Rechercher
Rechercher

Liban - Entretien

Antoine Andraos : « Aoun à la présidence, ce serait un nouvel Émile Lahoud, en plus populaire »

Le vice-président du courant du Futur reste dubitatif sur la théorie selon laquelle il serait possible d'extirper le chef du Courant patriotique libre de la sphère d'influence du Hezbollah.

Dans un milieu où la langue de bois fait souvent office de dialecte vernaculaire, Antoine Andraos fait exception. Le vice-président du courant du Futur et ancien député de Aley est réputé pour dire ce qu'il pense, et sans détours, circonlocutions et habillages de rigueur.
L'ouverture de Saad Hariri sur le général Michel Aoun n'échappe pas à cette règle, quand bien même rares sont ceux qui, au sein du courant du Futur, s'aventurent à rejeter ouvertement aujourd'hui les prétentions du chef du CPL à s'autocouronner du diadème de « candidat consensuel » à la présidence de la République dans un remake néo-napoléonien du sacre de Reims.


« Michel Aoun s'est rapproché de Saad Hariri par le biais de MM. Gebran Bassil et Élias Bou Saab, lesquels, réalistes, ont réalisé que le chef du CPL ne pourrait pas accéder à la présidence sans une décision du bloc sunnite. Or ils sont déjà certains de l'appui du Hezbollah. Certes, beaucoup prétendent que le Hezbollah ne soutiendra pas la candidature de Aoun, qu'il n'a pas confiance en lui. Je ne suis pas convaincu de cette théorie », estime M. Andraos, dans une analyse qui est aux antipodes de celles développées ces derniers jours par d'autres cadres du Futur. « À mon avis, le Hezbollah veut Aoun. Ce n'est pas qu'il a confiance en lui : mais ils le tiennent fermement, et de différentes manières... L'alliance entre Aoun et le Hezbollah est irremplaçable, donc indéfectible. Par exemple, jamais le Futur ne pourra donner au général le nombre de députés que le Hezbollah lui assure : or 80 % de ces derniers sont élus par le parti chiite, comme à Baabda, Jbeil ou Jezzine. Et pour cause : le courant du Futur est un parti transcommunautaire qui tient à sa représentation chrétienne », indique-t-il.

 

(Lire aussi : Salam à Djeddah : Le cabinet assumera, contre son gré, ses responsabilités constitutionnelles en cas de vacance présidentielle)

 

Annihilateur par nature
« Je ne crédite pas cette thèse avancée par certains selon laquelle il serait possible d'éloigner Aoun du Hezbollah. Si le général pouvait le faire, il l'aurait déjà fait. Nous n'avons pas manqué, au fil des ans, de le lui demander et de lui en offrir l'opportunité. Et même s'il venait à le faire par un nouveau document d'entente, cette fois avec le courant du Futur, il ne serait pas crédible. À peine arrivé à la présidence, il changerait son fusil d'épaule, estime Antoine Andraos. Michel Aoun est annihilateur par nature, depuis qu'il était commandant en chef de l'armée. Il a mené des guerres don quichottesques pour éliminer tous ses adversaires lorsqu'il était chef du gouvernement de transition. À son âge, il est impossible que le personnage ait changé et qu'il soit devenu soudainement consensualiste. Il n'a pas reçu le Saint-Esprit en quelques semaines, au bout d'une carrière politique tonitruante... S'il est élu président, il mènera une guerre d'élimination politique contre tous les courants chrétiens, des Forces libanaises aux indépendants, en passant par les Marada. Il suffit d'ailleurs de demander aux députés de Sleimane Frangié ce qu'ils pensent vraiment de lui et les craintes qu'ils ont par rapport à son arrivée au pouvoir, qui serait annonciatrice d'une nouvelle volonté d'annihilation globale, poursuit l'ancien député. Ensuite, après en avoir fini avec les opposants chrétiens, Aoun s'attaquera à Saad Hariri. Le général croit fermement dans la théorie de l'Alliance des minorités. Je l'ai d'ailleurs dit à l'entourage du Premier ministre Hariri : Aoun, c'est Émile Lahoud, en plus intelligent, plus populiste, plus populaire. Il sera plus féroce que Lahoud, parce que fort de sa légitimité populaire... »

