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Liban - Crise sociale

Enseignants : malgré les concessions, l’impardonnable chantage se poursuit

Le conflit enseignants-pouvoirs publics reste entier et risque de rebondir le 19 juin.

Le ministre de l’Éducation inspectant le centre de préparation des épreuves officielles, équipé d’une installation de brouillage électronique.

Une sorte de réconfortante parenthèse s'est ouverte depuis mardi dans la crise opposant les enseignants au pouvoir. Dans une concession qui doit être mise à leur crédit, les enseignants ont en effet accepté d'assurer la surveillance des examens officiels (vendredi 13 juin pour le brevet et à partir du 18 juin pour les classes terminales), à défaut d'en assurer la correction.

Soucieux de l'impact que la tension des dernières semaines a pu avoir sur leur moral, le ministre de l'Éducation, Élias Bou Saab, a promis aux élèves d'en tenir compte dans la préparation des questions. Une déclaration maladroite qui pourrait décrédibiliser les épreuves. Par ailleurs, M. Bou Saab a annoncé qu'il n'assumerait plus tout seul, comme cela s'est passé pour les épreuves, la responsabilité de la crise, et qu'une fois les épreuves passées, c'est le gouvernement tout entier et le Parlement qui en répondront.

La demi-mesure des enseignants indique clairement que le conflit qui les oppose aux pouvoirs publics – gouvernement et Chambre – reste entier. Le fait est confirmé par le porte-parole des enseignants, le Comité de coordination syndical (CCI) du tandem Gharib-Mahfoud, qui a annoncé que si la nouvelle échelle des salaires n'est pas approuvée le 19 juin par le Parlement, la correction des épreuves officielles n'aura pas lieu.

 

(Lire aussi: Grille des salaires : le 14 Mars soutient les revendications sociales, mais met en garde contre le danger du projet actuel)



La concession accordée par les enseignants s'est accompagnée d'une autre, de moindre importance, accordée par le ministre de l'Éducation, Élias Bou Saab : le report de 24 heures des épreuves officielles du brevet, qui commenceront demain et non plus aujourd'hui, comme il était prévu.

Visite du centre de préparation des questions
Le ministre de l'Éducation nationale a inspecté hier le centre de préparation des questions d'examen, au premier étage du bâtiment du ministère, une véritable forteresse. Accompagné du directeur général de l'Éducation et président des commissions d'examen, Fadi Yarak, et de la directrice des examens, Jaùmal Baghdadi, M. Bou Saab a effectué une rapide visite des lieux : bureaux administratifs, dortoirs, banque des données électroniquement isolée par un système sophistiqué de brouillage, salle d'impression des questions (y compris en braille), scellé des enveloppes à la cire gouge, salle de brouillage des communications téléphoniques (et autres) des commissions d'examens supervisée par l'armée, surveillance des portes et fenêtres, etc.

 

(Lire aussi: Joumblatt dénonce les « surenchères populistes » dans l'affaire de la grille des salaires)



Élias Bou Saab a accordé une attention particulière aux archives du centre d'examens, qui comprennent des registres remontant au milieu du XXe siècle et témoignent de la volonté des ministres de l'Éducation qui se sont succédé de fonder durablement la réputation et la crédibilité des diplômes libanais.
« Tout est prêt pour les examens », a lancé en direction des journalistes le ministre de l'Éducation nationale, en quittant le centre, ajoutant que « la transparence des mesures prises et leur crédibilité témoignent du sens de la responsabilité que nous assumons à l'égard des générations à venir ».

Le conflit enseignants-gouvernement
Nous le disions plus haut : la crise opposant les enseignants au gouvernement reste entière. C'est en effet afin d'obtenir des augmentations de 121 % de leurs salaires, bloqués depuis 1997, que les enseignants sont en lutte depuis maintenant trois ans.

Cette lutte est d'ailleurs passée par des phases plus dures que celle qui prévaut en ce moment, puisque les enseignants revendiquaient non seulement les 121 %, mais aussi leurs arriérés ! Aujourd'hui, ils se rendent compte qu'une revendication aussi chimérique n'a aucune chance d'aboutir, dans l'état actuel des finances publiques, et que ses répercussions sur les écoles privées, qui s'alignent automatiquement sur les écoles publiques, seraient catastrophiques et conduiraient de nombreux établissements à fermer leurs portes ; et qu'elle mettrait en outre de nombreux parents dans l'impossibilité de continuer d'inscrire leurs enfants à l'école privée, sans qu'une alternative crédible s'offre, compte tenu de l'engorgement actuel des écoles publiques, sollicitées par la population scolaire syrienne réfugiée au Liban.

