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Liban - TSL

Affaire al-Jadeed/« al-Akhbar » : violation de la liberté de presse ou crime ?

C'est une première dans le genre : des journalistes libanais appelés à comparaître devant une instance judiciaire internationale pour entrave à la justice, c'est du jamais-vu au pays du Cèdre.

Les accusations adressées à nos confrères de la chaîne al-Jadeed et d'al-Akhbar d'avoir mis en danger la sécurité de plusieurs centaines de témoins ou de personnes qualifiées comme telles sont lourdes et sérieuses, les poursuites engagées à leur encontre pouvant aboutir à des sanctions allant jusqu'à 7 ans de prison et/ou une amende jusqu'à cent mille euros. Ils peuvent tout aussi bien être innocentés. Une décision qui est du seul ressort du juge compétent en la matière.


Le procès, qui commence aujourd'hui en présence de Carma Khayat et Mariam el-Bassam (en l'absence d'Ibrahim el-Amine, qui a envoyé une lettre au TSL pour demander le report de la procédure et s'est abstenu de comparaître devant le tribunal), ouvre grandes les portes devant un débat fondamental pour les journalistes : où commence et où se termine la liberté d'expression, un concept vulnérable dans un pays comme le Liban, où de nombreux médias sont accusés de politisation outrancière, reproche qui les place dans une position aussi complexe que ne l'est l'échiquier politique libanais lui-même.

 

(Lire aussi : Modalité et date de la comparution des journalistes accusés dans les affaires d'outrage)


Alléguant précisément de cette sacro-sainte liberté de la presse, les journalistes mis en cause – et, avec eux, toute une pléthore de sympathisants parmi les politiques notamment – crient au scandale.
Certes, au Liban, on n'a rien vu de semblable à ce jour, et les sanctions adressées aux médias se limitaient dans la plupart des cas à une maigre amende payée par l'institution ou le journalise en faute. Sauf que les poursuites engagées contre nos deux confrères prennent aujourd'hui une dimension autrement plus alambiquée, face aux « enjeux politiques » que les médias incriminés mettent en avant.


Rappelons qu'aussi bien la chaîne al-Jadeed que le quotidien al-Akhbar sont connus pour être les pourfendeurs par excellence du tribunal depuis sa mise en place déjà... Ils ont lancé eux-mêmes à maintes reprises des accusations contre l'institution judiciaire internationale qu'ils estiment être « politisée ».
Toutefois, la seule et unique question posée aujourd'hui est de savoir si oui ou non ils sont responsables du crime qui leur est imputé, et si oui ou non il y a eu de la part du TSL « une atteinte à la liberté de la presse », couplée à des tentatives de « réduire au silence les médias », comme le prétendent la chaîne télévisée et le quotidien mis en cause.


À cette question, le porte-parole du TSL, Marten Youssef, répond de manière on ne peut plus catégorique : « Le seul et unique objectif de cette procédure judicaire est de s'assurer que des intimidations ne sont pas exercées sur les témoins – près de 550 selon la liste présentée par le procureur – dont plusieurs bénéficient d'un programme spécial de protection. »
Qui dit protection dit, et cela va de soi, des personnes considérées comme vulnérables et exposées au risque de mort violente ou de pression, explique en substance le porte-parole. « Il s'agit, en second lieu, d'enquêter sur les fuites elles-mêmes », ajoute-t-il, une initiative dont le TSL doit obligatoirement s'acquitter s'il veut préserver sa crédibilité.
M. Youssef rappelle à ce propos que « beaucoup de fuites ont déjà circulé dans les médias libanais, panarabes et internationaux sans que le tribunal n'engage pour autant quelque poursuite que ce soit à leur encontre ». On peut citer pour l'exemple la chaîne panarabe al-Arabiya, qui a été le premier média à divulguer le nom de l'un des accusés, Moustapha Badreddine, avant même la parution de l'acte d'accusation, rappelle M. Youssef.
« La chaîne al-Jadeed est d'ailleurs le seul média libanais à avoir diffusé le plus grand volume d'informations sur les activités du TSL et son travail, recourant souvent à des fuites que le TSL n'a pas pour autant sanctionnées », dit-il.


« Cependant, il y a une ligne rouge qu'aucun journaliste ou média ne peut franchir. C'est une règle universelle que même les tribunaux libanais ne sauraient permettre. Aucun tribunal au monde qui se respecte n'accepterait la publication du nom des témoins », martèle M. Youssef. Et de souligner que les porte-parole du TSL n'ont jamais manqué à leur devoir d'informer et d'expliquer la procédure et autres détails relatifs au tribunal et au procès, accordant souvent « la priorité aux voix les plus critiques » de l'instance judiciaire internationale.


Le porte-parole fait remarquer à ce propos que le « crime » imputé aux deux journalistes a été clairement défini par le juge en charge de l'affaire à l'article 56 de la décision prise à l'encontre des accusés, qui a donné une explication claire sur la définition des « menaces ».
Le problème, ajoute Marten Youssef, « c'est que, quand bien même les personnes citées ne sont pas toujours les véritables témoins, elles sont tout autant exposées au risque et sont potentiellement menacées autant que les vrais témoins ».


