Les bureaux de vote ont ouvert à 07h00 locales mardi matin, mais Omar Hakim n'ira pas voter. Pour ce chirurgien syrien de 29 ans, comme pour l'opposition syrienne et un certain nombre de pays, la présidentielle syrienne est une « mascarade ».
Une « mascarade » car les deux concurrents de Bachar el-Assad, le député indépendant Maher al-Hajjar et l'homme d'affaires ayant appartenu à l'opposition tolérée Hassan al-Nouri, ne sont pas crédibles. Aucun candidat de l'opposition réelle n'est en lice, le pouvoir ayant verrouillé l'élection. Une « farce » aussi car le scrutin n'est organisé que dans les zones contrôlées par le régime. Une « parodie de démocratie » dans un pays enfoncé dans une sale guerre.
« Près de 10 millions de réfugiés, un demi-million de morts, et 200.000 détenus, cela est suffisant pour rendre cette élection nulle », affirme le jeune homme qui se présente comme Omar Hakim et explique opérer à Moadamiyat al-Cham, dans la Ghouta (sud-ouest de Damas). La guerre entre régime et rebelles a fait plus de 162.000 morts, selon une ONG, et plus de 9 millions de réfugiés et déplacés d'après l'Onu.
Malgré le fait qu'il vit et travaille dans une zone longtemps assiégée par les soldats syriens et toujours sous la pression des forces du régime, une zone visée par une attaque chimique en août 2013, malgré la réélection assurée de Bachar el-Assad, malgré tout, le jeune Syrien s'obstine à rester dans son pays natal afin de porter secours à ses concitoyens.
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« Bachar el-Assad est sûr de remporter l'élection, parce que ceux qui le soutiennent sont ceux qui vont aller voter. L'opposition contrôle 60% du territoire, mais dans ces régions, soit il est interdit de voter, soit les habitants eux-mêmes ne veulent pas voter car ils sont contre Assad ». Quant aux deux autres candidats en lice, M. Hakim ne mâche pas ses mots, les qualifiant, dans une interview accordée à Lorientlejour.com via Facebook, de « farces médiatiques ne visant qu'à donner l'illusion d'une démocratie syrienne ».
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Une miche de pain contre une voix
A Moadamiyat al-Cham, le régime achète les votes, affirme le chirurgien, une voix contre une miche de pain. Un argument porteur dans une zone longtemps soumise à un siège de la part du régime « et où l'entrée des produits alimentaires est bloquée ».
« Les moukhabarat ont mis une tente et des urnes à l'entrée de la localité, ils vont ouvrir un passage pour la sortie uniquement, et seuls ceux qui iront voter auront le droit de sortir. Ce chantage est un crime contre l'humanité. C'est l'élection contre du pain », s'insurge M. Hakim, tout en assurant que lui, ne compte aller nulle part. « Je reste ici, afin de poursuivre ma mission humanitaire qui consiste à traiter les victimes des barils d'explosifs du régime et des bombardements aveugles ».
« Participer à l'élection revient à donner à Bachar el-Assad carte blanche pour continuer à tuer des innocents. Ceux qui participent au processus électoral sont des criminels, tout comme les soldats du régime et ses chabbiha, mais chacun à sa façon : les premiers avec leurs cerveaux, les derniers avec leurs armes », accuse-t-il. L'opposition syrienne a appelé à un boycott du scrutin.
Si certains n'arrivent pas à comprendre comment Bachar el-Assad, plus de trois ans après le début de la révolte, a réussi non seulement à se maintenir au pouvoir, mais, de surcroît, à briguer un troisième septennat, le jeune chirurgien n'est pas surpris. « Le monde entier est avec Bachar el-Assad. Il est donc normal qu'il soit réélu deux, trois et même quatre fois, et que la guerre dure plus de dix ans. Je pense que l'obstination du régime à recourir à la solution militaire, à tuer et détruire, le soutien étranger procuré par l'Iran et l'intervention des pays du Golfe, sont les raisons qui nous ont menés à la situation actuelle », estime-t-il.
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Sans surprise, le médecin damascène n'est guère optimiste sur l'après-scrutin. « Si Bachar el-Assad est réélu, je m'attends à davantage de morts, de destructions, de sans-abris, de déplacés et de famine. Je pense que la réélection d'Assad va mettre le feu à la région toute entière, notamment aux pays voisins comme le Liban, la Jordanie et l'Irak. J'ai peur, surtout, pour les pays pluriconfessionnels ». En conséquence de quoi le chirurgien estime qu'un nouveau mandat d'Assad « va inévitablement entraîner une intervention militaire étrangère d'ici deux ans ou moins, car l'UE, les États-Unis et la Russie ne pourront plus contrôler le conflit syrien. Ils ont eu assez de difficultés pour le faire durant ces trois dernières années, mais à présent, le conflit va s'étendre à la région. Et une intervention occidentale va inévitablement mener à plus de destruction et à un démantèlement de la Syrie ».
De la communauté internationale, Omar Hakim n'attend plus rien de bon. « Nous n'attendons plus rien de la communauté internationale. Ceux qui se sont tus depuis trois ans face à la mort, ceux-là nous n'attendons plus rien d'eux. La seule solution est que Bachar el-Assad démissionne ».
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commentaires (2)
Nul n'est guère optimiste sur l'après scrutin de Bachar el-Assad mais face à une opposition faible le pouvoir actuel gagne du terrain .
Sabbagha Antoine
15 h 04, le 03 juin 2014