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Liban - Justice

L’affaire Dell’Utri tient en haleine les gouvernements italien et libanais

L'ex-sénateur italien Marcello Dell'Utri. Photo Reuters

Marcello Dell'Utri sera-t-il extradé en Italie ou pas ?

Telle est la question qui taraude les Italiens, mais aussi tous ceux qui suivent avec grand intérêt cette affaire digne des plus grands films de mafia à suspense.

Arrêté il y 24 jours au Liban où il serait venu se réfugier pour fuir les poursuites et condamnations – « non définitives », précise son avocat libanais Akram Azouri –, prononcées contre lui par la justice italienne, cet ancien sénateur et député européen, très lié à l'ancien Premier ministre Silvio Berlusconi, a fait couler beaucoup d'encre dans les médias italiens, mais aussi libanais, depuis qu'il est « en cavale ».

M. Dell'Utri est accusé par la justice italienne de « concours extérieur » (concorso esterno in associazione mafiosa), « un délit construit par la jurisprudence italienne qui n'a pas son équivalent en droit libanais ni d'ailleurs en droit français », explique Akram Azouri dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour.
En Italie, on impute notamment à son client d'avoir apporté son concours aux investissements de la mafia sicilienne Cosa Nostra depuis la fin des années 1970 dans la Fininvest, la holding de Silvio Berlusconi. Les magistrats l'avaient alors qualifié durant le procès « d'ambassadeur de la Cosa Nostra à Milan ». L'ancien sénateur aurait également ainsi servi, dans les années 80 puis 90, d'agent de liaison entre les célèbres chefs de la mafia dont Stefano Bontade et Silvio Berlusconi. Les chefs d'accusation portent également sur des investissements qui auraient été faits à Milan, en Lombardie et dans le nord de l'Italie dans le cadre d'une opération de blanchiment d'argent provenant d'activités mafieuses et de trafic de drogue.

Carte de crédit
Ayant disparu d'Italie le 11 avril dernier, son arrestation a eu lieu le lendemain à l'hôtel Phoenicia dans le cadre d'une opération conjointe entre les services de renseignements libanais et la Direction des enquêtes antimafia italienne, suite à un mandat d'arrêt européen et une notice rouge internationale diffusée par l'Interpol. L'ancien sénateur avait sur lui 50 kg de bagages et 30 000 euros en cash.
M. Dell'Utri est alors identifié sur le territoire libanais grâce à des informations obtenues à partir d'enregistrements téléphoniques et une carte de crédit en sa possession utilisée pour les paiements, rapporte la Direction des enquêtes antimafia de Palerme.

L'ancien sénateur italien, qui se trouve toujours en détention sous surveillance à l'hôpital al-Hayat à Chiyah, dans une aile qui fait office de prison, avait affirmé qu' « (il) n'avait pas l'intention de fuir les autorités en quittant son pays, mais que (son) voyage à l'extérieur était motivé par des raisons médicales ».
De leur côté, les juges italiens persistent et signent : il est clair que Marcello Dell'Utri « a fui au Liban, d'autant qu'il n'existe aucune preuve qu'il se rendait à Beyrouth pour affaires, encore moins pour des raisons politiques ».
Toujours selon les juges, M. Dell'Utri a pris l'avion à Milan, « accompagné de son fils », pour se rendre à Paris et de là à Beyrouth, « un détour lui permettant d'éviter des contrôles de frontière plus stricts à partir de l'Italie ».

Le tribunal de Palerme
Confiant que son client a de fortes chances d'être relâché « bientôt », M. Azouri préfère cependant ne pas avancer de date quant à son éventuelle libération.
L'avocat est catégorique : le gouvernement italien « n'avait pas le droit de demander l'extradition », pour la simple raison qu'elle est contraire au traité d'extradition de 1972. « Le traité prévoit l'obligation que les faits imputés à Dell'Utri ne soient prescrits ni dans le droit italien ni dans le droit libanais. Or, M. Dellu'tri avait été innocenté par un jugement définitif du tribunal de Palerme pour les faits postérieurs à 92 », insiste l'avocat.
Selon le quotidien Il Fatto quotidiano du 25 mars 2013, la cour d'appel n'a pu en effet trancher les accusations de crimes qui lui sont imputés en 1992, ayant déjà été « innocenté de manière définitive », écrit le quotidien.

