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Culture - Rencontre

Ateliers d’écriture dramaturgique avec Jean-Daniel Magnin et Omar Abi Azar

Sous le titre de « Répliques », dans le cadre du FSP (Fonds de solidarité prioritaire) pour la promotion de la francophonie au Liban, des ateliers d'écriture dramaturgique sont organisés sous la férule de Jean-Daniel Magnin, directeur littéraire du Théâtre du Rond-Point à Paris, et de Omar Abi Azar, membre et cofondateur de Zoukak. Entretien, explication et attente d'un joint-venture du théâtre francophone au pays du Cèdre.

Avec ces ateliers d’écriture, Jean-Daniel Magnin et Omar Abi Azar livrent les techniques et les rouages du théâtre. Photo Michel Sayegh

Placé sous les auspices de l'Institut français du Liban et de ses partenaires, l'Université Saint-Joseph (Iesav), l'Université libanaise (INBA) et le théâtre Monnot, ce programme franco-libanais vise à encourager le développement des écritures dramaturgiques contemporaines en langue française afin de permettre l'émergence d'une nouvelle génération d'auteurs.
Un appel a été lancé en décembre 2013. Quatorze candidatures ont été reçues. Cinq d'entre elles ont été sélectionnées en mars dernier par un jury composé de professionnels. Les lauréats sont Patricia Barakat, Étienne Damien, Diala Gemayel, Caroline Hatem et Chrystelle Khodr. Ils bénéficieront d'ateliers d'écriture conduits sur six mois par Jean-Daniel Magnin et Omar Abi Azar.
Un projet au service d'une voix nouvelle pour le théâtre contemporain d'expression française au Liban.
Dramaturge franco-suisse établi à Paris, auteur d'une quinzaine de pièces de théâtre et d'un roman, rédacteur en chef en ligne pour une revue collaborative (ventscontraires.net), Jean-Daniel confie que c'est son cinquième passage à Beyrouth. «Avec toujours le bonheur de revenir», dit-il en souriant.
«Avec "Répliques", enchaîne-t-il, c'est l'occasion de confronter un écrivain avec le public. C'est un prolongement de mes activités à Paris. Ces ateliers sont bien sûr des exercices d'écriture, mais aussi une manière d'approfondir l'approche de la scène contemporaine. De toucher à sa spécificité, à sa modernité. À ses moyens. L'économie n'est jamais loin des préoccupations des auteurs dramaturgiques. Cela permet aussi de développer les paramètres du processus visant à raconter une histoire et sonder la poétique du théâtre car chaque histoire peut être distillée et tendre vers l'universel. Avec ces ateliers, on aborde les techniques, les rouages du théâtre. La multiplicité et la floraison des textes nous emmènent à voir de plus près l'univers des planches. On veut lui enlever ses béquilles... Actuellement, une pièce peut ressembler à un scénario de film. Eh bien, notre travail est, comme disent les Anglo-Saxons: "How to make great a good script" (comment faire grand un bon texte !). Ces ateliers sont certainement un travail de décantation pour s'approcher du singulier... Et c'est une opportunité de m'interroger sur mon propre travail. Si ces rencontres peuvent faire mûrir un auteur, c'est déjà un acquis mais ce qu'on souhaite le plus, c'est faire entendre des histoires d'ici au-delà d'ici... Le message est davantage là que dans les pièces que nous dirigeons...»

La voix des auteurs vivants
Sans perdre une miette de la discussion et de la conversation, Omar Abi Azar, du collectif Zoukak, n'en a pas moins des interventions ponctuelles. Efficaces et pertinentes. Pour un groupe de théâtre arabophone engagé, l'occasion rêvée de (dé)doubler son expérience à travers un pays multiculturel.
«Les écrivains de théâtre sont à l'écart, souligne-t-il, ils sont rarement confrontés à ce que vaut un texte... Le théâtre fait ce que la politique ne peut faire... Le théâtre reste toujours un besoin de parler autrement.» Une réflexion s'impose ici quant aux privilèges des écrivains: le présent peut bien appartenir aux hommes politiques, l'avenir est à ceux qui écrivent...
Le théâtre au Liban, notamment à Beyrouth, loin de vivre son ère florissante, tente de remonter le courant et de retrouver son aura de gloire des années d'avant-guerre. Ce Beyrouth autrefois si cosmopolite: on pouvait applaudir un musical anglais à la LAU (mais qui se souvient encore de ce délicieux opéra comique The Pirates of Penzance de Gilbert and Sullivan?), savourer un texte de Pinter ou d'Albee en arménien à la salle Gulbenkian, voir feue Lisette Enokian jouer Tovarich à la Popesco au Phoenicia, écouter Antoine et Latifé Moultaka, Nidal Achkar, Jalal Khoury, Roger Assaf et Gebara, divinement inspirés (il est vrai avec des textes presque toujours importés de l'étranger) en ces temps-là, pour une capitale dont la théâtralité démesurée, anarchique, meurtrière et sanguinaire allait tous les engloutir et les éclipser... Et voler en éclats avec le fracas de la guerre.
Il est réconfortant de voir un atelier d'écriture théâtrale donner la voix à des auteurs vivants. Une voix non pas recto tono, c'est-à-dire sans aucune nuance, sans modulation, d'un ton uniforme. Mais, au contraire, un théâtre sous direction des gens du métier, des hommes de théâtre. Qui conseillent, avisent, mettent sur rails et sous sunlight. On pense un peu, avec cette expérience, au cas de Giraudoux qui n'aurait jamais écrit pour le théâtre sans l'impulsion de Louis Jouvet.
De la méthodologie, de la rigueur, de l'exploration, de la profession, de la discipline et du savoir-faire dans un pays aux turbulences qui n'ont pas fini de faire des vagues. Une génération qui en a certainement des choses à dire. «La canalisation des matières en excès pour le passé récent du Liban», comme le résument en chœur ici les deux compères, maestros des feux de la rampe.
Dans ce lieu de rencontres, fertiles de discussions libres, conférences, acteurs texte en bouche et geste encerclant ou libérant le corps, performances, fouillage et bafouillage (au sens noble du terme, dit Magnin!), le théâtre est matière à (re)naissance, à créativité nouvelle.
Le théâtre, «lieu où l'on regarde», pour emprunter la définition étymologique, pour désigner l'aire scénique. Rayonnement d'une culture qui a ses ratés, ses éclats, ses coins sombres, ses lumières. L'aventure valait bien d'être tentée. Des auteurs vivants pour un verbe vivant. Pour un pays en quête de soi, asphyxié, mais vivant.
On souhaite bon vent à cet atelier, vecteur d'espoir, d'échange et de richesse d'une langue française, autre miroir du Liban, qui a ses amoureux inconditionnels et ses ténors.
Ce n'est pas un verdict qu'on attend. Mais ces «Répliques» qui redonnent justement goût aux vocables, au silence et au lever de rideau...

Placé sous les auspices de l'Institut français du Liban et de ses partenaires, l'Université Saint-Joseph (Iesav), l'Université libanaise (INBA) et le théâtre Monnot, ce programme franco-libanais vise à encourager le développement des écritures dramaturgiques contemporaines en langue française afin de permettre l'émergence d'une nouvelle génération d'auteurs.Un appel a été lancé en...

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