-mars, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a déclaré que le nouveau président « réformateur », Hassan Rohani, n'avait pas tenu sa promesse électorale d'améliorer la situation des droits de l'homme – les exécutions ont même connu une très forte augmentation depuis son arrivée au pouvoir. Six cent quatre-vingt-sept personnes ont été pendues en Iran en 2013, y compris des exécutions politiques. Les deux tiers des pendaisons ont eu lieu sous la présidence de M. Rohani. Le début de cette année ne présente pas d'amélioration, avec à ce jour 300 exécutions, dont beaucoup de pendaisons publiques. Cette tendance contredit la propagande autour de la « modération » de M. Rohani. De fait, la terreur est le seul moyen que connaissent les mollahs pour contenir une société en colère et désabusée. Le désir de changement est fort en Iran, en particulier chez les femmes, citoyennes de seconde zone.
ANDRE HALLAK
21 h 44, le 09 juillet 2014