En Italie, le délai de prescription peut aller jusqu'à 20 ans, et il n'est pas encore clair si ce délai maximal s'applique aux crimes imputés à l'ancien sénateur ou si la prescription est de moindre durée dans son cas.
Toujours est-il qu' « au Liban, la prescription est de 10 ans », affirme Akram Azouri. Par conséquent, dit-il, « l'Italie n'avait pas le droit de demander à la justice libanaise la détention de Dell'Utri ».

Le 9 mars 2012, la Cour de cassation italienne avait effectivement annulé la décision préalablement rendue (qui fixait une condamnation de 7 ans de prison) dans cette affaire, car les charges de « concours avec la mafia » n'étaient pas suffisantes sur une période donnée pour mener à une condamnation. Il faudra donc attendre la décision de la Cour suprême italienne, « qui doit se prononcer vendredi prochain », pour y voir un plus clair, rapportent les journalistes italiens.

Entre-temps, Me Azouri, qui tient à signaler qu'il traite le dossier de son client « sur la forme et non sur le fond, lequel est de l'unique compétence des tribunaux italiens », affirme détenir un second argument juridique « de taille » pour justifier son optimisme quant à la libération prochaine de son client au Liban : outre la question de la prescription, M. Dell'Utri « est poursuivi pour un délit purement italien qui n'a pas son équivalent dans le code pénal libanais. C'est une construction de la jurisprudence italienne. Par conséquent, c'est une seconde raison pour refuser son extradition, puisque le traité de 1972 impose que le délit en cause soit incriminé dans les deux pays concernés ».

 

Course contre la montre
En attendant donc la décision de la Cour suprême italienne, c'est une véritable course contre la montre que mènent les justices italienne et libanaise, cette dernière planchant actuellement sur la traduction d'un épais dossier de près de 50 000 pages dans les langues admises par la justice libanaise. Le suspense est donc de mise, et nombreuses sont les parties concernées de près ou de loin qui attendent impatiemment le dénouement d'un imbroglio judiciaire qui, désormais, a pris une dimension internationale et a de lourdes répercussions politiques dans les deux pays.

Akram Azouri apporte un éclairage supplémentaire à cette affaire tentaculaire : « La décision d'extradition, même si elle est politique au Liban, est prise par un décret en Conseil des ministres. À l'instar de tout acte administratif, ce décret est soumis au contrôle judiciaire du Conseil d'État. Par conséquent, si le gouvernement libanais devait décider l'extradition, je présenterais un recours devant le Conseil d'État pour excès de pouvoir parce que le décret serait contraire au traité de 1972 que le pouvoir exécutif est tenu de respecter », conclut l'avocat.


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Marcello Dell'Utri sera-t-il extradé en Italie ou pas ?Telle est la question qui taraude les Italiens, mais aussi tous ceux qui suivent avec grand intérêt cette affaire digne des plus grands films de mafia à suspense.Arrêté il y 24 jours au Liban où il serait venu se réfugier pour fuir les poursuites et condamnations – « non définitives », précise son avocat libanais Akram Azouri...

commentaires (3)

"Caresse de chien donne des puces".

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

20 h 36, le 10 mai 2014

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Commentaires (3)

  • "Caresse de chien donne des puces".

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    20 h 36, le 10 mai 2014

  • Un vrai film de mafieux et ou le Liban reste le meilleur refuge pour pouvoir vivre sous d’autres identités .

    Sabbagha Antoine

    14 h 38, le 09 mai 2014

  • Si en Italie ils ont la cosa nostra , au Liban on est les champions de la cosa vostra , une mafia qui epouse les contours de l'etranger sans qui notre pays ne marche pas . On pourra suggerer a Dell'Utri de prendre du bon temps au Liban , on a les plus belles femmes du monde , George en a pecho une a Londres , lui qui est deja dans nos murs n'aura que l'embarras de choix , pour avoir fait le plus dur .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 38, le 09 mai 2014

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