 

(Lire aussi : Geagea : On ne devient pas candidat d'entente du jour au lendemain)

 

Un chantage sournois
Pour le vice-président du courant du Futur, le chef du CPL a su entraîner le 14 Mars dans « un jeu sournois, en l'occurrence un chantage entre lui et le vide ». « Nous sommes sur la défensive. Nous avons si peur du vide que nous voilà à composer avec lui, ce qui revient à effacer tous les sacrifices que nous avons consentis depuis 2005... Comment ensuite l'expliquer à notre public, et surtout à la rue sunnite, qui n'arrivent pas à accepter l'idée d'une candidature de Aoun ? » s'interrroge Antoine Andraos. « Cette rue accepte plus facilement encore, à la limite, de s'asseoir avec le Hezbollah qu'avec Aoun. Et pour cause : il a généré une forte rancune en jouant sur la fibre communautaire chrétienne et sur une haine antisunnite primaire, ou en tablant par exemple, comme Lahoud et le régime syrien, sur l'épouvantail de l'implantation et des armes palestiniennes, ou encore sur la peur des jihadistes, sans oublier ses positions en faveur d'Assad au début de la révolution syrienne... Faut-il également rappeler ses campagnes populistes contre le Futur au nom de la lutte contre la corruption, sa capacité à raviver les plaies de la guerre à chaque fois pour des raisons politiciennes, ou encore ses propos injurieux à l'égard des martyrs du 14 Mars, et de Rafic Hariri en particulier ? » note-t-il.


Selon M. Andraos, il est clair que « Saad Hariri ne poussera jamais Aoun à la présidence de la République ». « L'on tend à oublier que c'est le chef du CPL qui a réclamé ce dialogue. L'opinion publique est témoin que c'est le général Aoun qui fait la cour à Saad Hariri pour être président de la République, parce qu'il sait qu'il a besoin de cet appui déterminant. Saad Hariri est en train de montrer que celui qui n'a pas lésiné sur les accusations et les insultes à son encontre depuis 2005 est aujourd'hui en train de le courtiser pour être chef de l'État. Et c'est Hariri qui est gagnant au change, puisque c'est Aoun qui se dénude un peu plus à chaque fois. » Il est clair, pour le vice-président du courant du Futur, que « Saad Hariri sera encore plus en position de force si jamais le chef du CPL, une fois qu'il aura compris qu'il n'obtiendra pas l'appui qu'il recherche, revient à son antienne et à ses insultes. Les propos doucereux qui auront été lancés en direction de Saad Hariri durant ces derniers mois passeront alors pour des mensonges et le personnage sera une fois de plus démasqué ».

 

(Lire aussi : Samedi, la fontaine de Baabda sera éteinte avant le départ du président sortant

 

L'angoisse du vide
Antoine Andraos minimise par ailleurs l'angoisse du vide qui anime certains milieux du 14 Mars en général et du courant du Futur en particulier. « Gebran Bassil sait bien qu'il n'a pas intérêt, actuellement, à se lancer dans des disputes avec Saad Hariri, dans la mesure où il est à la recherche de gains non négligeables que le chef du courant du Futur est en mesure de lui donner – notamment au niveau de la problématique qui intéresse le plus le chef de la diplomatie : conforter ses assises sur le CPL une fois qu'il sera question de discuter de l'héritage politique de Michel Aoun. Les liens tissés entre Bassil et certains pôles du Futur, dont Nouhad Machnouk, laissent à penser que le CPL n'a plus aucun intérêt à provoquer de nouvelles crises avec nous. C'est pourquoi, à mon avis, le CPL n'a pas intérêt à provoquer la chute du cabinet : il a désormais trop à y perdre, comme sur le dossier du pétrole. Les milieux affairistes, emmenés par Bassil et Bou Saab, sont suffisamment lucides pour ne pas perdre le nord. Et, partant, il ne faut pas avoir une peur apocalyptique du vide. »