Revue à la baisse, l'échelle des salaires défendue par les syndicats reste exorbitante. Le dernier chiffre en date avancé pour son financement était de 2 150 milliards de livres/an. Il a été avancé lundi par le président de la Chambre, Nabih Berry, au cours d'une réunion d'urgence tenue à ce sujet avec Fouad Siniora, président du bloc parlementaire du courant du Futur.

Soucieux de l'impact de cette dépense sur l'économie, et le risque d'inflation qu'elle fait courir, M. Siniora a rejeté la proposition, contestant aussi les sources de financement qui l'accompagnaient : une TVA relevée à 15 % sur les produits de luxe et un tarif élevé sur les consommations d'électricité supérieures à 500 kilowatts.

 

(Lire aussi : Échelle des salaires : le Futur refuse de cautionner un projet « qui mènera le pays à l'effondrement »)


M. Siniora a contesté la crédibilité et la faisabilité de ces taxes, et a soulevé de nouveau le risque qu'une augmentation des dépenses de cet ordre fait courir à l'économie, à un moment de grande faiblesse de l'appareil d'État – incapable de réaliser ces recettes et de combattre le gaspillage –, sans compter le poids énorme que font peser sur l'économie les réfugiés syriens. Les pertes infligées à l'économie nationale par leur présence ont été évaluées à 5,5 milliards de dollars par an par la Banque du Liban.
Par ailleurs, M. Siniora refuse que le système bancaire, principal bailleur de fonds de l'État, fasse les frais de cette augmentation.

Mauvais timing
Résumant la situation, une source bien informée – et bien intentionnée – affirme que les enseignants luttent
« pour la bonne cause, mais au mauvais moment », et qu'ils paient en ce moment le prix d'une politique d'austérité budgétaire instaurée dans les années 90 qu'il est peut-être temps de revoir, mais dont le principal artisan, Fouad Siniora, campe sur ses positions.

De leur côté, le Comité de coordination syndical et, jusqu'à un certain point, le président du mouvement Amal, cherchent à faire évoluer cette politique, notamment à infléchir la politique fiscale de manière à faire endosser aux classes aisées plus de responsabilité dans le bien-être de la nation qu'elles n'en assument.

Ce combat est peut-être juste, mais il se déroule à un très mauvais moment de la vie nationale. Par ailleurs, il est tout aussi immoral que maladroit d'en faire payer le prix à la jeunesse libanaise, dont on aiguise ainsi les inquiétudes, et qu'on fait vivre dans l'incertitude. C'est cette « prise en otage » d'une population scolaire de plusieurs centaines de milliers d'élèves qui est tout à fait inacceptable de la part du tandem Gharib-Mahfoud, dont les orientations politiques ne sont pas un secret, quelle que soit par ailleurs la sauvagerie du système capitaliste qu'on cherche à ébranler, ou, au moins, à rendre plus équitable, plus humain.
Selon la source citée, la grille des salaires va continuer à faire l'objet de négociations serrées, au-delà du 19 juin, avant que l'État et les syndicats ne parviennent à un chiffre réaliste susceptible d'être accepté par les deux parties.

 

À l'UL
La crise sociale qui frappe l'Université libanaise, paralysée par une grève des contractuels (75 % des effectifs !), commence aussi à s'assouplir. Plus de 70 000 étudiants attentent en effet de pouvoir passer leurs examens finaux. Le président de l'UL et les doyens en place ont annoncé hier que « les travaux administratifs et les examens reprendront aujourd'hui, jeudi ». Ajoutons : là où c'est possible. En attendant une décision du gouvernement de cadrer entre 750 et 1 000 professeurs contractuels qui attendent, dans certains cas, leur titularisation depuis au moins dix ans...

 

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Côté cour, l'éditorial de Issa Goraieb

 

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CHANGEZ LE MOT CHANTAGE PAR "CRIME" ! OU : LES ACHETÉS... ET LES VENDUS...

LA LIBRE EXPRESSION

06 h 09, le 12 juin 2014

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  • CHANGEZ LE MOT CHANTAGE PAR "CRIME" ! OU : LES ACHETÉS... ET LES VENDUS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 09, le 12 juin 2014

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