À ce titre, il est utile de rappeler que lorsque l'une des listes des témoins avait été publiée en 2013 avec 165 noms, le TSL avait diffusé un communiqué affirmant que cette liste « n'est pas crédible et que les noms cités ne sont pas ceux des témoins ».
Pour le TSL, le message est clair : « Cela signifie que les médias responsables de la publication à cette date – qui ont parlé de "fuites provenant du TSL même" – cherchaient vraisemblablement à ternir la réputation du tribunal en publiant une fausse liste. » « Ce n'est pas à chaque fois que l'on parle de fuites qu'elles le sont effectivement », insiste le porte-parole.


L'affaire est en tout cas sérieuse et les médias incriminés le savent bien. Preuve en est l'arrivée hier soir des représentants d'al-Jadeed à La Haye, accompagnés de leur avocat de défense, Karim Khan, un juriste de réputation internationale.


L'affaire est d'autant plus grave qu'une troisième enquête, non encore divulguée, est actuellement en cours. Selon une source proche du TSL, un troisième média serait sérieusement impliqué, un site web appelé « Journalist for the Truth », pour avoir publié, en 2013 également, une longue liste de noms de témoins. « L'enquête est sur une piste importante et pourrait révéler que les personnes en charge de ce site web seraient les mêmes, c'est-à-dire soit al-Jadeed, soit al-Akhbar », révèle la source qui laisse entendre que la politique systématique de décrédibilisation du TSL serait la même dans les trois cas.


L'autre élément important qui a échappé aux médias, notamment aux deux médias incriminés, est celui de savoir qui est à l'origine de l'enclenchement de la procédure. Outre le bureau du procureur et le greffe, c'est le bureau de la défense qui avait demandé qu'une enquête soit effectuée sur les allégations de fuite, dans le but d'éloigner toute suspicion et d'empêcher toute fausse rumeur qui risquerait de ternir l'image de ce bureau. Son chef, François Roux, ne cesse d'ailleurs de rappeler les standards internationaux de rigueur et de professionnalisme qu'il respecte ainsi que les conseils désignés par ce même bureau.


Pour lui, des accusations de « fuites » sur des listes de témoins – réels ou présumés – ne peuvent que porter tort à ses aspirations en matière de rigueur et d'éthique. Il faut savoir à ce propos que la défense était déjà en possession des listes des témoins et que la tentation de croire qu'elle serait à l'origine des fuites est grande.
Une situation pour le moins ironique dans la mesure où les médias incriminés, en accusant le TSL de s'en prendre à la liberté de la presse, sont en train de porter tort, indirectement et sans le savoir, à la défense des cinq accusés dont ils plaident la cause à cor et à cri depuis la parution de l'acte d'accusation.

 

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Les accusations adressées à nos confrères de la chaîne al-Jadeed et d'al-Akhbar d'avoir mis en danger la sécurité de plusieurs centaines de témoins ou de personnes qualifiées comme telles sont lourdes et sérieuses, les poursuites engagées à leur encontre pouvant aboutir à des sanctions allant jusqu'à 7 ans de prison et/ou une amende jusqu'à cent mille euros. Ils peuvent tout aussi...

commentaires (3)

Dècevant, très décevant! On comprend par ce très simple article de la journaliste (!) madame jeanine Jalkh, qui se limite à analyser et poser des questions de rhétorique à ce sujet, que OLJ ne crie pas sa solidarité avec ses confrères Libanais face à ce monstrueux instrument qui en principe n'a aucun droit de faire ce qu'il fait avec de la complicité interne, qui cherche à BAILLONNER une partie importante de notre presse... de notre liberté. Mais c'est mal nous connaitre et.. Il-n'y-arrivera-évidemment-pas. LUI aussi, ses complices zé les badaux le comprendront assez vite! Car Bilad-el-Cham n'est pas une partie du monde comme le reste; Allah 7émiha!

Ali Farhat

23 h 33, le 13 mai 2014

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Commentaires (3)

  • Dècevant, très décevant! On comprend par ce très simple article de la journaliste (!) madame jeanine Jalkh, qui se limite à analyser et poser des questions de rhétorique à ce sujet, que OLJ ne crie pas sa solidarité avec ses confrères Libanais face à ce monstrueux instrument qui en principe n'a aucun droit de faire ce qu'il fait avec de la complicité interne, qui cherche à BAILLONNER une partie importante de notre presse... de notre liberté. Mais c'est mal nous connaitre et.. Il-n'y-arrivera-évidemment-pas. LUI aussi, ses complices zé les badaux le comprendront assez vite! Car Bilad-el-Cham n'est pas une partie du monde comme le reste; Allah 7émiha!

    Ali Farhat

    23 h 33, le 13 mai 2014

  • Ce machin nous fait perdre notre temps , il va encore s'emmeler les pinceaux et on va assister a une valse des postes , comme c'est le cas depuis 10 ans , deja !!!!!

    FRIK-A-FRAK

    11 h 37, le 13 mai 2014

  • Ça, des "plumes" ?! Plutôt une bande organisée, oui, de faussaires et de délateurs. Bien fait pour leur faciès !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 15, le 13 mai 2014

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