 

(Pour mémoire Andraos : L'expérience de Aoun « n'incite pas à lui faire confiance »)


Et M. Andraos d'ajouter : « L'Iran n'a pas intérêt, à l'heure où Téhéran entend s'ouvrir à la communauté internationale, à provoquer une nouvelle crise à Beyrouth – surtout dans la perspective de négociations avec l'Arabie saoudite. Personne n'a intérêt à provoquer le vide. Il ne faut pas trop s'inquiéter d'une refonte du système à travers la répartition par tiers. Ce serait commettre une folie, à l'heure où la question chrétienne préoccupe le monde entier dans la région à la lumière des événements en Syrie, et affaiblir encore plus les chrétiens avec la tripartition. Même le Hezbollah ne saurait trop s'y risquer : il utilise cette carte et les angoisses qu'elle génère comme un moyen de pression pour éviter toute remise en question de son arsenal. »


Pour Antoine Andraos, l'essentiel, maintenant, est d'aller à la recherche d'une solution. « Samir Geagea a dit qu'il était prêt à se désister en faveur d'un candidat du 14 Mars qui adopterait son programme. Notre prochain objectif devrait donc être de trouver une personne capable de réunir le 14 Mars et de s'ouvrir sur le 8 Mars. C'était par exemple l'idée de Walid Joumblatt avec Henri Hélou. Et nous avons plusieurs choix dans ce sens. »

 

Lire aussi

Maronites en perdition, le bloc-notes d'Abdo Chakhtoura

Présidentielle : le suspense des dernières heures perdure, l'éclairage de Jeanine Jalkh

Rien ne présage de la fin du boycottage de la présidentielle

Dans un milieu où la langue de bois fait souvent office de dialecte vernaculaire, Antoine Andraos fait exception. Le vice-président du courant du Futur et ancien député de Aley est réputé pour dire ce qu'il pense, et sans détours, circonlocutions et habillages de rigueur.L'ouverture de Saad Hariri sur le général Michel Aoun n'échappe pas à cette règle, quand bien même rares sont ceux...

commentaires (5)

ISSIMO... AVEC UN PEU PLUS D'INTELLIGENCE, DE FINESSE, DE CHANGEMENT DE BOUSSOLE, DE VOCABULAIRE, ET D'UN GRAND SILENCE DES GEAIS JACASSEURS QUI VOUS ENTOURENT, VOUS AURIEZ PU FACILEMENT ÊTRE PROPULSÉ, NON PAR MOI SEUL, MAIS PAR LA MAJORITÉ DES LIBANAIS, SUR LA CHAISE DE VOS RÊVES ! CHOISISSEZ VOS AMIS AVANT DE CHOISIR VOS ENNEMIS.... C'EST LA RÈGLE DU JEU ! LES COUPS VIENNENT DES PLUS PROCHES TOUJOURS...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 48, le 21 mai 2014

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • ISSIMO... AVEC UN PEU PLUS D'INTELLIGENCE, DE FINESSE, DE CHANGEMENT DE BOUSSOLE, DE VOCABULAIRE, ET D'UN GRAND SILENCE DES GEAIS JACASSEURS QUI VOUS ENTOURENT, VOUS AURIEZ PU FACILEMENT ÊTRE PROPULSÉ, NON PAR MOI SEUL, MAIS PAR LA MAJORITÉ DES LIBANAIS, SUR LA CHAISE DE VOS RÊVES ! CHOISISSEZ VOS AMIS AVANT DE CHOISIR VOS ENNEMIS.... C'EST LA RÈGLE DU JEU ! LES COUPS VIENNENT DES PLUS PROCHES TOUJOURS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 48, le 21 mai 2014

