Rechercher
Rechercher

Économie - Rencontre

« La crise en Centrafrique trouve sa source dans la pauvreté, pas dans la religion »

Le ministre centrafricain des Affaires étrangères était à Beyrouth pour inviter les hommes d'affaires libanais à investir dans son pays.

Le ministre centrafricain des Affaires étrangères, Toussaint Kongo-Doudou, entouré de la délégation qui l’accompagnait à Beyrouth.

Il sillonne le globe pour faire connaître son pays. Un vrai Marco Polo africain. Toussaint Kongo-Doudou est le ministre centrafricain des Affaires étrangères. Il y a deux semaines, il avait posé ses valises pour quelques jours au Liban.
« Notre visite au Liban fait partie d'une ouverture d'une première porte vers le Proche-Orient », a expliqué le ministre. Dans le cadre de cette visite « de paix, d'amitié », il était accompagné d'une délégation importante, notamment la maire de la capitale, Bangui. Ils ont rencontré les principaux responsables. « Ce fut une occasion pour leur expliquer la situation en Centrafrique pour que le Liban soit notre porte-parole auprès du monde arabe, parce que ce pays est la porte de l'Orient. C'est pour cette raison que nous avons choisi de venir ici », a expliqué Toussaint Kongo-Doudou.
En effet, la Centrafrique (RCA) a été récemment le théâtre d'un grave conflit qui a nécessité une intervention étrangère pour faire arrêter les violences. Celles-ci ont frappé notamment la capitale, entraînant beaucoup de destruction et une grave crise politique, économique et humanitaire. « Le calme et la paix sont revenus pratiquement dans toute la capitale, où la vie normale a repris aujourd'hui », a affirmé le ministre de la Centrafrique, ajoutant qu'« il reste quelques poches de résistance qui rétrécissent de jours en jours ».

 

Une femme présidente
Actuellement, la présidente centrafricaine vient de faire une évaluation très positive des cent premiers jours, a déclaré M. Kongo-Doudou. En effet, « en cent jours, je crois que nous avons accompli ce que nos anciens dirigeants n'ont pas pu accomplir durant plusieurs années », a-t-il affirmé, ajoutant : « La preuve que quand on met en contribution les femmes, elles sont souvent beaucoup plus efficaces que les hommes, qui passent la plupart de leur temps à se battre. » Le ministre des AE considère en outre comme une chance le fait que la présidente, ancienne maire de Bangui, « est issue de la société civile, et non pas du sérail politique ». Cela prouve, selon lui, la maturité du peuple centrafricain qui a su surpasser les questions relatives au genre pour mettre à la tête de l'État la personne qui a les meilleures compétences.
Toussaint Kongo-Doudou estime d'autre part que les défis de la République centrafricaine sont énormes. D'abord les défis sécuritaires : le gouvernement provisoire a dû faire face à une situation sécuritaire explosive. « On a eu une horde de mercenaires dont la plupart étaient des étrangers, appelée Seleka. C'est une coalition venue des zones frontalières du nord-est du pays et qui a bénéficié de l'appui et de la complicité de certains de nos compatriotes. Il ne faut pas toujours accuser l'étranger de tous nos malheurs. Nous-mêmes centrafricains avons été, dans une certaine mesure, responsables de l'organisation de ces mercenaires qui n'ont apporté que morts et désolation à notre pays. Ils ont tué en toute impunité, violé des femmes, brûlé des églises », a expliqué le ministre.

 

Les radicaux des deux camps
D'après lui, bien que la majorité de ces miliciens soient des musulmans, une grande partie ne l'est pas. « Il y avait des personnes d'autres croyances qui faisaient partie de cette horde dans laquelle plusieurs extrémistes se sont infiltrés », a précisé M. Kongo-Doudou. C'est essentiellement ces radicaux qui ont détruit toute l'ossature économique du pays.
Face à cette situation dramatique, les pays d'Afrique centrale ont dépêché des troupes qui ont été rapidement dépassées par les événements. Ce n'est qu'après plusieurs résolutions du Conseil de sécurité qu'une force de l'Union africaine est intervenue, également sans résultat concret, jusqu'à l'intervention de forces françaises dans le cadre de l'opération Sangaris qui est venue appuyer les forces africaines sur le terrain.
Mais la situation a empiré. Face aux exactions des Selekas, les paysans se sont organisés pour se défendre, créant ainsi les antibalakas. « Au départ, ce mouvement avait pour but de protéger les populations civiles vandalisées, pillées et tuées. Là aussi, les extrémistes ont pris le dessus. Les anti-Balakas ne se sont plus constitués en groupes homogènes. D'autres éléments se sont infiltrés dans ce mouvement, notamment des anciens militaires qui avaient fui la rébellion », a affirmé le ministre centrafricain. Leurs actions violentes sont décriées aujourd'hui, puisqu'ils ont fait l'amalgame entre l'islam radical et tous les musulmans.
Selon M. Kongo-Doudou, « il faut reconnaître qu'un bon musulman ne peut pas violer et tuer, et qu'un bon chrétien aussi ne tue ni ne viole. C'est interdit dans les deux cas par le Coran et par la Bible ». Il faut noter par ailleurs que ces extrémistes et ces violences sont manipulés par certains hommes politiques qui essaient de tirer parti de la situation.

