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Culture - Concert

Une soirée russe contre un match de foot...

Les nostalgiques du pays des tsars ou de la révolution d'octobre sont comblés. Une soirée russe a allumé ses feux grégeois à l'amphithéâtre Aboukhater (USJ) sur invitation du Conservatoire national supérieur de musique. Au menu, des pages de Glinka, Rachmaninov et Tchaïkovski.

Un festin musical avec sept musiciens de talent qui ont séduit un public conquis d’avance. Photo Michel Sayegh

Même sans balalaïka, même si la forme n'est pas parfaite, plaisir d'un esprit exclusivement slave et d'un voyage sonore aux confins du lac Baïkal... Passion, trémolo, sourire, soupir, tendresse, cadence, rythme et lyrisme au goût de la terre des samovars, des datchas et des steppes. Pour ce festin entre salons lambrissés, vitres enneigées et longues rêveries entre les cycles des saisons dans une nature verdoyante ou couverte d'une houppelande d'hermine, sept musiciens plus ou moins connus des mélomanes libanais. Avec des instrumentistes qu'on a rarement l'occasion d'applaudir tels un corniste, un basson ou une harpiste.
Sous la flaque de lumière donc, Olga Bolun au piano, Istvan Kaczarl au cor, Catalina Manda à l'alto, Denitzca Kaczari à la harpe, Viacheslav Piankovskyle au basson, Roman Storojenco au violoncelle et Gheorghe Oprea à la contrebasse.
En ouverture, une Sonate pour alto et piano en ré mineur de Mikhaïl Glinka. Glinka, esprit fondateur de l'école moderne russe, qui a la part belle, quantitativement et qualitativement, dans ce concert de musique de chambre dédié à l'univers sonore de la terre de Tolstoï, Gogol, Pouchkine, Rubinstein, Horowitz, Richter et bien d'autres qui ont élevé la culture et l'inspiration à des sommets vertigineux.
On écoute cette sonate au timbre feutré et chaleureux où touches d'ivoire et cordes de l'archet (hélas un alto aux consonances molles!) ont un dialogue à fleurets mouchetés, à la fois vif et discret. Une œuvre d'une facture de très bon aloi qui n'exclut guère, presque en sourdine, une certaine sève nationaliste, voire folklorique.
Pour prendre le relais, le célèbre Vocalise de Rachmaninov, arrangé ici pour cor et harpe. Un opus aux harmonies audacieuses brusquement à redécouvrir dans cette version inédite entre éructations de tons cuivrés et douceur éolienne de la harpe.
Avec Tchaïkovski on se laisse bercer par cette petite Mélodie aux tonalités lumineuses, où le chant fluide mais un peu mélancolique du basson et les arpèges au spleen à peine contenu du piano ont un mariage heureux et épanoui. Non sans quelques pas tortueux... Pour dire aussi toutes les contradictions du cœur humain qui chavirent une vie. Et en termes de bouleversement, le compositeur du Lac des cygnes est certainement aux premières loges. Il a le suprême talent et l'obsédante poésie pour le dire.
Retour en force à Glinka qui termine le programme avec deux pièces vibrantes et originales. D'abord cette Séparation où violoncelle et piano ont des murmures et des mugissements imprévisibles, au pathos rugissant. Avec un violoncelle qui termine sur une superbe modulation caverneuse. Avant de conclure, avec tout l'ensemble du septuor, en une narration concertante, avec une sérénade sur un thème d'Anne Boleyn de Donizetti.
Plusieurs mouvements pour s'entretenir, en une brillante variation, de ce qui fait l'essence de l'amour, la trahison, la fidélité, les valeurs despotiques, les intermittences du cœur et des plaisirs, tous deux également inconstants. Pour traduire cette palette d'émotions et de situations, la voix de Glinka dans toutes ses nuances, ses ressources harmoniques et cet engouement qu'il eut après avoir rencontré Bellini et Donizetti lors de son séjour en Italie aux alentours de 1830. Style d'une grande beauté sonore et encore lié à la prosodie italienne mais qu'il abandonne dès que les vents de la Russie se lèvent et l'emportent beaucoup plus loin et plus en profondeur de Saint-Pétersbourg et Smolensk.
Loin de la tragique vie de la seconde épouse du roi Henri VIII d'Angleterre, décapitée, on retient ici ce moment béni où deux cœurs vibrent de passion. Une sérénade d'autant plus touchante que le mensonge est monumental et hideux. Un moment de grâce pour une place de paradis en enfer et tout cela la musique pour le dire...
Salve d'applaudissements d'un public relativement restreint. Restreint car l'auditoire est certainement ailleurs! Même pas dans les rues... La curiosité pour la Coupe du monde de football (ce soir-là le match Brésil vs Mexique a fait rage !) est bien trop forte contre un gentil concert de musique classique, même si cela vient du pays de Catherine de Russie, d'Yvan le Terrible et de Lénine...Et qu'on n'aille pas dire que c'est libanais. Allons, c'est planétaire cette fièvre de cogner et de «shooter» un ballon!

Même sans balalaïka, même si la forme n'est pas parfaite, plaisir d'un esprit exclusivement slave et d'un voyage sonore aux confins du lac Baïkal... Passion, trémolo, sourire, soupir, tendresse, cadence, rythme et lyrisme au goût de la terre des samovars, des datchas et des steppes. Pour ce festin entre salons lambrissés, vitres enneigées et longues rêveries entre les cycles des saisons...

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