  • Lahoûd-Äoûn ou Äoûn-Lahoûd, c'est bonnet Noir ou Noir bonnet. Ttanjrâh lâïïte ghattâhâh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    18 h 07, le 20 mai 2014

  • Le pahre Aoun est un visionnaire sans egal , qui donnait cher de sa peau quand il a decide de s'associer a la force de resistance du hezb en 2005 ? Il a passe pas mal d'epreuves depuis . Le probleme de nos politiques c'est toujours après la baffe qu'ils se declarent . On le critique et je dirai appelons ca comme ca , mais c'est meme plus des critiques on frise la diffamation , mais c'est pa grave , lui president sera le president de tous les libanais , pour une dignite retrouvee des libanais qui en ont marre d'aller faire les mendiants en occicon qui realise lui meme ses fautes , sans jamais l'avouer . Et on a comme ca des politiques partisannes qui jugent et condamnent ???.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 26, le 20 mai 2014

  • Deux choses que cet épisode de l'élection présidentielle me fait "admirer" tout particulièrement et intensément : 1-l'équipe incarnation de l'enfantillage politique qui a entouré et conseillé le général Aoun durant ces derniers neuf ans. Il doit y en avoir quand même, même si souvent, imagine-t-on, il a pu la disperser à coups de poings. 2-La nullité du 14 Mars qui rivalise avec celle de M Mikati Nullité.

    Halim Abou Chacra

    10 h 16, le 20 mai 2014

  • ON ME DEMANDE SOUVENT POURQUOI JE DIS QUE L'ISSIMO = UNE "ACCALMIE" DE SIX ANS. JE RÉPONDS ET J'ÉTALE MON AVIS : FORCE EST DE SUPPOSER QUE L'ISSIMO POURRAIT APPORTER UNE "ACCALMIE" DE SIX ANS AU PAYS... "COUPLÉE CERTES À UNE MAINMISE DE QUI L'ON IMAGINE"... NAUFFRAGÉ QUI S'ATTACHE À UNE LAME DE RASOIR DANS SON DERNIER FOL ESPOIR DE QUELQUE ILLUSOIRE SAUVETAGE ET SURVIE. MAIS ENCORE FAUT-IL QU'IL CHANGE "DÉFINITIVEMENT" ET POUR TOUJOURS SA BOUSSOLE ET SON VOCABULAIRE... CHOSES QU'IL N'A PAS FAITES ET QU'IL NE FERA JAMAIS ÉTANT "COMMIS" PERSIQUEMENT, ET SON ENTOURAGE, JUSQU'AUX OREILLES... LA DÉMOCRATIE, LA LIBERTÉ ET MÊME LA PRÉTENDUE CONSENSUALITÉ DONT IL SE TARGUE SONT DES VERTUS DONT IL IGNORE LE SENS ET BAFOUÉES ET VIOLÉES PAR LUI ET SES PARTENAIRES 24 HEURES PAR JOUR. UNE ACCALMIE DE SIX ANS ! ET LE "MALADE" RISQUE OU DE GUÉRIR, SI LES "AUTRES" SAURAIENT PROFITER DE CETTE ACCALMIE... OU DE SUCCOMBER UNE FOIS POUR TOUTE... DES DEUX MAUX : LE VIDE ET PEUT-ÊTRE LA GUERRE, OU LA PAUSE DE SIX ANS POUR TROUVER QUELQUE MÉDICAMENT ET ÉRADIQUER LE MAL À LA RACINE... ET ESPÉRER SORTIR LE PAYS DE L'ABYSSE Où IL SE DÉBAT... AMI(E) INTERNAUTE, QUE CHOISIREZ-VOUS ? J'AI CHOISI : L'ACCALMIE QUI DONNE L'ESPOIR, "SI ON EN PROFITE", DE CHANGER, DE GUÉRIR ET DE RÉSSUSCITER PEUT-ÊTRE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    05 h 48, le 20 mai 2014

Retour en haut