 

Pauvreté vs religion
« La crise qui a sévit en Centrafrique trouve sa source dans la pauvreté et non pas dans la religion. C'est à travers la pauvreté qu'il y a les ingrédients de la haine et de la division. C'est sur cette pauvreté que certains extrémistes se basent pour semer la terreur, la violence et la zizanie entre chrétiens et musulmans », a estimé le ministre.
Le second défi que le gouvernement transitoire a eu à relever, et continue à le faire, est le défi humanitaire. Compte tenu de la situation sécuritaire, des milliers de personnes se sont réfugiées dans des camps. À un certain moment, la moitié de la population de Bangui avait fui la capitale pour se réfugier autour des églises et près de l'aéroport. Au fur et à mesure que la situation sécuritaire s'améliore, la population civile revient chez elle. Sur ce plan, « nous sommes fortement appuyés par la communauté internationale, les organismes des Nations unies et l'OCI (l'Organisation de la conférence islamique) », a ajouté M. Kongo-Doudou.

 

Le défi de la réconciliation
Le gouvernement de transition fait face en outre à un important défi politique, qui est « la réconciliation nationale, avec le soutien de tous nos partenaires africains, européens et internationaux, dont notamment la France et les États-Unis ». La présidente de la République a lancé le cadre de cette réconciliation, fondé sur un processus qui a montré son efficacité. Sa stratégie consiste à entamer sa démarche à partir de la base vers le haut.
M. Kongo-Doudou estime d'ailleurs qu'il ne faut pas s'appuyer uniquement sur la force, mais aussi sur la médiation et sur les efforts de réconciliation qui ont été très bien menés par l'archevêque de Bangui et par des imams qui ont appelé à la paix et à la réconciliation des cœurs.
Le ministre a affirmé par ailleurs que la RCA est unie et indivisible. « L'intégrité territoriale du pays a été reconnue et réaffirmée par la communauté internationale. Toute personne – qu'elle soit nationale et étrangère – qui met en cause cette position aurait commis une attaque non seulement contre la Centrafrique, mais également contre la communauté internationale. Le message est très clair », a martelé le ministre.
« Nous reconnaissons néanmoins qu'une partie du territoire a été délaissée par les régimes précédents. Nous en assumons en tant que centrafricains tous la responsabilité. » Le ministre estime en outre que ce n'est pas uniquement la partie nord qui a été abandonnée, c'est tout le territoire.
Pour y remédier, la présidente Catherine Samba-Panza a créé un ministère qui se charge des pôles de développement, avec pour but d'instituer des priorités en fonction des facteurs de fragilités et d'abandon, pour renforcer l'État et les structures étatiques dans les zones marginalisées.
« Nous sommes dans un prisme de reconstruction, de réconciliation et de réunification. Une stratégie qui se reflète dans le gouvernement de transition qui regroupe toutes les sensibilités politiques, des technocrates, des Centrafricains de l'intérieur et de la diaspora », a expliqué Toussaint Kongo-Doudou, ajoutant : « Ce gouvernement est donc venu pour créer des solutions et non des divisions. C'est pour cela que nous tendons la main à toutes les parties sans exception. »

 

Venez investir chez nous
Le dernier défi est économique. Celui de la reconstruction du pays et la mise à niveau du tissu économique.
En effet, la reconstruction de la Centrafrique est l'une des principales raisons de la visite au Liban du ministre Toussaint Kongo-Doudou qui était venu lancer un appel à « nos partenaires libanais qui ont été toujours très dynamiques en Centrafrique pour nous accompagner dans le processus de reconstruction, puisqu'il y a de la place pour tout le monde ».
La délégation centrafricaine a ainsi rencontré l'élite des hommes d'affaires du Liban qu'elle a fortement invités à venir investir en Centrafrique où les législations sont très claires et favorables. « Compte tenu du dynamisme et de l'expérience des firmes libanaises, je crois qu'on peut compter sur eux », a affirmé plein d'espoir M. Kongo-Doudou.
Enfin « c'est grâce à notre consul au Liban, Me Camille Fenianos, que les liens entre nos deux pays se réchauffent, et je tiens à le remercier pour les efforts qu'il accomplis », conclut le ministre centrafricain.

 

 

Il sillonne le globe pour faire connaître son pays. Un vrai Marco Polo africain. Toussaint Kongo-Doudou est le ministre centrafricain des Affaires étrangères. Il y a deux semaines, il avait posé ses valises pour quelques jours au Liban.« Notre visite au Liban fait partie d'une ouverture d'une première porte vers le Proche-Orient », a expliqué le ministre. Dans le cadre de cette visite...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut