Le patriarche maronite Béchara Raï est arrivé à Amman vendredi peu après midi, première étape de sa tournée en Terre sainte devant le conduire à Jérusalem et Bethléem. Une tournée à laquelle s'oppose le Hezbollah, le Liban étant techniquement en guerre avec l’État hébreu.
Signe de la tension qui entoure cette visite, le patriarche a mis brusquement fin à un entretien avec un journaliste de France 24 (version arabe) à son arrivée à Amman.
La visite du patriarche est la première d'un dignitaire religieux libanais en Terre sainte depuis la création de l'État d'Israël en 1948, et coïncidera avec le pèlerinage du pape François à Jérusalem, à Bethléem et en Jordanie du 24 au 26 mai.
Interrogé en duplex sur cette visite, le patriarche a réaffirmé à la chaîne d'information française en continu qu'il respectait la souveraineté du Liban et les lois libanaises, et qu'il n'allait pas rencontrer de responsable civils ou politiques israéliens.
Alors que le journaliste continuait de l'interroger sur le sens de la visite, le patriarche a déclaré : "Aujourd'hui, je suis le patriarche, la décision de cette visite est mienne". Le journaliste insistant, le patriarche a répété cette réponse plusieurs fois, invitant le journaliste à passer à une autre question. Puis il s'est levé et a mis brusquement fin à l'entretien, visiblement agacé par la polémique autour de sa visite. En enlevant son micro, le patriarche a déclaré avoir suffisamment répondu à ces questions et ne pas être là pour être condamné.
Le Hezbollah a exprimé son opposition à cette visite du patriarche, le Liban étant techniquement en guerre avec l'Etat hébreu. Les tentatives de dissuasion du parti n'ont toutefois pas influencé la décision de Mgr Raï.
Le patriarche libanais a également déclaré au journaliste de France 24 que ceux qui soutiennent sa visite en Terre sainte étaient plus nombreux que ceux qui s'y opposent. "Les voix en faveur de ma visite en Terre sainte sont plus nombreuses que celles qui s'y opposent, et ma visite est paroissiale", a-t-il souligné. "Que ceux qui l'acceptent, l'acceptent, et que ceux qui la rejettent, la rejettent", a-t-il poursuivi. Mgr Raï a également tenu à préciser qu'il avait pris l'autorisation du président de la République ainsi que celle du Premier ministre avant d'effectuer son voyage.
Une visite pour "dépasser les frontières"
La visite de Mgr Béchara Raï vise à affirmer l'identité chrétienne dans la région et "dépasser les frontières", avait déclaré le 14 mai Mgr Moussa el-Hage, archevêque maronite de Terre sainte, lors d'une conférence de presse à Haïfa, dans le nord d'Israël. "Cette visite a pour but d'assurer et de confirmer la présence et l'identité des chrétiens face à toutes les tentatives de l'affaiblir au Moyen-Orient, là où le christianisme a éclos et s'est propagé", avait-il ajouté.
Malgré les tentatives de dissuasion du Hezbollah, qui prône la lutte armée contre Israël, Mgr Raï a maintenu son projet. "Il est normal aussi que le patriarche aille visiter les paroisses de son diocèse", a dit le patriarche maronite d'Antioche et de tout l'Orient, la communauté maronite comptant quelque 10.000 fidèles en Terre sainte.
(Lire aussi : Les chrétiens de Terre sainte : communautés diverses dans une région troublée)
Tentatives de dissuasion du Hezbollah
Le 16 mai, le chef du conseil politique du Hezbollah, Ibrahim Amine el-Sayyed, avait affirmé avoir mis en garde le patriarche maronite contre les "retombées négatives" de sa visite en Terre sainte. "Nous sommes habitués à communiquer directement nos points de vue au patriarche. Nous sommes venus lui faire part de la position du Hezbollah concernant sa visite en Terre sainte", avait déclaré M. Sayyed à l'issue d'un entretien entre une délégation du parti chiite et Mgr Raï à Bkerké. "Le patriarche a évoqué les considérations religieuses et pastorales de sa visite, concernant surtout les chrétiens et Jérusalem, loin des répercussions politiques. Nous avons exposé notre point de vue et évoqué les retombées négatives de cette visite, et nous espérons que nos remarques seront prises en compte", avait-t-il ajouté.
Quelque 10.000 maronites vivent en Terre Sainte et l'assistant de Mgr Raï, Boulos Sayyah, qui accompagnera le patriarche, avait précisé que Mgr Raï ne participera à aucune rencontre avec les dirigeants israéliens mais s'entretiendra en revanche avec le président palestinien Mahmoud Abbas.
À Amman, l'Église maronite a travaillé en vue de rassembler les fidèles maronites. Elle est en train de leur construire une église sous le patronage de saint Charbel, sur un terrain offert par le roi Abdallah de Jordanie.
L’Église maronite a été fondée au Ve siècle par Saint-Maron. Elle est rattachée à Rome, tout en ayant sa propre liturgie et spiritualité.
Le souverain pontife entame, lui, samedi à Amman sa visite de trois jours en Jordanie, dans les Territoires palestiniens et en Israël. Accompagné d'un rabbin et d'un professeur musulman tous deux argentins, le pape François prônera le dialogue entre les religions comme moyen de promouvoir la paix.
Dans une région où religion et politique sont indissociablement liées, chacun des actes du pape, chacune de ses paroles ne manqueront pas d'être disséqués à l'aune du symbole politique. Le programme même du souverain pontife est rédigé de façon politique. La deuxième phase du voyage, une halte de six heures à Bethléem en Cisjordanie, est décrite comme une visite dans "l'Etat de Palestine", terminologie inacceptable en Israël. "Nous n'en sommes pas très heureux, mais c'est un fait", commente Oded Ben-Hur, conseiller diplomatique de la Knesset, le Parlement israélien, et ancien ambassadeur au Vatican.
En 2012, le Vatican avait suscité l'ire d'Israël en soutenant le vote de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaissant de facto l'existence d'un Etat palestinien. Pour Israël, une telle reconnaissance ne peut venir que des négociations israélo-palestiniennes.
Illustration de la complexité de la situation politique, au lieu de passer directement de Bethléem à Jérusalem, dont la partie Est a été annexée par Israël après la guerre des Six-Jours en 1967 et qui est revendiquée par les Palestiniens comme capitale de leur futur Etat, François se rendra par hélicoptère à Tel Aviv et prendra ensuite un autre hélicoptère pour Jérusalem.
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commentaires (10)
Ils ont peur d'un patriarche fort et unificateur des rangs chrétiens ..,
CBG
01 h 58, le 25 mai 2014